Interview exclusive avec Bernarda Pera : “J’en avais marre de tout”
Dans une interview exclusive pour Tennis Majors, Bernarda Pera revient sur ses doutes, ses deux premiers titres en 2022, et ses prochains objectifs.
“La semaine avant le tournoi de Budapest, je disais à Kristina (Mladenovic) que j’en avais marre de tout, que je jouais bien mais que je n’arrivais pas à percer.” A 27 ans, Bernarda Pera a bien fait de ne pas lâcher. Que s’est-t-il passé, ensuite ? Un premier titre en carrière… à Budapest, et un deuxième à Hambourg, la semaine suivante ! L’Américaine a même battu, en finale à Hambourg, la numéro 2 mondiale Anett Kontaveit.
12 rencontres, 24 sets, et pas un seul perdu : Pera est dans la forme de sa vie. Elle a même fait un bon de géant au classement WTA. L’Américaine, encore classée 130e mondiale avant le tournoi de Budapest, est désormais au 54e rang mondial.
“Entrer dans le Top 50 a longtemps été un objectif pour moi, nous dit-elle, dans un sourire. Je suis sur le point d’y parvenir. Ensuite, je pourrai me concentrer sur d’autres objectifs.”
Pera est née à Zadar, en Croatie. Elle est pourtant arrivée aux Etats-Unis à l’âge de 16 ans, pour obtenir une meilleure formation tennistique. Elle a, ensuite, décidé de jouer sous les couleurs américaines. “Je suis là où je suis grâce aux conditions d’entraînement que j’ai eues aux Etats-Unis”, lâche-t-elle.
Son retour sur les courts est prévu pour la semaine prochaine, au tournoi WTA 125K de Concord. Suivrons ensuite Cincinnati, Cleveland, et l’US Open.
Pour Tennis Majors, Pera revient sur sa forme du moment, mais aussi sur son travail, la place de son père, et ses futurs objectifs…
Comment avez-vous trouvé le déclic à Budapest et à Hambourg ?
En réalité, je me sentais bien sur le court depuis longtemps. Surtout à l’entraînement. Je n’avais juste pas encore réussi à convertir cette forme en match. Je me suis un peu pris la tête avec mon entraîneur, sur les aspects techniques, et donc il ne m’a pas suivi à Budapest ! Au final, cela m’a été bénéfique. J’étais plus sereine en arrivant au tournoi.
Je suis venu avec mon copain, qui n’y connaît pas grand chose au tennis, et c’était un soutien formidable. Les choses ont tourné en ma faveur. J’ai joué de mieux en mieux, en engrangeant de la confiance à chaque victoire. Mon niveau était encore plus élevé à Hambourg qu’à Budapest.
On entend souvent des joueurs dire "Je me sens bien sur le court". Comment cela se traduit-il chez vous ?
Quand j’enchaîne les jeux et les points à l’entraînement, je sens la balle extrêmement bien. Pendant longtemps, j’ai très bien servi à l’entraînement, mais dès que le match arrivait, les choses changeaient. Il a fallu beaucoup de travail. A Budapest, j’étais plus relâchée, et tout s’est débloqué.
Comment avez-vous réussi à transférer votre bon niveau à l'entraînement jusqu'en match ?
Mon jeu est très agressif, et je suis très dure envers moi-même. Je n’aime pas du tout quand je rate quelque chose. J’ai appris à être plus indulgente avec moi-même. A cause de mon style de jeu, je commets forcément des erreurs, c’est normal.
La semaine avant le tournoi de Budapest, je disais à Kristina (Mladenovic) que j’en avais marre de tout, que je n’arrivais pas à percer
Bernarda Pera
J’aime attaquer la balle. J’aime aller chercher les points. C’est donc crucial de conserver cette mentalité même si je commets des erreurs. Je ne dois pas laisser ces erreurs me perturber. Cela ma va très bien d’être agressive. C’est ma façon de jouer.
Vous avez changé plusieurs fois d'entraîneur (Guillermo Canas, Luka Belic, Kristijan Schneider, Velimir Zovko). Désormais, vous vous entraînez depuis un an avec Miro Hrvatin. Quel a été le plus gros défi avec lui ?
Oui, j’ai beaucoup changé d’entraîneur ces dernières années. Tous insistaient sur une partie de mon jeu qui ne m’allait pas. Je commençais à travailler quelque chose de nouveau, cela ne m’apportais pas de résultats tout de suite, donc je doutais, et je ne me sentais pas bien. Il y a eu beaucoup de négativité dans ma tête. J’ai essayé de me répéter des choses positives sans vraiment y croire. C’est très dur de sortir de ce cercle vicieux.
Que recherchez-vous chez un entraîneur, et comment cela s'est-il passé avec Hrvatin (ancien coach de Miomir Kecmanovic) ?
Le plus important pour moi chez un entraîneur est qu’il me soutienne. J’ai besoin qu’il reste calme, qu’il ne panique pas. Je peux être très émotive, donc j’ai besoin de quelqu’un qui sait rester calme en apparence. C’est un équilibre.
Je me suis un peu pris la tête avec mon entraîneur, sur les aspects techniques, et donc il ne m’a pas suivi à Budapest ! Au final, cela m’a été bénéfique. J’étais plus sereine en arrivant au tournoi
Bernarda Pera
Bien sûr, les aspects techniques par rapport au jeu sont aussi importants. Quand Miro a rejoint l’équipe, il m’a demandé de garder la balle sur le court, sans commettre trop d’erreurs. On s’est un peu écharpé par rapport à cela. Je vous ai dit ce que je pensais de mon style de jeu.
Il avait travaillé avec Miomir Kecmanovic, et passé beaucoup de temps dans le tennis masculin. Donc on a eu quelques désaccords. Je crois que nous avons désormais trouvé un juste milieu depuis quelques mois. J’ai toujours un esprit offensif, mais parfois, je joue en gardant une marge d’erreur.
Vos deux premiers titres ont été obtenus assez logiquement. Comment avez-vous été capable de gérer vos nerfs ?
En réalité, je n’ai pas réussi. J’étais très nerveuse avant ma finale contre Aleksandra (Krunic, à Budapest). Je pensais même que cela allait affecter mon jeu. Au final, je me sentais si bien sur le court que même en étant nerveuse, je jouais toujours bien.
Votre jeu convient bien aux surfaces rapides. Comment avez-vous donc réussi à obtenir ces deux titres sur terre battue ? Vous aimez avoir le temps de frapper ?
Oui, c’est vrai que je frappe peut-être un peu mieux. Le fait est que j’ai grandi sur la terre battue. Il s’est passé des années avant que je joue sur d’autres surfaces. J’aime la terre battue.
Vous avez traversé des moments difficiles dans votre carrière. Cette année, encore, avec des larmes après une blessure au quadriceps après Melbourne, et puis le Covid… Comment avez-vous tenu ?
Ce n’est pas très dur pour moi d’être motivée. Je refuse d’abandonner. Je vois cela comme un obstacle de plus sur mon chemin. Tous les joueurs sont blessés. Il faut juste faire les bonnes choses pour se soigner. Ensuite, il faut aller de l’avant ! Mon père a toujours été mon plus grand soutien. Je le respecte énormément et son avis compte énormément.