12 mars 1996 : Le jour où Jennifer Capriati a été humiliée par Chanda Rubin
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 12 mars 1996, la toute jeune Chanda Rubin lamine Jennifer Capriati à Indian Wells et fait naître les doutes sur le come-back de sa compatriote.
Ce qui s’est passé ce jour-là ET POURQUOI C’EST HISTORIQUE : Rubin écarte facilement Capriati à Indian Wells
Ce jour-là, le 12 mars 1996, à Indian Wells, Jennifer Capriati, qui dispute seulement son deuxième tournoi après avoir été éloignée du circuit pendant deux ans, est lourdement battue au troisième tour par la tête de série numéro 5, Chanda Rubin (6-3, 6-3). Les experts du tennis mondial se demandent si l’ancienne enfant prodige du début des années 1990, qui a traversé une période difficile loin du tennis, sera capable de revenir au sommet, tant elle semble loin de son meilleur niveau.
Les actrices : les précoces Chanda Rubin et Jennifer Capriati
Chanda Rubin est née en février 1976, un mois avant Jennifer Capriati. Elle est précoce mais pas autant que sa compatriote. Rubin participe à ses premiers tournois internationaux en 1990, et obtient son premier résultat notable à la fin de 1991, lorsque, issue des qualifications, elle parvient en finale à Scottsdale (battue par Sabine Appelmans 7-5, 6-1). Ce résultat la propulse dans le top 100, elle ne s’installe dans le top 50 qu’en 1994. Cette année-là, elle dispute sa deuxième finale WTA à Chicago (défaite par Natasha Zvereva, 6-3, 7-5).
En 1995, elle atteint les quarts de finale à Roland-Garros, après avoir remporté un match mémorable contre Jana Novotna : menée 5-0, 40-0 dans le troisième set, elle sauve neuf balles de match et s’impose finalement 7-6, 4-6, 8-6. Finaliste malheureuse face à Nathalie Tauziat à Eastbourne (3-6, 6-0, 7-5), puis face à Conchita Martinez à Los Angeles, elle entame l’année 1996 en tant que 15e mondiale.
A l’Open d’Australie, elle réalise sa meilleure performance en Grand Chelem en remportant ce qui est à l’époque le plus long match féminin de l’histoire du tournoi, contre Arantxa Sanchez, en quart de finale (6-4, 2-6, 16-14, en trois heures et 22 minutes). Elle est ensuite battue par Monica Seles en demi-finale (6-7, 6-1, 7-5), non sans avoir gâché une avance de 5-2 dans le dernier set. En mars 1996, elle est 9e mondiale, ce qui est alors son meilleur classement.
Jennifer Capriati est née en mars 1976, à Long Island, New York. En 1986, sa famille déménage en Floride, où, sous la houlette du père de Chris Evert, Jimmy, elle devient une véritable enfant prodige. Ses coups surpuissants du fond de court font forte impression sur l’ensemble du tennis féminin. A 13 ans, elle remporte Roland-Garros juniors et passe pro l’année suivante, avant d’avoir fêté ses 14 ans.
En mars 1990, Capriati atteint la finale du premier tournoi WTA qu’elle dispute, à Boca Raton, seulement battue par la numéro 2 mondiale, Gabriela Sabatini (6-4, 7-5). Déjà 24e mondiale, elle devient la plus jeune joueuse à se hisser en demi-finales de Roland-Garros, battant la 8e mondiale, Mary Joe Fernandez, avant d’être éliminée par Monica Seles (6-2, 6-2). Éliminée en huitièmes de finale de l’US Open par la n°1 mondiale, Steffi Graf (6-1, 6-1), la voilà à présent 11e mondiale.
En 1991 et 1992, Jennifer Capriati poursuit son ascension fulgurante, atteignant les demi-finales à Wimbledon ainsi qu’à l’US Open, et décrochant la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Barcelone, aux dépens de Steffi Graf (3-6, 6-3, 6-4). Mais Jennifer supporte de moins en moins bien la pression médiatique et parentale, allant même jusqu’à suspendre sa carrière en 1994. Elle traverse alors une période si sombre qu’elle tombe dans la délinquance : elle est ainsi arrêtée pour vol à l’étalage et détention de stupéfiants.
En 1996, son grand retour doit avoir lieu début février, à Paris, mais une blessure au dos la contraint à déclarer forfait au dernier moment. Elle reprend la compétition à Essen, où elle passe deux tours avant de perdre face à la 12e mondiale, Jana Novotna, en quarts de finale (7-6, 3-6, 6-3). La prochaine étape de son périple est Indian Wells.
