Les Russes et Biélorusses interdits de disputer Wimbledon : protestations en série, recours envisagés
La décision d’interdire Wimbledon aux joueurs russes et biélorusses passe difficilement auprès des acteurs du tennis mondial. Andrey Rublev, très ému, a fait part de sa consternation à Belgrade.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a débuté le 24 février 2022, et a depuis fait des dommages collatéraux dans le monde du sport, et notamment dans le tennis. Alors que la Russie et la Biélorussie avaient déjà été exclues des compétitions par équipes (Coupe Davis et Billie Jean King Cup), ce sont cette fois-ci les athlètes de ces pays qui ont directement été sanctionnés.
Mercredi 20 avril 2022, les organisateurs du tournoi de Wimbledon ont publié un communiqué pour annoncer leur décision d’interdire aux joueurs russes et biélorusses de disputer le troisième Grand Chelem de la saison, dans le but de réduire le rayonnement international de la Russie.
« Etant donnée le rayonnement de Wimbledon au Royaume Uni et au-delà, il est de notre responsabilité de prendre part aux efforts globaux du gouvernement, du secteur, des entreprise de sport et de culture pour limiter l’influence de la Russie autant que possible. »
Les arguments du All England Club, manifestement dictés par le Foreign Office britannique, peinent à convaincre dans le monde du tennis. Depuis mercredi, les prises de parole se multiplient pour contester la décision.
Directement touché, Rublev trouve cette décision « discriminatoire »
Huitième joueur mondial et de nationalité russe, Andrey Rublev ne pourra donc pas disputer le tournoi de Wimbledon qui doit débuter le 27 juin 2022. Le natif de Moscou, présent à Belgrade pour y jouer le tournoi ATP 250, s’est exprimé en conférence de presse sur le sujet et a notamment donner son avis sur des actions qui auraient selon lui eu un impact plus fort.
« Les raisons qu’ils nous ont données n’avaient aucun sens, elles n’étaient pas logiques. Ce qui se passe actuellement est totalement discriminatoire à notre encontre. Cela ne va rien changer. Donner les dotations du tournoi à l’aide humanitaire, aux familles qui souffrent, aux enfants qui souffrent, ça, c’est quelque chose qui aurait un peu d’impact. Dans ce cas, le tennis serait le seul sport à donner un tel montant, et ce serait grâce à Wimbledon, qui en tirerait toute la gloire. » Rublev indique que les joueurs russes et biélorusses ont fait une proposition en ce sens à Wimbledon (lire ses déclarations en anglais ici).
Le joueur australien John Millman s’est également exprimé dans ce sens sur son compte Twitter : « J’ai l’impression que l’Ukraine serait mieux servie si Wimbledon faisait don de tous ses bénéfices en aide au soutien au lieu d’interdire les joueurs russes et biélorusses »
La WTA envisage des sanctions, l’ATP juge la mesure « injuste »
Selon le journal L’Equipe, qui s’est procuré un mail de la WTA adressé aux joueuses, les dirigeants de l’instance gouvernante du tennis féminin envisagent des sanctions à l’encontre de Wimbledon et de la fédération anglaise après leur décision d’interdire aux Russes et Biélorusses de disputer des tournois sur le sol britannique.
« Le conseil des directeurs de tournois, celui des joueuses et le bureau de la WTA se rencontreront à Madrid pour définir ces sanctions, qui peuvent notamment inclure, le retrait des points de classement attribués à Wimbledon, des amendes et une suspension de l’adhésion de la WTA et de la LTA à la WTA. » explique le patron de la WTA Steve Simon dans ce mail.
L’ATP a également réagi via un communiqué publié le mercredi 20 avril 2022, jugeant une décision injuste et qui pourrait causer un précédent dommageable au tennis.
« La discrimination basée sur la nationalité constitue également une violation de nos accords avec Wimbledon aux termes desquels la participation d’un joueur n’est basée que sur son classement. Nous allons maintenant analyser […] la suite à donner à cette décision. »
Djokovic : « Je ne peux pas soutenir la décision du tournoi de Wimbledon »
À l’occasion du tournoi ATP 250 de Belgrade, Novak Djokovic a été interrogé sur l’annonce des organisateurs de Wimbledon d’interdire les joueurs russes et biélorusses de disputer le Grand Chelem londonien. Le numéro un mondial regrette cette décision, qu’il a notamment qualifié de « folle ».
