À Wimbledon, Medvedev ne s’interdit rien
Malgré une panne de confiance entre la saison sur terre et sur gazon, Daniil Medvedev a fait de ce Wimbledon un rendez-vous important de son année. Et il n’a pas l’intention de s’arrêter en demi-finale.
Parmi les choses qui font de Daniil Medvedev un joueur vraiment à part, il y a la forme sinusoïdale de sa confiance. S’il se sent fort, le Russe est quasi imbattable, comme l’a montrée son incroyable série du premier trimestre – quatre trophées dont le Masters 1000 de Miami, 24 victoires en 25 matches en février et mars.
S’il se sent vulnérable, l’agacement se mêle à la dispersion pour rendre l’ancien numéro un mondial éligible aux défaites les plus étonnantes. Démonstration avec sa saison sur terre : un titre à Rome, malgré des sensations pas optimales, suivi d’une défaite au premier tour de Roland-Garros, ont replacé le troisième joueur mondial dans une de ces périodes où tout peut basculer d’un côté ou de l’autre. Y compris dans ces états émotionnels qui rendent son coach, Gilles Cervara, très attentifs aux agacements de son joueur.
Alors Medvedev est arrivé avec peu de certitudes. Mais au moins celle-ci : Wimbledon était le moment désigné pour redevenir à ses propres yeux un joueur à la hauteur de son classement. « Depuis l’Open d’Australie 2022, je ne suis jamais vraiment allé très loin en Grand Chelem, relevait-il la semaine dernière. Aucun quart par exemple. Je veux changer ça. Je considère que ma place est dans les derniers tours. »
Depuis sa défaite en finale à Melbourne, Medvedev a enduré bien des frustrations : un huitième de finale à Roland-Garros (Cilic), un huitième à l’US Open (Kyrgios), un troisième tour à Melbourne (Korda), un premier tour à Roland-Garros (Seyboth-Wild), sa première défaite d’entrée depuis Roland-Garros 2020.
Medvedev espère être “plus mature”
La défaite à Paris a fait naître deux envies chez le Russe. D’abord, celle de ressourcer après quatre mois d’une rare intensité. Père de famille, il lui et désormais plus facile de se responsabiliser. « J’espère que je suis plus mature désormais. Si on parle de paternité, on parle de ça : prendre soin de quelqu’un d’important pousse à prendre plus de responsabilités. »
Fan de F1, il s’est aussi envolé à Barcelone pour suivre le Grand Prix tandis que que Djokovic et Alcaraz ferraillaient encore sur ocre. La deuxième envie était de redevenir une bête de complétion en Grand Chelem. Après une semaine de coupure, Medvedev a passé quelques jours sur dur à l’Académie Mouratoglou avant de consacrer vingt-quatre jours au tennis sur gazon pour arriver à Wimbledon lancé.
Avec deux défaites en quatre matches à s’Hertogenboch puis Halle, le succès fut relatif.
« Avant le tournoi, je ne sentais pas mon tennis. Au premier tour (contre Féry, ndlr), je ne le sentais pas du tout. Depuis le deuxième tour, ça s’améliore au fil des matches. »
Deux matches, au All England Club, finirent par lui confirmer que ses chances étaient réelles. D’abord un deuxième tour en deux jours contre Adrian Mannarino, qui l’avait battu à s’Hertogebosch et avait remporté quatre de leurs six duels sur le circuit. Ensuite un huitième de finale contre Martin Fucsovics, bon joueur de gazon, qui a d’abord su imposer des échanges réduits avant de céder.
Rien ne remplace l’expérience pour contrôler ce qui se passe sur gazon
Daniil Medvedev
Pour le moment Medvedev situe ses sensations sur gazon entre la terre battue, qu’il continue de considérer avec scepticisme, et le dur, son terrain de jeu naturel.
« Pour l’instant mes résultats sur terre et sur gazon sont moins bons que sur dur, mais j’ai bon espoir de changer ça. La spécificité du gazon est qu’un mach peut basculer à tout moment. C’est un peu comme sur dur où, parfois, un seul mauvais jeu de service peut décider du sort d’un set. Rien ne remplace l’expérience pour contrôler ce qui se passe sur gazon. Vous savez comment ça se passe en début de carrière : vous faîtes deux coups droits gagnants et vous voulez épater la galerie. Du coup vous mettez les quatre coups suivants dehors. »
Questionné sur les clefs du jeu sur gazon en première semaine, le Russe a donné en partie les clefs de sa demi-finale contre Carlos Alcaraz, qui peut le faire entrer dans une autre dimension.
« 1. Le service. Pour gagner un match sur gazon, tu ne dois normalement jamais perdre ton service, tous les spécialistes font ça et ça me semble être l’essentiel. 2. Aller au filet au bon moment, sentir quand c’est le bon moment. C’est moins naturel pour moi mais j’essaie de le faire. 3. Trouver son rythme. Le gazon est une surface naturelle, comme la terre battue, donc à coup égal, on n’a jamais vraiment le même rebond. Trouver son rythme dans ces conditions n’est pas facile. »
Alcaraz sera en quelque sorte le test suprême pour Medvedev, qui avait été dépassé par la vitesse de l’Espagnol en finale à Indian Wells. « Mais le court était extrêmement lent » a fait observer Medvedev. Qui préfère réfléchir à cet autre précédent : en 2021, il n’avait laissé aucune chance au jeune Espagnol dans leur premier face à face. Il avait eu pour cadre le gazon de Wimbledon.