Gauff, un changement de mentalité qui paie déjà
Coco Gauff a fini par avoir le déclic qu’il lui fallait : finie la défense à tout prix, l’Américaine prend les devants et ça marche.
Coco Gauff récolte déjà les fruits des décisions fortes prises cet été. Parfois, il suffit d’une défaite de trop et/ou d’un changement de coach pour que le déclic se produise, et c’est peut-être ce qui est arrivé à l’Américaine. A seulement 19 ans, il ne faut pas l’oublier, elle a sans doute eu la même impression que les suiveurs du circuit : qu’elle faisait du sur-place cette saison et que son jeu avait pris un tour défensif bien étrange pour une joueuse avec une telle puissance au service et en coup droit, et pour le moins inefficace face aux grandes cogneuses qui dominent actuellement le classement.
“J’étais Top 10 donc ce n’était pas non plus comme si j’avais besoin de totalement revoir mon jeu. Je n’ai pas non plus eu beaucoup de temps depuis Wimbledon pour faire d’énormes changements, mais il s’agit plutôt de me concentrer sur des petits ajustements comme mon jeu de jambes et mes prises de décisions. C’est surtout un nouvel état d’esprit sur le court et je me sens désormais très confiante même s’il y a encore beaucoup de choses à améliorer et même si je sais que ça va prendre du temps.”
Battu au premier tour de Wimbledon par Sofia Kenin, Gauff a lancé l’opération du renouveau. Elle a engagé Pere Riba, le coach espagnol qui a récemment amené Qinwen Zheng au plus haut niveau, et s’est aussi associé les conseils de Brad Gilbert, coach à l’expérience immense (Andre Agassi, Andy Roddick, Andy Murray), auteur du fameux livre “Winning Ugly”.
De nouvelles voix pour lui faire entendre ce qui commençait à devenir une évidence : il va falloir recommencer à avancer. Et, avec une joueuse d’exception, ça n’a pas mis longtemps pour payer : Gauff s’est imposée à Washington pour le plus grand titre de sa jeune carrière, a enchaîné avec un quart de finale perdu sur le fil face à Jessica Pegula à Montréal et se retrouve cette semaine en demi-finales du Masters 1000 de Cincinnati. La finaliste de Roland-Garros 2022 a de nouveau des airs de sérieux outsider pour le rôle de patronne.
“Depuis Wimbledon, j’ai vraiment réussi à très bien exécuter les changements décidés, et aussi à accepter le fait que ça ne va pas fonctionner tout le temps au lieu de retomber dans mes anciennes habitudes. Les résultats sont là pour prouver que je suis sur la bonne voie.”
Comment définit-elle cette fameuse voie ? “C’est une question d’agressivité. Il fallait plus y aller. Evidemment, je n’ai aucun problème en défense, où je me débrouille très bien, mais sur ces balles au milieu du court, j’avais beaucoup de travail à accomplir, et ce n’est pas fini. Je pense que j’ai pris mes qualités athlétiques pour acquises: je savais que je pouvais courir pendant des heures alors je n’étais pas assez aggressive alors que d’autres joueuses savent qu’elles doivent conclure les points rapidement et se concentrent sur ça. C’est la mentalité que je dois désormais avoir.”
“J’ai pris mes qualités athlétiques pour acquises”
A Cincinnati, elle n’a pas encore perdu un set. Un surplus de confiance qui fera forcément du bien au moment de défier la n°1 mondial Iga Swiatek pour cette place en finale. “Cela fait partie de mon ambition d’aller loin dans ces tournois : physiquement, c’est sans doute bien mieux de ne pas s’éterniser dans des matches en trois sets. Et ça montre aussi tous les progrès déjà effectués en retour même s’il m’en reste encore beaucoup à faire : je trouve mieux mes cibles, j’ai raccourci ma préparation, essayé de changer de position et je prends aussi la balle plus tôt parfois. Je choisis aussi mieux le moment pour prendre des risques au lieu de tenter sur tout, tout le temps.”
Forcément, quand on l’écoute parler de ce changement d’approche de son jeu, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi cela n’a pas été une évidence plus tôt. Pourquoi elle s’est enfermée dans cet état d’esprit défensif alors que tout son jeu semble crier pour l’attaque. Il est toujours facile de refaire l’histoire, et Coco Gauff ne veut pas tomber dans ce piège-là.
“Il y a définitivement eu des moments où, quand j’y repense, je me dis que j’aurais déjà pu intégrer ce style de jeu. Mais je ne regarde pas derrière moi en regrettant, en me disant que j’aurais dû le faire : je me dis juste que ça fait partie de l’apprentissage. Peut-être que ce sont des erreurs que j’avais besoin de faire pour devenir plus forte. Et puis m’appuyer sur ma défense a toujours été ma force et je dois aussi me souvenir que j’ai commencé à ce niveau à un très jeune âge où je n’avais pas encore la force suffisante pour conclure les points plus vite.”
“Quand j’étais junior, j’étais une joueuse très agressive mais en passant pro j’ai vu les balles revenir beaucoup plus vite et je me suis aussi rendu compte que mes coups gagnants n’en étaient plus. Alors j’ai dû m’appuyer sur ma défense pour rester dans les matches. Et aujourd’hui je sens vraiment que j’ai la force et l’état d’esprit nécessaires pour sortir les coups agressifs dont j’ai besoin. Je suis beaucoup plus forte désormais et j’espère bien que je le serai encore plus qu’aujourd’hui dans quelques années.”
On devrait pouvoir juger de l’avancement du chantier face à Swiatek lors d’une demi-finale qui pourrait promettre, et ce malgré le déséquilibre de leurs confrontations où la Polonaise mène 7-0. La n°1 mondiale n’a jamais perdu un set face à l’Américaine. Mais Gauff espère que ce nouveau remake de la finale de Roland-Garros aura un visage différent.
“Je n’ai pas un bon bilan face à elle mais j’espère que les progrès effectués vont se voir cette fois. Je vais vraiment aller sur ce match en appliquant le plan de jeu qui a fonctionné cette semaine. Je me sens un peu plus confiante même si elle reste une adversaire difficile, surtout face à moi. Je vais devoir rester aussi engagée que possible, mentalement, sur chaque point.” Aller au combat, prendre ses responsabilités et sonner la révolte, voilà ce que Gauff a décidé de faire depuis Wimbledon.