22 juin 1981 : Le jour où McEnroe a explosé avec son “You can not be serious !”
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 22 juin 1981, John McEnroe a craqué en plein 1er tour de Wimbledon, qu’il remportera la même année. Le craquage le plus célèbre de l’histoire du tennis.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis
Le 22 juin 1981, John McEnroe pique la colère la plus célèbre de l’histoire du tennis au premier tour de Wimbledon, où il affronte son compatriote Tom Gullikson. Mécontent d’une décision de l’arbitre, le jeune Mac hurle l’inoubliable “You cannot be serious !” (“Vous n’êtes pas sérieux !”). Une tirade qui lui collera tellement à la peau qu’il s’en servira comme titre pour son autobiographie en 2002.
Les acteurs : John McEnroe et Tom Gullikson
- John McEnroe, le talent précoce
John McEnroe, né en 1959, éblouit le monde du tennis dès ses premiers pas sur le circuit, en 1977. A l’âge de 17 ans, il s’aligne à Wimbledon en tant qu’amateur pour s’extraire des qualifications et atteindre les demi-finales. « Mac » est extrêmement talentueux. Son jeu est basé sur le toucher de balle et la précision, le tout agrémenté d’un service aussi original qu’efficace, quasi-systématiquement suivi au filet.
En 1979, il devient le plus jeune vainqueur de l’histoire de l’US Open en battant en finale Vitas Gerulaitis (7-5, 6-3, 6-3). Il crée également la surprise cette année-là en venant à bout de Björn Borg (7-5, 4-6, 6-2, 7-6) en finale du World Championship Tennis. En 1980, il devient numéro un mondial pour la première fois, pour seulement quatre semaines.
Cette année-là, il est battu en finale de Wimbledon par Bjorn Borg à l’issue de l’un des plus grands matches de tous les temps (1-6, 7-5, 6-3, 6-7, 8-6), au cours duquel McEnroe gagne un tie-break de légende au quatrième set (18-16). Quelques mois plus tard, Mac prend sa revanche en battant Borg à New York pour conserver son titre à l’US Open. McEnroe est déjà célèbre pour son comportement, qui choque à l’époque le monde policé du tennis. Ses querelles incessantes avec le corps arbitral dénotent dans un sport dit « de gentlemen ».
- Tom Gullikson, le gaucher connu pour sa paire de double fraternelle
L’Américain Tom Gullikson est né en 1951. Il est classé 40e mondial, son meilleur classement à ce jour, au départ de ce Wimbledon 1981. Gaucher, il a un frère jumeau, Tim, qui est aussi joueur professionnel, mais qui joue de la main droite. Ensemble, les frères Gullikson ont déjà gagné huit tournois en double et atteint les huitièmes de finale de plusieurs tournois du Grand Chelem.
Le lieu : Wimbledon, Court n°1
Wimbledon est le tournoi de tennis le plus ancien et le plus prestigieux au monde. Organisé par le All England Lawn Tennis and Croquet Club depuis 1877, il s’est installé sur son site actuel en 1922, année de la construction du célèbre Centre Court. Considéré par beaucoup comme le court le plus impressionnant au monde, avec sa célèbre citation de Rudyard Kipling gravée au-dessus de l’entrée (« Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite Et recevoir ces deux menteurs d’un même front »), le Centre Court a vu s’affronter tous les plus grands joueurs de l’histoire.
Après le passage, dans les années 1970, de l’US Open à la terre battue puis au ciment, et après l’abandon du gazon au profit du dur par l’Open d’Australie en 1988, Wimbledon demeure le dernier tournoi du Grand Chelem sur herbe. Une surface qui convient généralement mieux aux serveurs-volleyeurs. Non seulement Wimbledon conserve sa surface historique. Mais le tournoi maintient également certaines traditions, comme l’obligation pour les joueurs de s’habiller en blanc.
L’histoire : Le pétage de plombs le plus célèbre de l’histoire du tennis
Au premier tour de Wimbledon, John McEnroe, finaliste l’année précédente, affronte son compatriote Tom Gullikson. Mac est l’un des favoris du tournoi, et rien ne laisse présager que ce match donnera lieu à l’une des scènes les plus marquantes de l’histoire de Wimbledon.
McEnroe sert ce qu’il pense être un ace. Mais la belle est annoncée « faute » par l’arbitre de chaise. Mac s’approche alors du filet.
« J’ai vu de la poussière de craie en l’air. Vous n’êtes pas sérieux, VOUS N’ETES PAS SERIEUX ! Cette balle est sur la ligne. On a vu de la poussière de craie. Elle est clairement bonne. Comment pouvez-vous l’annoncer faute ? Combien d’erreurs allez-vous encore faire ? Tout le stade a vu qu’elle était bonne, et vous l’annoncez faute ? Expliquez-moi ! »
Cette première envolée vaut à McEnroe d’écoper d’un avertissement. Mais lors du jeu suivant, sur le service de Gullikson, le jeune gaucher perd à nouveau son calme et qualifie l’arbitre, Edward James, de fosse sceptique (« Pits of the world », littéralement “lie de la terre”). Il se voit infliger un point de pénalité. C’en est trop pour McEnroe, qui dit maintenant à l’arbitre qu’il est un « idiot incompétent » et exige l’intervention du superviseur.
Une fois l’incident clos, toute cette agitation n’empêche pas McEnroe de dominer Gullikson en trois sets (7-6 7-5 6-3). Gullikson n’apprécie pas beaucoup l’attitude de McEnroe :
“Ce comportement n’a rien à faire là. Tout le monde a peur de ces types. Il suffirait d’une disqualification pour les remettre dans le rang. Si ç’avait été le 120e mondial, ils l’auraient disqualifié.”
La postérité du moment
Cette année-là, malgré la controverse, John McEnroe remportera le premier de ses trois titres à Wimbledon, venant à bout de Bjorn Borg en finale (4-6, 7-6, 7-6, 6-4). Il recevra 1500 $ d’amende pour son comportement lors du premier tour, et le comité du All England Club décidera de déroger à la tradition en refusant de faire de lui un membre honoraire du club. En guise de réponse, il boycottera le Dîner des Champions.
Au fil des ans, “You cannot be serious” deviendra le pétage de plombs le plus connu de l’histoire du tennis. Lorsque McEnroe prendra sa retraite sportive et deviendra commentateur pour la télévision, ses relations avec le All England Club se réchaufferont. Aujourd’hui, les visiteurs du Musée de Wimbledon sont même guidés par la voix pré-enregistrée de McEnroe. En 2002, John McEnroe publiera une autobiographie intitulée « You cannot be serious ».
Des années après les faits, Edward James, l’arbitre, évoquera l’incident avec une certaine amertume et dira qu’il aurait aimé que McEnroe présente un jour des excuses :
“C’était la première fois que je l’arbitrais, et également la dernière. J’attends toujours, mais je ne m’attends plus à ce qu’il s’excuse. Il ne pense pas avoir fait quoi que ce soit de mal. A vrai dire, nous ne nous sommes plus jamais adressés la parole.”