Nicolas Beuque, coach d’Alizé Cornet : “Le tournoi n’est pas fini”
Nicolas Beuque, entraîneur d’Alizé Cornet, nous raconte comment la Française a mis son plan à exécution contre Iga Swiatek.
L’équipe qu’Alizé Cornet a remerciée au micro du court n°1 après avoir éliminé Iga Siwatek est constituée de Nicolas Beuque, son entraîneur, issu du staff de l’académie Mouratoglou, Antonin Mouchet, son kiné issu de la FFT, et quelques amis parmi lesquels Edouard Roger-Vasselin et sa compagne. Beuque, qui partage son temps entre le coaching de la Française de 32 ans, et l’encadrement de jeunes joueurs de la Mouratoglou Academy, nous indique depuis Londres que seul le score du troisième tour face à la numéro un mondiale (6-4, 6-2), l’a véritablement surpris. Que Cornet puisse dominer Swiatek était une évidence pour lui, comme pour sa protégée.
Alizé avait l’air de ne pas trop réaliser sa victoire à chaud. Avez-vous pris la mesure de la performance réalisée contre Iga Swiatek ?
A chaud oui, c’est normal d’être un peu ailleurs, mais elle a vite réalisé. Moi, je n’étais pas surexcité du tout, pour bien faire comprendre que, même si la victoire justifie un grand bravo, il s’agit “seulement” d’une qualification pour les huitièmes de finale. On essaie de rester sur un routine de match lamba. Le tournoi n’est pas fini, loin de là.
Comment évalues-tu sa performance ?
C’est son meilleur match du tournoi, c’est sûr. Elle a très bien joué. Iga Swiatek n’était pas trop dans son assiette mais pour moi, c’était le résultat de la qualité de jeu d’Alizé, qui a été d’abord hyper solide, puis audacieuse. Quand la joueuse en face doute un peu, et que tu réussis ça, l’adversaire doute encore plus. C’est pour cela que le score a été si large. La victoire ne me surprend pas tant que ça, le score davantage.
Que fallait-il réussir pour faire douter Swiatek, justement ?
On s’est concentrés sur les qualités de base d’Alizé, on voulait s’assurer qu’elle allait faire ce qu’elle sait faire, jusqu’à ses limites, sans surjouer, c’était ça l’idée. Et elle a montré de l’aisance dans les moments importants, elle a su aller long de ligne sur certains retours. On voulait faire douter Iga et c’est exactement ce qui s’est passé. Elle a joué comme d’habitude et elle y est allée sur les moments importants.
A 2-0 Swiatek au deuxième set, tu as pensé que ça avait basculé ?
Il y a un tournant, c’est le point un peu fou avec volée amortie en pleine extension pour sauver balle de break. Heureusement qu’il n’y a pas eu 3-0, ce serait devenu un autre match. A 2-1 tout restait possible et de fait, ça a fait 6-2.
Swiatek gagne tous ses matchs depuis février. Comment s’est construit, chez vous, le « droit d’y croire » ?
Moi j’y croyais dès le début. Quand on en a parlé le matin du match, j’ai senti qu’elle y croyait aussi. 37 victoires consécutives, c’est énorme, mais on sait que ça va s’arrêter un jour. Alizé avait déjà réalisé de grosses performances dans le passé, elle avait battu Serena Williams sur le même court. Iga n’avait pas été brillante au deuxième tour. Je pense qu’il y a de la fatigue de son côté, il faut qu’elle redevienne humaine. Je savais qu’il y avait la place.
Tu penses que cette usure a davantage joué que les mauvaises sensations d’Iga sur gazon ?
Je ne suis pas dans son équipe mais de l’extérieur, je dirais qu’il y a un peu des deux. Le gazon n’est pas une surface facile pour elle avec sa grande préparation en coup droit. Mais je pense vraiment que cinq mois sans défaite, ça doit peser au bout d’un moment. Cela reste nouveau pour elle. Elle est passée numéro un subitement après la retraite de Barty, elle a assumé son statut dès le début mais on sait que ce type de série a une fin.
Au contraire de Swiatek, pourquoi le jeu d’Alizé Cornet est-il si compatible avec le gazon ?
Alizé joue assez bas avec son revers. C’est très difficile de relever la balle des deux côtés, surtout coup droit. Sur gazon, ça amplifie l’effet.
Ajla Tomljanovic au prochain tour, qu’est-ce que cela vous inspire ?
C’est un autre match, à aborder sans trop de pression. Je ne dirais pas qu’il faut oublier ce qui vient de se passer, il faut évidemment s’en servir, mais il ne faut pas en faire une référence. A ce stade, le classement c’est juste du papier. Tomljanovic vient de battre la gagnante de Roland-Garros 2021, Krejcikova. Elle n’est pas là pour rien.
Sur le papier, les demi-finales sont accessibles, puisque ce serait ensuite Martic ou Rybakina…
Oui c’est ouvert, mais toutes les filles pensent la même chose, parce que c’est la vérité. A mon avis, chaque fille est en situation d’aller au bout. Cela va se jouer match par match et se projeter sur une éventuellement demi-finale, ce serait un piège.
Alizé est strappée à une cuisse. Comment va-t-elle physiquement ?
Elle a un petit truc qui traîne depuis pas mal de temps, mais qui est sous contrôle, le strap est là pour se rassurer.
C’est une conséquence de la blessure de Roland-Garros ?
Ça vient de là mais c’était présent un peu avant. Mais c’est vraiment sous contrôle.
Est-ce prudent de jouer les deux tableaux de double en parallèle ?
Non, effectivement, sachant qu’elle n’a pas eu un jour de repos depuis Berlin. Elle y a joué la finale du double, nous sommes allés à Bad Hombourg, après sa défaite en demi-finale le vendredi, nous sommes partis à 5 heures du matin pour aller à Bruxelles puis à Londres. Puis nous sommes arrivés à Wimbledon. Entraînement direct, puis tournoi. Ce dimanche, elle va jouer le double dames. On a déjà prévenu Edouard (Roger-Vasselin) qu’il n’était pas impossible qu’elle se retire du mixte si le match avec Diane (Parry) est exigeant. On a tout fait pour essayer de décaler mais cela a été impossible.
Quel est le projet depuis que vous travaillez ensemble ?
Nous travaillons ensemble depuis un an et demi, après l’Open d’Australie 2021. On se connaissait depuis longtemps, on se croisait sur le circuit quand je coachais Wickmayer. Le fil rouge, dans les semaines où je suis avec elle, c’est de la mettre en confiance. Elle voyage beaucoup seule, je suis surtout présent entre les surfaces, pendant la prépa, et pendant les gros tournois. Je remets les fondamentaux en place si besoin, je base le travail sur ses meilleurs coups pour qu’elle se sente bien, je ne révolutionne absolument rien. Je travaille sur ce qu’elle fait de mieux pour qu’elle se sente encore mieux.