Garcia : “Ne pas écouter ce qu’il se dit”
Caroline Garcia, battue d’entrée par Naomi Osaka à Doha, ne cache pas que la période qu’elle vit sur le court n’est pas forcément sereine. Mais elle entend bien s’accrocher, en simple comme en double avec aussi les Jeux dans le viseur.
Dans un match aussi serré qu’à Melbourne, Caroline Garcia n’a cette fois pas réussi à fermer la porte au nez de Naomi Osaka. “C’était un match difficile qui s’est seulement joué sur quelques points. J’étais en contrôle en début de match mais j’ai perdu ça à 5-4 dans le premier set et elle a saisi sa chance, puis a joué de mieux en mieux. A certains moments, mon service m’a mieux aidé en Australie. J’ai été un peu moins saignante sur certains points, je n’ai pas réussi à conclure le premier set notamment.”
Forcément c’est une défaite qui continue d’appuyer là où ça fait un peu mal en ce début de saison. Encore une fois tiraillée entre l’agression et la mesure, la n°1 française et 21e joueuse mondiale sait qu’elle va devoir se décider à faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre si elle ne veut pas se perdre en route.
“Forcément, il y a de la frustration et de la déception” , garcia
“Parfois ça me joue un peu des tours, parce que je deviens un peu passive à 5-4”, explique Garcia en évoquant ce premier set qu’elle avait au bout de la raquette. “Je suis un peu plus dans le stéréotype de rester à jouer croisé alors que d’habitude je vais plus chercher mes points en allant le long de la ligne. Ce serait mieux d’être plus agressive parce que dans l’autre style de jeu j’ai du mal à m’imposer face à mes adversaires.”
Au clair sur ses objectifs, elle l’est un peu moins sur les moyens d’y parvenir et ces quelques secondes d’hésitation ici ou là ont coûté cher finalement depuis cette saison : défaite au deuxième tour à Adélaïde (face à Jelena Ostapenko, future gagnante) et Melbourne, puis d’entrée à Abou Dhabi et Doha. “Il y a du combat, de l’intensité, mais je ne saisis pas forcément mes opportunités. Et j’ai aussi de bonnes adversaires en face de moi. Forcément, il y a de la frustration et de la déception par rapport aux résultats mais on essaie de se concentrer sur les objectifs de la saison et de garder les choses en perspective.”
“on m’a tellement reproché d’être trop agressive”
Quand on lui demande comment elle fait justement pour garder cette perspective, elle rit. “Pour l’instant, j’ai un peu du mal à le faire donc je ne vais pas dire comment j’y arrive parce que ce n’est pas le cas.” Y aura-t-il des décisions à prendre dans les semaines à venir sur cette identité de jeu qui semble de nouveau vouloir se chercher ? “Parfois c’est bien de faire des recadrages. Je vois à 5-4 que je perds le jeu en étant un peu moins intensive, un peu moins agressive. Cela permet de voir ce qui fonctionne ou pas. Mais c’est marrant d’avoir ces questions-là parce qu’on m’a tellement reproché d’être trop agressive (elle sourit).”
Et voilà qu’on touche en fait au coeur du problème : il y a ce jeu qui vient naturellement à Garcia et qui lui a rapporté gros régulièrement, mais il y aussi cet autre jeu dont beaucoup lui répètent depuis des années maintenant qu’il sera le seul à lui donner un titre du Grand Chelem. Le coeur et la raison. Pas de troisième voie pour le moment. A 30 ans, Garcia en a logiquement un peu marre d’être encore dans ce débat-là.
“Oui ça me saoule parce qu’en fait ce n’est jamais assez bien”
“Quand ça marche, tout est bien, mais quand ça ne marche pas…”, lâche-t-elle poliment. On sent que sa coupe est un peu pleine quand même. “Forcément, quand 99% des gens me disent ça, parfois ça a un impact sur ta façon de voir les choses quand tu commences à rater un peu. Mais c’est à moi et à nous d’être clair sur ce qui fonctionne pour moi, et de ne pas écouter ce qu’il se dit parce que les gens ne te connaissent pas en fait.”
Est-ce que ça commence à la saouler, tout ça ? “Oui ça me saoule parce qu’en fait ce n’est jamais assez bien. Tu est tout en haut, ce n’est pas assez bien : il faut faire plus. Et quand ça ne marche pas, on a oublié tout ce que tu as fait pendant quinze ans.”
Le problème n’est-il pas aussi qu’elle a aussi tendance à oublier tout ce qu’elle a fait de bien depuis quinze ans ? Repartir de zéro chaque année, ça ne fonctionne pas forcément pour tout le monde.
“C’est toujours plus, toujours plus, jusqu’à ce que tu soies épuisée”
“Le tennis, c’est difficile, parce qu’il faut toujours remettre les compteurs à zéro. Quand tu as gagné un grand tournoi, il faut te remettre en cause assez vite car il y a un autre grand tournoi dans la foulée. On remet toute le temps tout en perspective. C’est toujours plus, toujours plus, jusqu’à ce que tu soies épuisée. J’essaie de trouver un bon équilibre. Je ne peux pas dire que j’ai la même énergie qu’à mon arrivée sur le circuit, mais j’ai les mêmes rêves qu’avant. Parfois ça fait juste du bien de voir comment trouver un équilibre pour être vraiment contente de faire ça et que le chemin vaille le coup.”
Il faut aussi dire que c’est une saison pas comme les autres pour Caroline Garcia car en ligne de mire il y a Paris 2024, en double notamment avec Kristina Mladenovic. Titrées à Roland-Garros en 2016 et 2022, les Bleues ont forcément de l’ambition. Battues en demi-finales à Adélaïde, en quarts de finale à Melbourne et d’entrée à Doha, les Tricolores sont décidées à se donner le temps et les moyens pour briller cet été. Mais ça complique forcément la programmation.
Avec le double dans le viseur à Paris
“Il y a des avantages et des inconvénients. Paris 2024, on a envie de préparer mutuellement et on essaie de combiner ça du mieux possible avec notre programme de simple. On n’est pas sur les mêmes tournois en simple donc ce n’est pas évident, et depuis le début de la saison c’est surtout Kristina qui doit faire quelques concessions par rapport à sa carrière personnelle. On essaie de trouver le juste milieu et de se servir du double pour se donner de l’énergie positive, de l’entrain pour nos matches en simple. A Paris, ce sera un tableau très relevé donc le but c’est d’arriver là-bas en se disant qu’on a fait le job et après de jouer au maximum.”
Là encore, Caroline Garcia se surprend elle-même quand on lui demande si ce double avec Mladenovic – avec les hauts et les bas que leur relation a pu connaître – représente quand même une page spéciale de sa carrière. “C’est une page qui est très importante, mais souvent je l’oublie en fait. Souvent je ne m’appuie pas assez sur cette partie de ma carrière et c’est dommage parce que je ne me vois pas du tout avec ce palmarès là en double alors que ce qu’on a fait c’est quand même assez grand et je devrais m’en servir un peu plus. Ma carrière en double est loin d’être négligeable.” Celle en simple non plus, mais elle reste pour le moment plus difficile à apprivoiser sur la durée.