Alizé Cornet, libérée : “J’aurais dû me dire que j’arrêtais le tennis tous les ans, depuis dix ans!”
Alizé Cornet ne changera pas d’avis : elle mettra un terme à sa carrière à Roland-Garros en 2023. Sa victoire (6-4, 6-2) samedi face à la n°1 mondiale Iga Swiatek qui était sur une série de 37 victoires consécutives est donc un beau bonus dans sa dernière ligne droite.
A 32 ans, Alizé Cornet le dit elle-même : “J’ai de beaux restes !” Et c’est la série d’invincibilité d’Iga Swiatek qui en a fait les frais samedi sur ce court 1 de Wimbledon. La Française, habituée à tomber les n°1 mondiales avec quatre victoires en sept confrontations, donc deux sur deux herbe, était forcément un peu sonnée après ce nouveau triomphe mais pas forcément incroyablement surprise.
Sur gazon, Cornet savait bien qu’elle était sur le meilleur terrain possible pour tomber la nouvelle patronne du circuit. “ J’avais un plan tactique bien établi et je savais que sur gazon, face à elle, il y avait un peu plus de place, donc je voulais vraiment prendre ma chance. C’est une satisfaction d’entendre une fille aussi forte dire qu’elle n’avait plus de solutions. Je vais essayer d’appliquer ça sur chaque match et de rentrer dans la tête de mes adversaires si possible. Je joue aussi beaucoup sur l’adrénaline et sur ce feu intérieur que j’ai en moi et qui me fait accomplir des belles choses.”
Cornet : “J’avais des réminiscences de mon match face à Serena Williams il y a huit ans”
Mais entre y croire et le faire, il y a un monde. Cornet, sur son nuage, avait ainsi un peu de mal à assimiler l’exploit du jour. “Je suis très contente, j’ai même du mal à réaliser ce qu’il s’est passé. J’étais tellement concentrée sur mon match que, même à la fin, j’étais un peu sonnée. En même temps je ne suis pas complètement surprise non plus parce que j’avais vraiment une forte croyance en moi. Je suis vraiment contente que ça ce soit réalisé parce que ce sont vraiment des matches difficiles à aller chercher.”
“Quelque part, a poursuivi Cornet, je ne tombais pas de si haut que ça. Je me suis tellement répétée que je pouvais le faire, que sa série de victoire allait forcément s’arrêter à un moment donné, et que ce serait formidable que ce soit moi, que j’étais presque prête à prendre cette victoire. Et puis j’avais des réminiscences de mon match face à Serena Williams il y a huit ans où j’avais déjà réalisé cet exploit là que ça m’a bien aidé aujourd’hui pour réitérer la chose.”
A la voir jouer comme ça, 37e mondiale à 32 ans, avec autant de plaisir et d’énergie, elle qui est encore en course en double et en double mixte aussi, on se dit qu’elle pourrait encore jouer des années. On se demande forcément si ce nouvel exploit ne peut pas lui faire changer d’avis : va-t-elle vraiment arrêter prochainement ?
Dans un sourire, Cornet confirme que oui, elle est bien dans sa dernière ligne droite. D’ailleurs, c’est sans doute le fait d’avoir décidé d’arrêter qui la fait si bien jouer en Grand Chelem cette année après le quart de finale à l’Open d’Australie.
Cornet : “C’est pour ça que je joue si bien : parce que c’est presque la fin”
“Non, je ne vais pas changer d’avis. Je crois en plus vraiment que c’est pour ça que je joue si bien : parce que c’est presque la fin. Je donne tout. Je ne me projette pas plus que ça. Je vais sans doute jouer jusqu’à Roland-Garros l’an prochain, c’est le plan. Quand je suis rentrée sur ce court 1, j’avais un grand sourire parce que ça pouvait être la dernière fois que je marchais sur ce court. Je voulais juste profiter, m’amuser et prendre toute la bonne énergie. C’est pour ça que je réussis tout ça, parce que j’ai pris cette décision d’arrêter.”
Une autre décision prise ce samedi fut de refuser de connaître le nom de sa prochaine adversaire, Ajla Tomljanovic. Cornet voulait profiter de sa soirée, savourer cette belle victoire sans déjà devoir penser à ce huitième de finale. Non, tout ce qui l’intéressait samedi c’était le gros match sorti face à Swiatek pour décrocher une nouvelle deuxième semaine à Wimbledon.
“Je joue beaucoup sur l’adrénaline et sur ce feu intérieur que j’ai en moi et qui me fait accomplir des belles choses. C’est une très belle victoire, c’est la deuxième fois que je vais en huitièmes de finale à Wimbledon, huit ans après la première donc forcément c’est beaucoup d’émotions. Mais en même temps j’ai déjà eu des victoires plus fortes en émotion, c’est marrant. Là, je suis juste super contente.”
“Je récolte les fruits de tout le travail que je donne depuis des années”
Cette victoire face à l’invincible Swiatek, même si on l’avait quand même un peu vu venir tant la Polonaise a du mal sur gazon (33 fautes directes au compteur samedi), ça reste la récompense de l’acharnement au travail montré par Alizé Cornet au fil des ans. “Je récolte les fruits de tout le travail que je donne depuis des années. Il y a peut-être aussi un peu plus de recul sur les choses. Je relativise peut-être un peu plus les victoires et les défaites. Là je suis heureuse mais je sais qu’il y a d’autres choses dans la vie et quand je suis sur le court ça me permet parfois de prendre un peu de recul et de ne pas me laisser envahir par cette émotion qui, à l’époque, me faisait complètement perdre mes moyens.”
“Il m’arrive encore d’être très stressée mais je le vis un peu mieux. Il y a aussi tout le travail mental qui a été fait depuis des années. Et le fait de savoir que je vis ma dernière saison et demie me donne envie de ne prendre que le meilleur et ça me réussit. J’aurais dû me dire que j’arrêtais le tennis tous les ans depuis dix ans !”
Choisir sa sortie, c’est un luxe pour tout sportif professionnel. On le voit actuellement avec Roger Federer, Serena Williams ou Andy Murray. C’est souvent le corps qui vient forcer la décision. Cornet, elle, a décidé d’arrêter même si son corps en a encore sans doute sous le pied : c’est le privilège qu’elle a choisi de se donner.
“J’espère choisir ma sortie, mais il faut que je reste en bonne santé jusqu’à l’année prochaine. Il n’y a pas de raison, car je prends bien soin de moi, je travaille, je suis rigoureuse. Mais effectivement c’est un luxe de pouvoir se dire que je ne suis pas poussée dehors par un corps qui ne veut plus, qui ne peut plus. Je choisis quand je veux partir, c’est un luxe mais ce n’est pas fait.”
“J’ai vraiment beaucoup de gratitude pour ce que mon corps me permet encore de donner. Je suis épatée de ce que je peux encore produire et du peu de blessures que j’ai, c’est ma plus grande fierté actuelle. Toutes ces années de travail, de sacrifices et de rigueur me permettent d’être encore là à 32 ans, au top. J’espère garder ça jusqu’à la fin.”
Tomljanovic a aussi le profil pour venir s’embrouiller les neurones et donc les coups gagnants sur la résistance d’Alizé Cornet, qui affronterait ensuite, en cas de victoire, la vainqueure de Rybakina – Martic. Le dernier Wimbledon de la Française pourrait donc encore jouer les prolongations.