“La vie est tellement courte, je veux profiter de chaque jour” – Anisimova a retrouvé le plaisir et son meilleur tennis
De retour sur le circuit après une pause de neuf mois pour préserver sa santé mentale, Amanda Anisimova s’est concentrée sur le plaisir, profiter du tennis et de sa carrière.
Ces sept derniers jours vont sans doute compter comme les plus marquants de la carrière d’Amanda Anisimova depuis Roland-Garros 2019.
Cette année-là, l’Américaine, 17 ans, s’était révélée au monde en atteignant les demi-finales sur l’ocre de la porte d’Auteuil. Après avoir vaincu Simona Halep, tenante du titre, en quarts de finale, son épopée s’était arrêtée face à la future gagnante, Ashleigh Barty. Non sans livrer une résistance acharnée : 6-7⁴, 6-3, 6-3.
Mais Anisimova – d’un caractère discret, assez introverti – a toujours eu du mal à prendre la lumière des feux des projecteurs attirés par son talent évident.
Depuis cette percée de 2019, la native du New Jerey a traversé beaucoup d’épreuves. Trop pour quelqu’un d’un si jeune âge. Un peu moins de deux mois après son aventure parisienne, elle a perdu son père, Konstantin Anisimov, victime d’une crise cardiaque à 52 ans.
Cette tragédie a eu un impact profond sur la santé mentale et la vie d’Anisimova. Enchaînant les défaites lors de la suite de la saison, elle a continué à chuter sans retrouver son meilleur tennis lors des deux années suivantes.
Confrontée à dépression et anxiété, elle a courageusement parlé publiquement de ses problèmes lorsqu’elle a décidé de s’éloigner du circuit pour prendre une pause salvatrice de neuf mois en mai 2023.
“Ce n’est pas facile de réussir à être sa propre meilleure amie, je pense que nous avons tous des difficultés avec ça”, a-t-elle expliqué en conférence de presse à Toronto.
“J’ai beaucoup travaillé là-dessus – essayer d’être moins critique envers moi-même et m’encourager autant que possible, parce qu’au final ça ne peut que m’aider.”
Retour sur le circuit début 2024 après neuf mois de pause pour préserver sa santé mentale
De retour début 2024 pour la tournée australienne, Anisimova a repris la compétition en tant que 359e joueuse mondiale. Huit mois plus tard, là voila de retour dans le Top 50, au 49e rang.
Cette ascension au sein de la hiérarchie a pris un coup d’accélérateur grâce à sa finale lors du WTA 1000 de Toronto la semaine passée.
Sur sa route, Anisimova a notamment éliminé une compatriote très en forme, Emma Navarro, 15e mondiale, et la double tenante du titre de l’Open d’Australie, Aryna Sabalenka, avant d’être stoppée par Jessica Pegula, déjà gagnante de l’Open du Canada en 2023.
Avant de débarquer dans l’Ontario, Anisimova était 132e. Son parcours canadien a donc eu une incidence importante sur sa progression au classement, mais pas uniquement.
Anisimova a atteint la plus grande finale de sa carrière, sa première en WTA 1000. Et ce seulement huit mois après un retour pour préserver sa santé mentale, dont personne ne savait si elle parviendrait totalement à se remettre.
Mais elle y est parvenue. Avec une mentalité différente. En se concentrant sur le plaisir, en étant moins dure avec elle-même, Anisimova a récolté les fruits de son tennis sans céder à la pression intérieure de ses propres attentes.
“Je pense que c’est quelque chose (être plus tolérante envers elle-même) qui m’a vraiment poussée dans la bonne direction. Ça m’a aidée, rien que cette semaine”, s’est-elle exprimée en conférence de presse après la défaite contre Pegula.
“Je voulais juste le dire pour peut-être montrer à d’autres gens qu’on peut être fier de soi, et qu’on peut surmonter des défis ou autres. Au final, il ne s’agit que de soi, on n’a que soi-même. Donc je pense que c’est très important.”
Pour AnisimovA, le plaisir est la vraie victoire
Seulement âgée de 22 ans, l’Américaine dégage une certaine aura mêlée de calme et sagesse propre à celles et ceux que les drames de la vie ont forcé à mûrir plus vite que les autres.
Malgré la finale perdue contre Pegula, Anisimova a tenu à retenir le positif de sa semaine, et à transmettre un message plus large : savoir se concentrer sur les joies quotidiennes plutôt que sur l’éventuelle réussite.
“J’ai pris une pause l’an passé, je me suis éloignée du tennis, et les gens se demandaient comment j’allais revenir et quels résultats j’aurais. Moi-même, je me posais la question. Personne n’aurait pu prédire ça.”
“J’ai travaillé dur, et j’ai essayé de revenir à ce sport en étant plus détendue, en voulant profiter de chaque jour, sans être trop sérieuse à propos de tout, car je pense que c’est ce qui retire de la joie dans bien des choses.”
“Je pense que cette approche de la vie au quotidien m’a beaucoup aidée.”
“La vie est tellement courte, je veux profiter de chaque jour peu importe à quel point cette carrière et ce boulot peuvent être difficiles. Et ça (une carrière de sportif de haut niveau) ne dure pas très longtemps. Si je joue encore 6 ans, c’est assez court, donc je veux juste en profiter autant que possible.”
“Je pense que ça nourrit aussi la réussite. Si vous n’êtes pas heureux, je ne pense pas que vous allez réussir à faire du bon boulot, ou du moins pas de façon durable.”
Si soulever le trophée est généralement le baromètre du succès pour la plupart des joueurs de tennis, le message envoyé par Anisimova en tant que finaliste battue dégage un aspect plus sain quant à la représentation du succès, en tant que joueuse et personne.
Et si, en menant sa carrière avec cette façon de voir les chose, les meilleures résultats possibles et les titres suivent, ce n’est qu’un bonus supplémentaire pour celles et ceux qui prennent déjà énormément de plaisir dans leurs métiers.