Mouratoglou sur Halep : “Sa nouvelle identité de jeu prend beaucoup d’énergie mentale”
Patrick Mouratoglou, entraîneur de Simona Halep, estime que la Roumanie était trop entamée pour trouver les réponses au match parfait d’Elena Rybakina en demi-finale de Wimbledon.
Une finale Jabeur – Halep à Wimbledon semblait se dessiner au cours de la deuxième semaine. Mais jeudi, Simona Halep a été débordée par Elena Rybakina (6-3, 6-3) en demi-finale, sans pouvoir mobiliser les ressources nécessaires pour inverser le cours de la rencontre. Son coach depuis trois mois, Patrick Mouratoglou (par ailleurs un des co-fondateurs de Tennis Majors), nous raconte les coulisses de ce jour sans, qu’il inscrit dans le cadre de l’énorme travail réalisée par Halep depuis avril pour faire évoluer son identité de jeu.
TENNIS MAJORS : Dans quel état émotionnel vous trouvez-vous toi, et Simona Halep, après une défaite qui ressemble un peu à une douche froide suite aux très belles victoires qu’elle avait remportées aux tour précédents ?
Patrick Mouratoglou : C’est toujours décevant de perdre quand tu es à deux matchs d’une victoire en Grand Chelem, mais elle n’a pas eu sa chance contre une adversaire qui est très forte et qui, en plus, a réalisé un match quasi-parfait. Mais notre état d’esprit reste très bon. Cette défaite ne remet rien en question. Simona était très fatiguée physiquement et émotionnellement après quatre semaines consécutives de compétition. Nous étions au bout de cette séquence, et elle a eu du mal à trouver les resources qui étaient nécessaires contre une telle opposition.
TENNIS MAJORS : L’aviez-vous senti venir, à l’échauffement par exemple ?
Patrick Mouratoglou : Non, mais je savais que ce Wimbledon commençait à être dur sur le plan émotionnel. Cette fatigue explique qu’elle n’ait pas trouvé les ressources à mobiliser, car elle en a, des ressources. Tactiquement, il y avait des choses à faire qu’elle n’a pas vues. Elle s’est écoulée au service alors que ses stats sont infiniment meilleures qu’avant sur ce coup. Mais quand tu es fatigué, tu as du mal à réussir les efforts nécessaires pour réaliser quelque chose de nouveau, tu reviens vers sur ce que tu faisais avant.
TENNIS MAJORS : Elle a effectivement indiqué en conférence de presse que son service avait beaucoup évolué récemment et qu’elle avait besoin de mieux l’ancrer dans son jeu. Quelles sont les directions dans son jeu qui ont évolué mais qu’elle a besoin de consolider, de s’approprier ?
Patrick Mouratoglou : Enormément de choses. L’idée générale est d’avoir des intentions plus fortes et engagées, et c’est quelque chose qui prend beaucoup d’énergie mentale quand tu n’es pas habitué à le faire à chaque match. L’entrée dans le point est essentielle dans le tennis moderne. On a beaucoup travaillé le service, avec déjà quelques résultats. Par rapport à Wimbledon 2019, tournoi qu’elle avait gagné, sa première balle va plus vite de presque 7 kilomètres/heure et elle est passée de 22% à 37% de premier service non retournés par l’adversaire – avant sa demi-finale. Elle a aussi plus d’intentions au retour. On utilise son coup d’œil pour qu’elle soit plus créative et plus entreprenante. Dans sa carrière, elle a su le faire au cours de gros matchs, mais sinon, elle avait tendance à être un peu passive. Maintenant, c’est son identité de jeu, donc c’est un gros changement. Enfin, il y a l’aspect physique. On a identifié tous ses points faibles, fait un gros travail quotidien de prévention. Elle peut s’engager physiquement davantage sans crainte de se blesser.
On utilise son coup d’œil pour qu’elle soit plus créative et plus entreprenante. Dans sa carrière, elle a su le faire au cours de gros matchs, mais sinon, elle avait tendance à être un peu passive.
Patrick Mouratoglou sur Simona Halep
TENNIS MAJORS : Si on combine Wimbledon 2019 et Wimbledon 2022, on a l’impression qu’il se passe quelque chose quand elle joue sur gazon, comme un supplément d’âme.
Patrick Mouratoglou : Je suis en difficulté pour répondre à cette question car sa victoire de 2019 était une énorme surprise pour elle et pour tout le monde. Dans l’histoire, elle n’a pas une efficacité sur gazon qui m’amène à penser qu’il y a quelque chose de spécial sur gazon. A mes yeux, Simona est tout-terrain, aucune surface ne lui est plus ou moins favorable. Je pense que l’impression qu’elle a laissée à Wimbledon, ce sont les progrès qu’elle a faits au cours de ces trois mois. Elle a plus d’intentions et elle sert mieux, c’est le genre de choses qui se voit peut-être un peu plus sur gazon.
TENNIS MAJORS : Comment s’est opérée sa remobilisation après Roland-Garros, qu’elle a quitté au deuxième tour suite à une crise de panique, une façon très peu banale de clore un tournoi…
Patrick Mouratoglou : Cela a été très utile et nous a permis de clarifier beaucoup de choses. On a compris pourquoi elle a subi ça. Cela m’a conduit à faire évoluer mon discours d’avant et d’après-match, on a clarifié son identité de jeu. Et on s’est dit qu’elle devait faire des matchs.
On ne se fixe pas d’objectifs en terme de résultats et on ne s’en fixera pas. On a des objectifs très clairs en terme de choses à réaliser à l’entraînement et en match.
TENNIS MAJORS : Quelle est la suite de la saison ?
Patrick Mouratoglou : Tout est clair : là elle prend des vacances, elle en a besoin, puis elle jouera Washington, Toronto, Cincinnati et l’US Open.
TENNIS MAJORS : Quel objectif pour l’US Open ? Est-elle déjà redevenue à tes yeux une prétendante aux titres majeurs ?
Patrick Mouratoglou : On ne se fixe pas d’objectifs en terme de résultats et on ne s’en fixera pas. C’est mieux. On a des objectifs très clairs en terme de choses à réaliser à l’entraînement et en match. Si elle le fait bien, ça se passera parfaitement bien en compétition. On ne va pas crier victoire car il reste beaucoup de travail, mais ça prend une bonne direction, je suis globalement très très content de ce qui se passe.
TENNIS MAJORS : A Roland-Garros, elle s’était mis trop de pression en termes d’objectif ?
Patrick Mouratoglou : Peut-être, C’est fort possible (sourire).