La fin du système de classement spécifique à Wimbledon : Comment les polémiques ont eu raison d’une exception
Les têtes de série de Wimbledon, qui seront annoncées mercredi, respecteront le classement ATP pour la première fois depuis 1975. La fin d’une exception britannique qui suscitait régulièrement la controverse.
L’annonce était passée quasiment inaperçue. Elle aura pourtant un impact indéniable sur l’édition 2021 de Wimbledon. Le All England avait indiqué en juillet 2020 qu’il utilisera à compter de cette année le classement ATP pour déterminer les têtes de série lors du tournoi britannique du Grand Chelem.
“Etant donné la qualité de la compétition, du divertissement et des courts sur gazon moderne, après une discussion en profondeur avec les représentants des joueurs, l’AELTC a décidé que la formule de classement sur gazon utilisée depuis 2002 a fait son temps, a expliqué le club en 2020. A compter de Wimbledon 2021, les têtes de série pour le tableau de simple masculin seront basées uniquement sur le classement. Il n’y aura pas de changement quant à la méthode utilisée pour le tableau de simple féminin.”
La nouvelle a été bien accueillie par les joueurs à travers le monde. Wimbledon était le seul des quatre tournois du Grand Chelem à utiliser sa propre manière pour classer les joueurs. Un système qui devait faire en sorte que les meilleurs joueurs sur gazon aient plus de chance de ne pas s’affronter dans les premiers tours.
En théorie, c’était pour montrer que le gazon était une surface très différente de la terre battue et du dur. Cette surface rapide et glissante, avec un rebond bas, requérait une expertise que peu possédaient. Mais l’homogénéisation des surfaces au fil du temps, qui a commencé quand Wimbledon a modifié la composition de son gazon en 2020 en réponse à des critiques sur un jeu devenu trop ennuyeux et trop dominé par les gros serveurs, a balayé cet avantage concurrentiel.
Les détracteurs de ce système soulignaient l’injustice, à leurs yeux, du fait que tout le travail réalisé pour grimper au classement était réduit à néant par une méthode “arbitraire”, qui réorganisait les têtes de série en fonction des performances d’un joueur sur gazon sur les deux dernières saisons, avec plus de poids donné aux résultats de l’année précédente.
Sampras, Becker, Edberg, Serena : Des années de controverse
Les têtes de série étaient “basées sur un classement informatisé” depuis 1975. Mais le comité de classement de Wimbledon a toujours eu le droit de bouleverser l’ordre établi, faisant monter des joueurs historiquement en réussite sur gazon dès que ses membres le souhaitaient.
Pete Sampras est passé d’une place de sixième mondial à un statut de tête de série numéro 1 en 2001, parce qu’il avait gagné le titre lors de sept des huit précédentes années. Boris Becker, triple vainqueur dans les années 1980, avait été élevé au rang de tête de série numéro 8 en 1997, malgré sa 18e place au classement ATP. Stefan Edberg, titré à Wimbledon en 1988 et 1990, était tête de série numéro 12 en 1996, soit 10 places de mieux que son classement.
Encore plus évocateur en 2018 : Serena Williams, sept fois victorieuse de Wimbledon, était tête de série numéro 25 en dépit de sa 183e place au classement WTA, même si c’était à pondérer avec le fait que l’Américaine venait de revenir sur le circuit après avoir donné naissance à sa fille.
Plus de transparence depuis 2002, mais pas la fin des débats
C’est en 2000 que la question des têtes de série à Wimbledon est vraiment devenue un souci. Trois Espagnols (Alex Corretja, Albert Costa et Juan Carlos Ferrero), qui étaient tous classés dans le Top 20, ont boycotté le tournoi par frustration en prévision de leur probable rétrogradation par rapport à leur classement.
“Nous avons décidé d’envoyer une lettre à l’ATP pour leur faire savoir que nous sommes en désaccord avec la façon dont ils agissent à Wimbledon, avait précisé Corretja à l’époque. L’ATP nous demande de nous aligner à Wimbledon, mais n’oblige pas Wimbledon à respecter son classement.”
Wimbledon se vante de réussir l’amalgame entre tradition et modernité. Mais en règle générale, le changement met du temps à se matérialiser au All England Club et à Wimbledon. C’était le dernier des quatre tournois du Grand Chelem à offrir un prize-money équivalent pour les femmes et les hommes, en 2007. Des modifications de cette ampleur réclament de nombreuses réunions, de longues délibérations.
Mais la controverse au sujet des têtes de série était telle que Wimbledon a changé son système de classement pour les hommes en 2002, avec le démantèlement du comité qui s’en chargeait. Pour rendre les choses plus transparentes, et encore accord avec l’ATP pour éviter d’autres boycotts, Wimbledon a lancé la “grass court seeding formula”. Le classement d’un joueur était déterminé par ses points ATP, mais ils étaient ajoutés à ses performances sur gazon sur les deux dernières années : 100% des points acquis sur gazon l’année précédente, et 75% de leur meilleur résultat sur gazon l’année encore d’avant.
La transparence était bienvenue, mais cette modification n’a pas mis fin à toute controverse. Même en 2019, cette méthode a permis à Roger Federer, troisième au classement ATP, de passer devant Rafael Nadal. Ce qui a assuré à Federer de ne pas se retrouver dans la même moitié de tableau que Novak Djokovic, tête de série numéro 1. Djokovic a finalement battu Federer au terme d’une finale épique, sauvant deux balles de match, alors que Nadal a été éliminé en demi-finale par le Suisse.
Encore de la marge de manoeuvre chez les femmes
Les têtes de série masculines seront tirées directement du classement informatisé cette année. En revanche, une certaine flexibilité sera encore permis chez les femmes, pour des raisons qui ne sont pas claires.
“Comme c’est le cas depuis des années, les têtes de série féminines seront issues du classement WTA, même si le All England Club garde le droit d’apporter un changement, au sein des 32 têtes de série. Le classement pour le simple féminin sera basé sur le classement mondial, excepté si, au regard du Comité du Tennis Professionnel, un changement est nécessaire pour que le tableau soit équilibré”, explique le club sur son site officiel.
Les têtes de série pour cette édition de Wimbledon, qui devraient être sans surprise, seront annoncées ce mercredi matin. Voici les huit premières telles qu’elles devraient apparaître dans les tableaux de simple masculin et féminin.
Simple masculin :
1. Novak Djokovic
2. Daniil Medvedev
3. Stefanos Tsitsipas
4. Dominic Thiem
5. Alexander Zverev
6. Andrey Rublev
7. Roger Federer
8. Matteo Berrettini
Simple féminin :
1. Ashleigh Barty
2. Simona Halep
3. Aryna Sabalenka
4. Elena Svitolina
5. Sofia Kenin
6. Bianca Andreescu
7. Serena Williams
8. Iga Swiatek