Meurtrie à Roland-Garros, éblouissante à Wimbledon : les 26 jours sur un fil d’Ashleigh Barty
L’odyssée d’Ash Barty a été semée d’embûches depuis Rome, mais elle a su se sortir des blessures pour s’imposer à Wimbledon.
Samedi, sur le Centre Court de Wimbledon, Ashleigh Barty a remporté son deuxième titre du Grand Chelem à Wimbledon en s’imposant en finale face à Karolina Pliskova. Conquérante et sûre de ses forces, l’Australienne a dominé la finale après avoir joué “le meilleur match de sa vie” deux jours avant face à Angelique Kerber en demie. Barty, numéro un mondiale, a prouvé qu’elle était bien la patronne du circuit.
Mais les apparences peuvent être trompeuses. En amont de Wimbledon, tout n’a pas été aussi simple. Barty et son équipe ont dû lutter contre une blessure à la hanche gauche qui menaçait de gâcher son été. Après avoir quitté son île natale au mois mars, sans prévoir de pouvoir y retourner avant la fin de l’année, Barty a dû abandonner en quarts de finale à Rome puis au deuxième tour de Roland-Garros. La course contre-la-montre afin d’être prête à temps pour Wimbledon était alors lancée. En conférence de presse après avoir été titrée à Londres, L’Australienne a révélée que sa blessure était plus grave que prévue et aurait dû l’éloigner des courts pendant deux mois.
“Les membres de mon équipe ont gardé des informations pour eux concernant ma blessure. Des précisions qu’ils avaient obtenu d’autres spécialistes. Il n’y avait pas beaucoup de radiologues en Australie qui avaient vu ma blessure. C’était une blessure qui devait m’éloigner du circuit pendant deux mois Être capable de jouer ici à Wimbledon n’était rien de moins qu’un miracle. Je pense que maintenant, jouer sans douleur pendant cet événement était incroyable. C’est drôle, parfois les étoiles s’alignent, tu peux penser positivement et tu peux courir après tes rêves.”
Barty sur la corde raide
Quand Barty a jeté l’éponge à Paris, les aiguilles de l’horloge tricotaient déjà le linceul de ses rêves de Wimbledon. Elle avait besoin de récupérer complètement pour pouvoir entrer sur le court au premier tour, sans parler d’un parcours jusqu’en finale.
“Je crois que nous avons eu 23 ou 24 jours entre mon abandon à Paris (26, ndlr) et mes débuts ici”, a-t-elle rappelé jeudi en conférence de presse après sa victoire contre Angélique Kerber en demi-finale. “Afin d’être présente, il fallait que tout se passe comme prévu dans ma récupération pour me donner une chance de jouer sans douleur et avoir confiance en mon corps.”
Ashleigh Barty ne manque jamais une occasion de faire l’éloge de son équipe. Elle est la seule joueuse du circuit qui utilise constamment le “nous” lorsqu’elle parle d’elle dans les médias, preuve concrète de sa vision collective du tennis.
“Je le répète souvent, je suis extrêment chanceuse d’avoir cette équipe autour de moi”, a-t-elle confié. “Ce sont les meilleurs dans leur domaine. Si je suis là et que je joue, c’est grâce à eux. Je suis assez heureuse d’avoir pu leur rendre la pareille, d’une certaine façon, en nous donnant l’opportunité collective, en tant qu’équipe, de réussir quelque chose de spécial cette semaine.”
Coach Tyzzer : “Une blessure étrange”
Craig Tyzzer, le coach de la numéro un mondiale, a conscience de la dimension périlleuse du parcours de sa protégée entre Roland-Garros et Wimbledon.
“Ce qui est arrivé et l’a mise hors-jeu était un peu étrange”, a-t-il déclaré. “Ici, ça a été très différent. Nous n’avons pas pu faire beaucoup de travail sur le court pour nous préparer. Nous avons beaucoup bosser sur la récupération et la reconstruction de sa force.”
Je pensais que Roland-Garros allait être un succès éclatant pour elle
Craig Tizzer, coach d’Ashleigh Barty
“Ça a commencé un peu difficilement. Je pense qu’elle a bien joué lors du premier tour, mais pas tellement lors du suivant. Elle a produit un meilleur tennis au troisième tour. Ça s’est ensuite amélioré à chaque match.”