Le lieu : Indian Wells, le tennis dans le désert
L’histoire du tournoi de tennis d’Indian Wells commence en 1987 lorsque le tournoi de La Quinta, sous l’impulsion de Charlie Pasarell, devient trop grand pour ses locaux et doit déménager dans un endroit plus grand, sans quitter la Californie.
L’épreuve féminine ne s’y installe qu’en 1992, et se déroule à l’origine une semaine avant l’épreuve masculine. Mais en 1996, Indian Wells devient l’une des rares épreuves communes à l’ATP et la WTA. À son palmarès figurent de grandes joueuses comme Martina Navratilova, Steffi Graf et Monica Seles.
L’histoire : le retour contrarié de Capriati
Au début de l’année 1996, le retour de Jennifer Capriati fait couler beaucoup d’encre. Elle n’a que 19 ans mais elle a déjà eu le temps d’être une superstar du tennis, atteignant les demi-finales de Roland-Garros à l’âge de 14 ans, avant d’être écrasée par la pression. Après sa défaite au premier tour de l’US Open 1993, elle a décidé de faire une pause, souffrant de problèmes psychologiques.
Deux ans après ses ennuis avec la police, elle revient sur le circuit et semble en forme et bien préparée. Lors de sa première apparition, à Essen, où elle a intégré le tableau sans classement, elle a remporté deux matches avant de perdre une partie serrée en quarts de finale contre la 12e mondiale, Jana Novotna (7-6, 2-6, 6-3).
À Indian Wells, elle a démarré fort en battant la 50e mondiale, Rita Grande (6-1, 6-1), avant d’éliminer la 42e mondiale, Shi-Ting Wang (6-0, 6-0).
“Vous ne perdez pas vos capacités ou vos coups, mais la perspective est différente lorsque vous faites une longue pause”, déclare alors Capriati. “Vous prenez alors conscience de différents aspects du jeu”.
En huitièmes de finale, le 12 mars, elle est confrontée à un défi bien plus compliqué face à Chanda Rubin, 9e mondiale, qui a récemment atteint les demi-finales de l’Open d’Australie. Cet affrontement est programmé comme le match phare de la soirée, car le retour de Capriati est au centre de beaucoup d’attention.
Malgré ses victoires faciles au premier tour, l’ancienne prodige est dépassée par son adversaire qui contrôle le match de bout en bout et l’emporte 6-3, 6-3. Lors de sa conférence de presse, Capriati, qui a commis pas moins de 46 fautes directes, semble moins déçue et plus lucide que le public.
“Je n’ai pas joué aussi bien que je l’aurais souhaité, reconnaît Capriati. Je pense que j’ai pris trop de risques et commis beaucoup trop d’erreurs dans ce match.”
Chanda Rubin, elle, explique que son plan de jeu contre était d’être agressive et de prendre les choses en mains, ce qu’elle a réussi à faire.
“Je savais qu’à aucun moment je ne pouvais lâcher, car elle serait revenue dans le match. Je l’ai d’ailleurs un peu laissée revenir au deuxième set. Je me suis dit que je devais tenir un peu plus la balle, et c’est tout ce que j’ai dû faire à la fin.”
En dépit de son élimination, Capriati a montré un niveau de jeu très encourageant après deux ans d’absence et après avoir surmonté tant de difficultés personnelles. Lindsay Davenport, qu’elle aurait affrontée si elle avait battu Rubin, commente :
“Je pense qu’elle a traversé beaucoup de difficultés et revenir à une vie très exigeante, mais qui lui a apporté beaucoup de succès, ne peut être qu’une histoire positive. Elle a l’air d’être une personne totalement différente de ce qu’elle était quand elle n’était pas sur le circuit. Elle semble juste être en paix avec elle-même.”
Après ça : Capriati atteindra le sommet… à son rythme
Le retour au sommet de Capriati prendra plus de temps qu’elle ne l’avait probablement prévu. Elle n’obtiendra pas de résultats probants avant l’Open d’Australie 2000, où elle atteindra les demi-finales. Ce sera le début d’une toute nouvelle carrière : à partir de ce moment, Capriati ne quittera plus le top 10 jusqu’à sa retraite, en 2004, remportant trois titres du Grand Chelem (l’Open d’Australie en 2001 et 2002, et Roland-Garros en 2001). Elle atteindra la première place mondiale en 2001 et y restera pendant 17 semaines.
Battue en quarts de finale à Indian Wells par Lindsay Davenport (6-0, 6-3), Chanda Rubin atteindra la finale à Miami, battue par Steffi Graf (6-1, 6-3) et atteindra ainsi la 6e place mondiale, ce qui restera le meilleur classement de sa carrière. Le reste de sa saison 1996 sera marqué par les blessures. Elle remportera un total de 7 titres et atteindra les quarts de finale de Roland-Garros à deux reprises, en 2000 et 2003.