« Je condamnerai toujours la guerre, étant moi-même un enfant de la guerre, […] mais je ne peux pas soutenir la décision du tournoi de Wimbledon. Les joueurs de tennis, les sportifs n’ont rien à voir avec ce qui se passe. Lorsque la politique intervient dans le sport, ce n’est jamais bon. »
La PTPA, co-créée par Novak Djokovic, a publié un communiqué le jeudi 21 avril 2021, en prenant la défense des joueurs russes et biélorusses, au cœur de la polémique. Elle place notamment sur la place publique la difficulté pour les joueurs russes de s’exprimer en toute liberté sur ses sujets.
« Nous devons comprendre que beaucoup d’entre eux ont perdu leur liberté de choix et d’expression avec le renforcement des lois par la Russie et la Biélorussie. Prendre la parole contre la Russie ou la Biélorussie ou dénoncer l’invasion peut être puni d’emprisonnement. »
Les joueurs ukrainiens, satisfaits de la décision de Wimbledon, en demandent plus
Dans un communiqué publié sur leurs réseaux sociaux, plusieurs athlètes ukrainiens dont Elina Svitolina, Sergiy Stakhovsky ou encore Marta Kostuyk, ont en revanche réclamé que les Russes et Biélorusses soient exclus de l’ensemble du circuit s’ils ne se positionnent pas plus clairement contre la guerre.
« Nous demandons que la WTA, l’ATP, et l’ITF s’assurent que les joueurs représentant la Russie et le Bélarus répondent aux questions suivantes:
- Soutenez-vous l’invasion de l’Ukraine par la Russie et le Bélarus et donc la guerre qui a été provoquée par ces deux pays ?
- Soutenez-vous les activités militaires russes et biélorusses en Ukraine ?
- Soutenez-vous les régimes de Poutine et Loukachenko ? »
En fonction des réponses, nous réclamons l’exclusion et le bannissement des sportifs russes et biélorusses de toute compétition internationale, comme l’a fait Wimbledon. Il vient un moment où le silence s’apparente à de la trahison et ce moment, c’est maintenant. »
Billie Jean King et Martina Navratilova s’opposent à l’exclusion des joueurs russes et biélorusses
Au-delà des instances et des ressortissants des deux pays, des voix individuelles fortes se sont spontanément exprimées. Billie Jean King, fondatrice de la WTA, a notamment appelé à l’unité du tennis mondial dans un communiqué publié le jeudi 21 avril 2022 en contestant la légitimité de la mesure.
« L’un des principes de la fondation de la WTA était que n’importe quelle fille dans le monde, si elle était assez bonne, aurait une place pour concourir. Je m’y suis tenu en 1973 et je m’y tiens aujourd’hui. Je ne peux pas soutenir l’interdiction d’athlètes individuels de n’importe quel tournoi, simplement en raison de leur nationalité. »
« Le tennis est plus fort lorsque nous sommes unis, et notre soutien continu à l’initiative de Tennis Plays for Peace, qui fournit un soutien et des ressources à l’Ukraine, doit être notre priorité. »
Dans une interview accordée à la radio britannique LBC, Martina Navratilova a fait part de son désaccord face à une telle décision de la part de organisateurs du tournoi de Wimbledon.
« Une telle exclusion, sans que ce soit la faute de ces joueurs, n’est pas la voie à suivre … Je pense que c’est la mauvaise décision. Le tennis est un sport tellement démocratique. C’est difficile de voir la politique le détruire. Et autant que je ressens pour les joueurs ukrainiens et le peuple ukrainien – c’est juste horrible ce qui se passe – je pense que cela va juste plus loin que nécessaire. »
Dans la plupart des sondages en ligne organisés pour solliciter les fans de tennis sur leur réaction spontanée, 70 à 75% des réponses présentent la décision de Wimbledon comme illégitime.