Apostolos Tsitsipas, le coach qui attire la lumière à l’UTS
Coach le plus en vue à l’Ultimate Tennis Showdown, Apostolos Tsitsipas a montré au cours des quatre semaines de compétition pourquoi il était un coach bien singulier. Aux relations parfois tendues avec son fils Stefanos.
Un des objectifs de Patrick Mouratoglou à l’Ultimate Tennis Showdown est de mettre en avant les entraîneurs : “Nous allons leur faire jouer un rôle, car ils en ont un, avait notamment déclaré l’entraîneur de Serena Williams dans une interview à Tennis Majors, avant le début du tournoi. Les joueurs sont les personnages principaux, mais les entraîneurs ont des rôles secondaires non négligeables”.
Nul doute que le message a été bien reçu par Apostolos Tsitsipas, le père de Stefanos. Il est le co-entraîneur de son fils, avec Kerei Abakar, et il a tout d’un personnage à part entière. Devenu coach d’un joueur de haut niveau un peu par hasard, sans avoir été pro lui-même, le Grec de 52 ans a prouvé qu’il était un entraîneur unique pendant l’UTS. Avant chaque match, Apostolos entre sur le terrain avec son fils, lui parle jusqu’au dernier moment, notamment quand il s’installe sur sa chaise. Pendant les matchs, il est l’un des entraîneurs qui demandent le plus de temps-morts coaching.
“On sait comment il est, il ne va pas changer”
Le week-end dernier, lors du match de Stefanos contre Corentin Moutet, Apostolos a montré en quoi il avait bien un rôle à jouer. Il a fait sortir The Tornado de ses gonds dans le quatrième quart-temps. Au motif qu’Apostolos parlait quand il allait servir, Moutet a commencé à s’énerver et s’est ensuite pris le bec avec Stefanos : “Ce n’est pas autorisé de parler quand je sers. Ce n’est tout simplement pas fair-play. Il est irrespectueux. Il est le seul à le faire sur le circuit“. Avec les commentateurs aux changements de côté, Moutet a insisté: “Il m’énerve. Il est stupide“.
Kerei Abakar était assis juste à la droite d’Apostolos pendant la scène.
“Honnêtement la petite dispute que Moutet a eue avec Apostolos était tout à fait normale, estime celui qui est aussi le directeur du tennis de haut niveau à la Mouratoglou Academy. Oui, Apostolos parle beaucoup pendant les matchs. On le connaît. C’est sa personnalité. Il ne va pas changer. Il reçoit beaucoup d’avertissements pendant les matchs sur le circuit, et beaucoup d’amendes aussi, c’est comme ça qu’il est”.
À l’UTS, Apostolos, pro-coaching, est ravi d’avoir la possibilité de s’exprimer et en profite.
“Comme les entraîneurs sont autorisés à parler aux joueurs, celui qui en tirera le meilleur parti aura plus de chances de gagner, nous a-t-il confié, un sourire malicieux aux lèvres. C’est juste essayer de faire avec les règles du jeu”.
Mais à l’UTS, au-delà de soutenir Stefanos, son père l’exhorte constamment à en faire plus. Comme par exemple lors de ce temps-mort lunaire lors du quatrième quart du match contre Alexei Popyrin. À 12-12 à deux minutes de la fin, alors que le numéro 6 mondial avait déjà scellé sa victoire en remportant facilement les trois premiers quarts, Apostolos a pris un temps mort pour l’inciter à jouer plus agressif.
Un conseil auquel n’a que peu goûté Stefanos, qui lui a rétorqué qu’il était plutôt temps de se détendre. Apostolos ne regrette pas :
“S’il sent qu’il doit jouer défensif, c’est ok pour moi, mais mon travail est de lui dire de faire quelque chose de plus”, a expliqué Apostolos dans le podcast de l’UTS, animé par Pete Odgers et Jenny Drummond.
L’attitude de Stefanos pendant les temps-morts coaching laisse toutefois songeur. Régulièrement, il n’a même pas répondu un seul mot à son père, a laissé transparaître sur son visage de l’irritation et de la lassitude vis-à-vis des conseils prodigués. À plusieurs reprises, il a même retiré le casque que les joueurs utilisent pour échanger avec leur entraîneur en coupant Apostolos en pleine phrase. Symbole de cette relation sur un fil : le ton est monté entre eux, en grec, lors d’un temps-mort où le père donnait à son rejeton des consignes contradictoires au plan d’avant-match. “J’ai parlé en grec parce que je ne voulais pas que nos tactiques soient dévoilées”, a déclaré le numéro 6 mondial dans un autre épisode du podcast de l’UTS. Ces comportements sont aussi particulièrement frappants à l’entraînement. Stefanos est visiblement tendu et il lui arrive de râler, ou de souffler ostensiblement, lorsque son père lui parle.
Tsitsipas : “Je peux sentir du stress dans sa voix et cela me dérange“
Tsitsipas s’est déjà beaucoup confié sur sa relation avec son père. Notamment lors d’une conférence de presse en début d’année, après l’incident survenu lors de l’ATP Cup. Enervé contre son père, il l’avait accidentellement blessé avec sa raquette.
“Ce n’est pas facile d’avoir son père comme entraîneur et il y a toujours des tensions entre nous deux, a expliqué le Grec de 21 ans. C’est un très bon entraîneur, mais parfois il me stresse beaucoup“.
Tsitsipas a donné davantage de détails dans le podcast de l’UTS : “Parfois, comme dans les temps-morts pendant les matches, je peux sentir du stress dans sa voix et cela me dérange”. Avant d’assurer : “J’essaie de ne pas trop y penser et de prendre aussi les bons conseils qu’il me donne”.
Kerei Abakar minimise leurs différends : “Stefanos est parfois irrité, c’est vrai, mais on ne va pas changer son père, nous-t-il confié. Il a fait un travail incroyable pour l’amener là où il est aujourd’hui. Parfois, Stef s’énerve et ils peuvent se disputer. Mais c’est normal”.
Apostolos n’en fait pas toute une histoire, lui non plus. Il nous a assuré ne pas s’offusquer des réactions de son fils quand il lui parle. “Je suis ici pour lui rappeler les bases et les bases, ça peut être ennuyeux. Parfois, il le montre, comme contre Corentin (Moutet). Mais je sais qu’au fond, il écoute”. Avant de poursuivre :
“J’étais professeur avant, et je crois que parmi tous les élèves que j’ai eus, c’est celui qui écoute le plus. Il écoute énormément”.
Pourtant, il y a dans le comportement de Stefanos quelque chose d’un étudiant qui veut desserrer l’emprise de son professeur sur lui. A Dubaï en février dernier, Tsitsipas avait lâché que ses parents étaient “beaucoup trop présents dans sa vie”. Pas anodin à 21 ans.
Kerei, qui ne voyage avec Stefanos sur le circuit que huit semaines par an, en raison de son occupation à plein temps à l’Académie, joue le rôle de médiateur entre les deux. “Il se sent en confiance quand je suis là. Avec moi, il est plus calme qu’avec son père. J’équilibre le feu du père. La façon dont je me comporte lui donne confiance, car il sent que je lui fais confiance”.
Apostolos préfère inverser la perspective. Il se sent chanceux que son fils l’ait choisi et ne cesse de le lui rappeler.
“Quand j’avais l’âge de Stefanos, mon père à moi n’était plus là pour moi. Stefanos doit avoir conscience de la chance qu’il a d’avoir son père comme entraîneur à ses côtés. J’aurais adoré avoir ça“, nous a t-il glissé, tout sourire.
Comme pour rappeler que le show Apostolos est loin d’être terminé.