Raducanu, encore battue : “Les gens commencent à réaliser que ça va me prendre du temps”
Déjà sortie à Indian Wells par Petra Martic ce dimanche, Emma Raducanu n’a gagné que quatre matches depuis son titre à l’US Open en septembre dernier. Mais, contrairement à de nombreux observateurs inquiets pour elle, la jeune Britannique ne s’en formalise pas.
Indian Wells 2022 | Tableau | Programme
Le tennis féminin a vu trop de ses jeunes pépites égarées sur l’autel de la célébrité nouvelle, de l’argent facile et/ou de la pression écrasante pour ne pas d’ores et déjà s’inquiéter sur le sort de sa nouvelle poule aux œufs d’or, Emma Raducanu.
La jeune Britannique, devenue du jour au lendemain une star planétaire en s’imposant l’an dernier à l’US Open, à 18 ans, sans perdre un set et après être sortie des qualifications – du jamais vu -, semble aujourd’hui engoncée dans un long tunnel sans fin puisqu’elle n’a, depuis, gagné que quatre matches. Dont un arraché ici à Indian Wells face à Caroline Garcia, avant de s’incliner face à Petra Martic ce dimanche, au terme d’un gros combat qu’elle a fini par perdre (6-7, 6-4, 7-5) après avoir servi pour le match dans le troisième set, s’inclinant finalement sur quatre fautes en coup droit.
Enième répétition d’une histoire bien connue ? C’est vrai que ça y ressemble beaucoup. Servie par ses – juteuses – origines multiculturelles (surtout britanniques et chinoises), son joli minois et sa fraîcheur enthousiasmante, Raducanu, après son invraisemblable titre new-yorkais, n’a pas tardé à voir les sponsors lui mettre le grapin dessus. Elle a notamment signé des contrats avec Dior, Evian, British Airways et la bijouterie Tiffany&Co, pour un portefeuille désormais estimé, au bas mot, à 6 millions d’euros. A 19 ans. Et, pour ainsi dire, sur un seul tournoi.
Des critiques venues de haut et de loin
Il y aurait de quoi, effectivement, faire tourner plus d’une tête. Outre-Manche, on n’a pas attendu 2022 pour s’inquiéter et critiquer la starisation instantanée de la championne, accusée d’avoir sacrifié sa progression sportive sur l’autel du chant des sirènes. Des critiques provenant de très haut et parfois très loin du monde du tennis, à l’instar de celles émises par Eddie Jones, l’entraîneur australien du XV d’Angleterre.
Sans nier le plaisir avec lequel elle a accueilli l’aubaine financière qui lui est tombée dessus, Raducanu, elle, s’est inscrit en faux contre ces accusations, répétant avoir toujours gardé pour principe de ne jamais zapper la moindre séance d’entraînement pour une obligation liée à un sponsor. Quand elle entend que son tennis pâtit de son temps trop important passé dans des séances photos, elle s’en amuse.
“En fait, je ne sais pas trop ce que ça signifie”, balaie-t-elle dans un sourire. “Ces derniers temps, je n’ai pas eu énormément d’activités extra-sportives en dehors des interviews. En revanche, j’ai eu pas mal d’ennuis qui m’ont obligé à faire d’incessants stop-and-go. Ça, ce n’est pas évident à gérer d’autant que mon corps est encore en plein développement.”
Covid, ampoules, hanche…
C’est vrai qu’en fait de son emploi du temps, c’est plutôt le mauvais sort qui s’est plusieurs fois chargée de l’éloigner des terrains ces derniers mois. Touchée par le Covid fin 2021, virus qui a perturbé sa préparation hivernale et occasionné son forfait à l’exhibition d’Abu Dhabi, Raducanu a ensuite été stoppée net à l’Open d’Australie par de vilaines ampoules à la main, après un premier tour encourageant remporté contre Sloane Stephens.
Plus récemment, à Guadalajara, elle était lancée dans un interminable marathon face à Daria Saville-Gavrilova lorsqu’elle a été contrainte à l’abandon en raison d’une blessure à la hanche, après 3h36 de jeu. Blessure qui, soit dit en passant, a sérieusement remis en question sa participation au WTA 1 000 d’Indian Wells. C’est elle, et elle seule, qui a finalement décidé de venir, après une longue concertation avec elle-même et ses sensations.
Au-delà de toute considération de résultats, ce qui reste rassurant dans la trajectoire actuelle d’Emma Raducanu, c’est qu’elle ne semble pas avoir abandonné le commandement de sa carrière. Autre exemple, elle a aussi été moteur dans le choix de son nouveau coach, l’Allemand Torben Beltz (ex-entraîneur d’Angelique Kerber), qui l’entraîne depuis novembre dernier après sa séparation avec celui qui l’avait guidée à la victoire à l’US Open, Andrew Richardson.
Le reste, comme elle le croit fermement, n’est qu’une question de temps. Mais aussi de distorsion entre ses propres attentes et celles du public, déformées par un titre en Grand Chelem qui, à l’en croire, était presque une anomalie. En tout cas une bénédiction trop précoce.
“D’un coup, tout le monde s’est mis à attendre de moi que je gagne tout, tout de suite, fait-elle remarquer. Mais moi, l’année dernière, mon objectif, c’était de gagner un match en Grand Chelem, c’est tout. Aujourd’hui, ce qui serait considéré comme un piètre résultat aux yeux des gens pourrait rester pour moi un résultat positif.”
Elle met dans le lot sa victoire à Indian Wells – où elle n’avait encore jamais gagné un match – face à Caroline Garcia et même cette défaite face à Petra Martic, qui n’a pas été catastrophique, loin de là, dans son contenu. Hormis sur la fin, où le manque de confiance l’a rattrapée.
Mais celle qui figure à la 13e place mondiale repart de là avec des sensations plutôt positives. “Je crois que les gens commencent à réaliser que ça va me prendre du temps avant de vraiment m’installer. La patience sera la clé.” Cela passe, déjà, par la nécessité de retrouver une stabilité sur le plan physique et mental. Après une telle déflagration, ce n’est jamais si facile.