Surclassé par la jeunesse cette année, Djokovic peut-il encore rebondir ?
Surclassé par Carlos Alcaraz en finale de Wimbledon comme il l’avait été par Jannik Sinner en demi-finale de l’Open d’Australie, Novak Djokovic, à 37 ans, semble arriver à la croisée des chemins. La question est de savoir s’il peut encore reprendre la main sur le tennis mondial.
Il y a deux manières d’analyser la finale atteinte par Novak Djokovic à Wimbledon cette année. D’abord ne pas oublier qu’il s’agit d’un authentique exploit, un mois à peine après avoir été opéré pour une lésion méniscale du genou droit, tout en rappelant qu’il s’agit de sa première finale en 2024. Mais il y a aussi la version du verre à moitié vide, et cette défaite à sens unique comme le Serbe en rarement connue dans sa carrière, contre un Carlos Alcaraz totalement décomplexé face à la légende (6-2, 6-2, 7-6).
Djokovic, très classe dans la défaite, n’a d’ailleurs cherché aucune excuse en conférence de presse : “Alcaraz était le meilleur du début à la fin, il a mieux joué que moi dans tous les compartiments du jeu”, a-t-il ainsi déclaré. “Je ne l’ai jamais vu servir aussi bien notamment, et sur mon propre service aussi, il ne m’a pas laissé avoir beaucoup de points gratuits. On peut toujours dire après coup que j’aurais pu faire mieux ici et là. Mais la vérité est qu’il m’a surclassé, et qu’il mérite complètement sa victoire.”
Le constat est brutal, et ramène évidemment à la très nette défaite qu’il avait déjà encaissée en demi-finale de l’Open d’Australie, en début d’année, contre Jannik Sinner (6-1, 6-2, 6-7, 6-3). Le contexte, tout comme le match, étaient différents, bien sûr. A Melbourne, “Djoko” avait surtout paru un peu étrangement absent sur le plan mental. A Londres, il a certainement payé le prix de sa préparation tronquée en raison de sa blessure au genou.
“Le manque de préparation a pu m’affecter pour cette finale, bien sûr”, a-t-il d’ailleurs reconnu, encore une fois sans s’en faire une excuse. “Il y a eu pas mal d’obstacles à surmonter, j’ai dû faire une préparation un peu hybride avec beaucoup d’exercices de réhabilitation pour mon genou. Donc oui, ça a pu avoir un effet, surtout dans les premiers tours. Mais au fur et à mesure du tournoi, je me sentais de mieux en mieux.”
Aucune top 10 battu en 2024
Reste que le résultat est là : en 2024, Djokovic n’a toujours pas battu le moindre joueur du top 10 et s’est donc brûlé les ailes aussitôt qu’il s’est approché des deux soleils du tennis mondial actuel. S’il restera numéro 2 mondial lundi, il n’est en revanche que 6ème à la Race, désormais assez nettement décroché du peloton de tête : Sinner et Alcaraz ont cumulé quasiment deux fois plus de points que lui cette saison.
Même si on peut se féliciter d’avoir retrouvé, depuis Roland-Garros, un Djokovic conquérant et concerné, après des semaines franchement inquiétantes, on peut aussi s’inquiéter de le voir être à ce point surclassé dans les deux tournois du Grand Chelem qui ont le plus contribué à sa légende. Et même si l’on sait cet homme fait d’un bois différent du reste des humains, reste qu’il a 37 ans et que la question se doit d’être posée ouvertement : peut-il encore reprendre la main face à deux jeunes loups qui ne semblent plus nourrir le moindre complexe face à lui, ce qui pourrait d’ailleurs avoir un effet d’entraînement sur le reste du circuit ?
On ne tombera évidemment pas dans le piège éternel de l’enterrer trop vite, mais l’on scrutera tout de même avec curiosité les prochaines grandes échéances, dont une qui va arriver très vite : les Jeux Olympiques de Paris (27 juillet-4août), pour lesquels Djokovic s’est dit très motivé.
A aucun moment il ne m’est venu à l’idée que ce Wimbledon puisse être mon dernier. Je veux toujours continuer à jouer aussi longtemps que je serai capable de jouer au plus haut niveau.”
Novak Djokovic
“J’ai toujours l’intention de jouer les Jeux et de m’y battre pour ramener une médaille pour mon pays”, a-t-il déclaré. “Ce sera sur une surface différente, dans le stade où je me suis blessé il y a quelques semaines. Donc on verra comment je me sens là-bas, physiquement et mentalement. Mais j’espère vraiment y pratiquer mon meilleur tennis. Les Jeux Olympiques et l’US Open sont mes deux grands objectifs pour le reste de la saison.”
Dans le discours, la flamme est toujours là, donc. Et pour les déclarations d’intention quant à sa fin de carrière, on repassera aussi, bien sûr. “A aucun moment il ne m’est venu à l’idée que ce Wimbledon puisse être mon dernier. Dans mon esprit, je ne me fixe aucune limite. Je veux toujours continuer à jouer aussi longtemps que je serai capable de jouer au plus haut niveau.”
Reste à savoir à quelle hauteur Novak Djokovic place la barre du “plus haut niveau”. Lui seul le sait, mais il y a quand même fort à parier qu’il ne se contente pas du rôle de troisième homme qu’il avait en début de carrière. Encore moins qu’il accepte de se faire rosser à chaque fois le derrière par la jeunesse, même s’il a encaissée cette défaite avec fair-play, et même avec le sourire.
A l’âge qui est désormais le sien, aucun joueur n’a remporté un Grand Chelem dans l’histoire du tennis, puisque Ken Rosewall (le recordman) avait 37 ans et 2 mois lors de son succès à l’Open d’Australie 1972, et que Novak Djokovic aura 37 ans et 3 mois lorsque débutera le prochain US Open. Le voilà donc à la croisée des chemins, et c’est peu dire que ses résultats à Paris puis à New York seront scrutés de près, tant ils recèleront probablement d’éléments de réponse importants quant à la suite de sa carrière.