1er juillet 1995 : Le jour où Jeff Tarango s’est auto-disqualifié à Wimbledon
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 1er juillet 1995, l’Américain Jeff Tarango crée le scandale à Wimbledon en devenant le premier joueur à s’auto-disqualifier, prenant son sac et quittant simplement le terrain en plein milieu de son troisième tour contre Alexander Mronz.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis
Le 1er juillet 1995, l’Américain Jeff Tarango, 80e mondial, crée le scandale à Wimbledon en devenant le premier joueur à s’auto-disqualifier, prenant son sac et quittant le terrain en plein milieu de son troisième tour contre Alexander Mronz.
Ce drame a été provoqué par une cascade de désaccords avec l’arbitre de chaise français Bruno Rebeuh, que le joueur américain ira jusqu’à qualifier de « corrompu ». Peu après l’incident, la femme de Tarango met de l’huile sur le feu en allant à la rencontre de l’arbitre français dans les allées du All England Club, où elle le gifle publiquement.
Les acteurs : Tarango face à Mronz… et un arbitre Français
- Jeff Tarango, le sulfureux personnage d’un monde policé
Jeff Tarango est né en 1968. Au cours de sa carrière, ce gaucher au tennis offensif a remporté deux tournois : le premier à Wellington, en 1991, et le second à Tel-Aviv en 1992, année où il obtient son meilleur classement (47e mondial). Il n’a jamais dépassé le troisième tour d’un tournoi du Grand Chelem, stade qu’il a atteint à deux reprises, à l’US Open 1989 et à Roland-Garros 1993.
Tarango n’a pas vraiment une réputation de gentleman. Il a déjà choqué le monde du tennis en 1994 à Tokyo, contre Michael Chang, en baissant son pantalon et en quittant le court avec le short autour des chevilles. Dans son autobiographie, Andre Agassi affirmera que Tarango avait triché face à lui lors d’un tournoi junior, ce que le gaucher niera. Bref, Tarango n’a pas que des amis sur le circuit.
Son adversaire, l’Allemand Alexander Mronz, est 117e mondial, après s’être hissé à la 74e place en 1991. Son meilleur résultat en Grand Chelem est un troisième tour à l’Open d’Australie 1994.
L’arbitre de chaise, Bruno Rebeuh, né en 1961, est très expérimenté. Officiant sur le circuit depuis 1988, il a arbitré toutes les finales de Roland-Garros depuis 1989.
Le lieu : Wimbledon
Wimbledon est le tournoi de tennis le plus ancien et le plus prestigieux au monde. Organisé par le All England Lawn Tennis and Croquet Club depuis 1877, il s’est installé sur son site actuel en 1922, année de la construction du célèbre Centre Court. Considéré par beaucoup comme le court le plus impressionnant au monde, avec sa célèbre citation de Rudyard Kipling gravée au-dessus de l’entrée (« Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite ; Et recevoir ces deux menteurs d’un même front »), le Centre Court a vu s’affronter tous les plus grands joueurs de l’histoire.
Après la conversion, dans les années 1970, de l’US Open à la terre battue puis au ciment, et après l’abandon du gazon au profit du dur par l’Open d’Australie en 1988, Wimbledon demeure le dernier tournoi du Grand Chelem sur herbe. Non seulement Wimbledon conserve sa surface historique, mais le tournoi maintient également certaines traditions comme l’obligation pour les joueurs de s’habiller en blanc.
L’histoire : tout bascule au deuxième set
Le 1er juillet 1995, lorsque Jeff Tarango et Alexander Mron, pénètrent sur le court N°13 pour s’affronter au troisième tour de Wimbledon, personne ne pense que ce match va marquer l’histoire du tennis. Tarango a réussi à passer le premier tour du tournoi pour la première fois en sept participations, tandis que son adversaire n’avait gagné qu’un seul match en quatre apparitions au All England Club.
Le drame se noue au deuxième set. Alexander Mronz a gagné le premier set, 7-6, et mène 2-1 dans la deuxième manche. Tarango est au service. 15-30. L’Américain va chercher le service sortant typique du gaucher, et pense avoir réussi un ace, qui est pourtant annoncé faute. “Non, non, c’était un ace. J’ai vu ça à la télé un million de fois, c’est un ace !”, lance alors Tarango.
Tu es l’arbitre le plus corrompu du tennis et tu n’as pas le droit de faire ça !
Jeff Tarango
Alors que le public s’agite, Tarango, qui est prêt à jouer le point suivant, se tourne vers la foule et crie : “Oh, fermez-la !”. L’arbitre, Bruno Rebeuh, lui adresse un avertissement pour obscénité. L’Américain conteste que “fermez-la” soit une obscénité. Il s’approche de la chaise : “Comment se fait-il qu’ils puissent me dire ce qu’ils veulent, eux ?”, demande l’Américain. “Appelez le superviseur, s’il vous plaît, j’ai beaucoup à lui dire”.
Les joueurs s’apprêtent finalement à reprendre le jeu, mais Tarango se tourne encore vers Bruno Rebeuh et lâche : “Tu es l’arbitre le plus corrompu du tennis et tu n’as pas le droit de faire ça !”. L’officiel français lui inflige alors un point de pénalité pour injure. Avant que Bruno Rebeuh n’a pu mettre à jour le score (le point de pénalité donne le jeu Mronz), Jeff Tarango a déjà pris sa décision. “C’est pas possible ! C’est bon, j’arrête”, s’écrie-t-il avant de retourner à sa chaise, de prendre son sac… et de quitter purement et simplement le court.
Quelques minutes plus tard, Bruno Rebeuh quitte le terrain à son tour. Sa dure journée n’est pas encore finie. La femme de Jeff Tarango, Bénédicte, elle aussi Française, s’approche de lui dans l’allée et le gifle en pleine face. “Cet homme avait besoin d’une leçon”, soufflera-t-elle par la suite.
En conférence de presse, Tarango insiste sur le fait qu’en 1993, il avait déjà demandé à ne pas être arbitré par Bruno Rebeuh car il le soupçonnait de favoriser certains joueurs avec qui il était lié d’amitié, comme Marc Rosset.
Le scandale Tarango devient vite l’événement du jour à Wimbledon. Andre Agassi ou Boris Becker sont pourtant aussi programmés ce jour-là. Tarango passe six heures dans le bureau du juge-arbitre, Alan Mills, qui lui rappelle que les règles doivent être respectées.
La postérité du moment : une suspension en Grand Chelem
Suite à cet incident, le Comité du Grand Chelem infligera à Jeff Tarango une suspension de deux tournois du Grand Chelem et une amende de 43 756 $. L’ATP le sanctionnera aussi d’une amende de 20 000 $. Six mois plus tard, Tarango écrira une lettre au Comité pour s’excuser de son attitude envers l’arbitre. Son amende sera réduite à 28 256 $, et sa suspension limitée à la prochaine édition de Wimbledon.
Cette rencontre était, selon moi, arrangée.
Jeff Tarango
L’ATP enquêtera sur les accusations lancées par Tarango contre Bruno Rebeuh, contre qui rien ne sera retenu. Le joueur américain et l’arbitre français ne s’adresseront plus jamais la parole.
En 2014, dans une interview pour Welovetennis.fr, Tarango réitèrera pourtant ses propos initiaux : “C’est un enchaînement de décisions suspectes qui, si vous avez vu le match en entier, ne peuvent que vous amener à cette conclusion : cette rencontre était, selon moi, arrangée.”