Tyzzer avait la sensation que l’équipe était parvenue à mettre Barty dans d’excellentes conditions pour triompher porte d’Auteuil. Mais quand la blessure est venue mettre leur plans à l’eau et assombrir l’avenir, il s’est retrouvé dans le flou.
“Je pensais que Roland-Garros allait être un succès éclatant pour elle, et ça s’est terminé de façon radicalement opposée”, a-t-il expliqué. “Nous ne savions pas à quoi nous attendre pour la suite. Ça a été une aventure incroyable jusqu’ici.”
Une première semaine semée de doutes
D’après Tyzzer, l’incertitude, présente lors de la préparation, a perduré pendant la première semaine de Wimbledon. Il espérait que sa joueuse pourrait passer quelques avant d’être hors de danger physiquement, sans être le plus confiant qu’il soit.
“Nous avions quelques inconnues en commençant le tournoi, nous ne savions pas si son corps tiendrait après tout le travail de récupération”, a-t-il déclaré. “C’était du genre : ‘OK, si elle peut passer quelques tours, alors nous serions peut-être au stade que nous espérions atteindre.”
Pas de double, et moins d’entraînement
Plutôt qu’un programme axé sur du temps de jeu à l’entraînement sur gazon, la priorité a été donnée à la gestion de sa santé physique.
“Elle ne s’est pas alignée en double ici”, a souligné Tyzzer. “Il s’agissait de gérer les jours sans match. En début de tournoi, nous avons même pris une journée de repos complète, sans entraînement. Le but était d’essayer d’être sûr que son corps soit frais et prêt pour le prochain tour. C’est allé sans cesse en s’améliorant à chaque fois qu’elle a joué.”
Le talent de Barty se marie à merveille avec le gazon
Même si la native d’Ipswich n’a connu qu’un succès limité lors de ses précédentes apparitions à Wimbledon, elle excelle sur herbe grâce aux outils uniques dont elle dispose et ses sensations sur cette surface. Arrivée sans préparation à Londres, elle a été capable d’user de son talent pour se sortir des premiers tours. Un succès qui n’a pas surpris son entraîneur.
“Rien ne me surprend jamais avec Ash”, s’est-il enthousiasmé. “C’est une athlète incroyable. Sa capacité à faire des choses sur le court est juste… Le gazon est une surface tellement différente. Nous ne jouons que très peu dessus. C’est le premier tournoi sur herbe de l’année pour Ash.”
“Être capable de se pointer et jouer avec la qualité qu’elle démontre dans les grands matchs – comme contre Kerber, quand les choses ont été vraiment compliquées (elle était menée 5-2 dans le deuxième avant de s’imposer 6-3, 7-6) – sur une surface tellement différente, ça témoigne de sa capacité à gérer ces évènements.”
Barty sur gazon : adaptation et appréciation
Barty l’affirme, être capable de lire et réagir à cette surface en fonction des jours a été la clef de son succès. Elle a appris de ses expériences passées au All England Club, en citant notamment 2018 (troisième tour) et 2019 (huitièmes de finale).
“Ce sont les quelques années en plus, c’est l’expérience, c’est un peu de tout”, a-t-elle répondu. “Vous avez aussi besoin d’un peu de chance, sans aucun doute. Vous avez besoin d’être affûtée et en bonne santé. La chose la plus importante sur ces courts, c’est probablement de savoir s’adpater. Les courts changent radicalement entre le début et la fin de la compétiton (avec notamment beaucoup moins de gazon en fond de court). C’est important d’apprendre à ajuster sa façon de jouer au fil des tours. Le gazon devient plus rapide, plus dur. Je pense qu’il faut savoir comprendre les différences dans la façon d’évoluer au fur et à mesure que vous avancez dans le tournoi.”
Une autre clef du succès ? Profiter du moment. C’est une partie importante du plan de Barty, une femme qui apprécie à sa juste valeur le long chemin, fait de hauts et de bas depuis le début de sa carrière, pour arriver jusqu’ici.
“Il s’agit aussi de ne pas compliquer les choses. Rester simple. Être sur le court et profiter de l’instant”, a-t-elle affirmé. “Evidemment, nous travaillons très dur dans l’ombre avec mon équipe pour aborder ces moments, mais c’est aussi vraiment important de savoir en profiter.”