Moutet : “Je veux qu’à la fin de ma carrière, les gens se souviennent de moi comme d’un combattant”
Dans une interview accordée à Tennis Majors, Corentin Moutet, premier lucky loser de l’histoire à atteindre les huitièmes de finale à l’US Open, s’est exprimé sur cet exploit et sur sa carrière.
Corentin Moutet, 112e joueur mondial, a écrit l’histoire de l’US Open vendredi en devenant le premier lucky loser de l’histoire à atteindre les huitièmes de finale à New York après sa victoire face à Pedro Cachin. Il est également le premier à réaliser cet exploit en Grand Chelem depuis un autre Français, Stéphane Robert en 2014 à l’Open d’Australie. C’est aussi la première fois de sa carrière que le natif de Paris atteint ce stade de la compétition en majeur.
Dans une interview accordée à Tennis Majors à New York, le vainqueur de la quatrième édition de l’Ultimate Tennis Showdown a donné son avis sur son exploit new-yorkais et sur son duel à venir à l’US Open face à Casper Ruud, septième joueur mondial. Corentin Moutet s’est également confié sur un des moments forts de sa carrière, son match à Roland-Garros contre son idole Rafael Nadal, avant de nous dévoilé les objectifs qu’il s’est fixé pour sa carrière. Ses propos, recueillis en anglais, ont été traduits en français.
Vous êtes le premier lucky loser à atteindre les huitièmes de finale de l'US Open. Comment vous sentez-vous ?
C’est bien, j’essaie de devenir un lucky winner, plutôt qu’un lucky loser. C’était une chance pour moi d’être lucky loser, je n’ai rien fait pour cela. Ils m’ont juste dit que j’étais repêché dans le tableau final. J’ai donc saisi ma chance et fait de mon mieux pour gagner d’autres matches ici.
Aimez-vous New York en général ? Jouer à l'US Open ?
Oui, beaucoup. Les deux dernières années ont été difficiles avec le Covid. C’était assez difficile ici, mais c’est une ville incroyable. Je viens de Paris et c’est tellement différent, c’est une grande ville mais c’est tellement différent, donc j’aime vraiment être ici. C’est une atmosphère différente de celle en Europe, et c’est agréable d’être ici, j’aime les États-Unis.
Vous êtes un artiste et vous êtes toujours à la recherche d'inspiration, ça doit être sympa pour vous d’être ici.
Oui, je suis ici pour le tennis mais la saison est longue, on change de ville chaque semaine, donc c’est toujours agréable de profiter de l’endroit où je suis. Je suis allé dans tellement de pays, j’essaie juste de profiter de l’instant présent et d’essayer de m’imprégner de l’ambiance de l’endroit où je suis.
Vous disiez lors de votre conférence de presse en français que le niveau sur le circuit, depuis les qualifications jusqu'au meilleurs joueurs du monde, n'est pas si différent. Cela signifie-t-il que vous pensez avoir une chance contre Casper Ruud ?
Bien sûr que j’y crois. Sinon, je ne jouerais pas. Je lui dirais : “OK, tu es meilleur. A quoi bon venir sur le court et me fatiguer ?” Je crois en moi, et je vais essayer de jouer mon meilleur tennis, essayer de trouver des solutions quand je serai sur le court et on verra comment ça se passe. Je ne peux pas savoir si je serai meilleur que lui ou s’il sera meilleur – je n’en ai aucune idée, je ne l’ai jamais joué auparavant. Je n’en ai aucune idée. Je dois donc faire de mon mieux et voir comment ça se passe.
Est-ce un soulagement d'atteindre les huitièmes de finale, de prendre des points et de revenir dans le top 100 ?
Je savais que j’allais revenir dans le top 100, c’était sûr, parce que j’ai travaillé dur pour cela. Mais je ne savais pas quand. Cela prend parfois du temps. Vous perdez des matchs contre de meilleurs adversaires, mais je savais que je serais de nouveau là un jour, c’était sûr, parce que je l’ai été dans le passé et que je suis un meilleur joueur que je ne l’étais lorsque j’étais dans le top 100, donc c’était juste une question de temps.
En Grand Chelem, je sais qu’il y a beaucoup de points, donc ça peut être plus rapide. J’étais censé jouer un Challenger la semaine prochaine en Europe, donc il y a moins de points et plus de matchs à jouer pour y arriver, donc c’est vraiment bien d’avoir cette chance ici.
Pourquoi dites-vous que vous êtes un meilleur joueur que par le passé ? Dans quels domaines avez-vous progressé ?
Je travaille tout simplement. J’ai deux ans d’expérience derrière moi. J’ai fait 500 entraînements de plus, donc c’est normal, je suis un meilleur joueur et j’ai progressé dans tous les compartiments de mon jeu. Donc oui, c’est normal.
Comment avez-vous vécu l'expérience d'affronter Rafael Nadal dans votre ville natale, lors du dernier Roland-Garros ? Cela a dû être incroyable. Avez-vous appris quelque chose de ce match ? Ressentez-vous encore en vous l'effet d'un match aussi important à Paris ?
C’était irréel. J’en parlais toujours avec mon coach parce que j’ai raté ce match il y a trois ans, en 2019. J’ai perdu en cinq sets au troisième tour (contre Juan Ignacio Londero, ndlr) pour jouer Rafa ensuite.
J’étais toujours en train d’y penser. Quand il s’est blessé, je me disais : “Allez, ne prends pas ta retraite, je dois jouer contre toi avant que tu ne prennes ta retraite !”. Pour jouer contre lui, il faut être dans son tableau et il faut gagner des matches, donc j’ai dû avoir un peu de chance. Ensuite, j’ai joué contre Stan Wawrinka, ce qui n’est pas facile du tout, et je me suis dit que cette fois-ci, c’était peut-être ma dernière chance de jouer contre lui.
Le court central, à Paris, avec Nadal, c’est pour ça j’ai commencé le tennis. Je le regardais, je dormais avec son t-shirt quand il a gagné son premier Roland-Garros.
C’était fou. Je ne suis jamais comme ça. Normalement, je ne suis pas du genre à me satisfaire de ce que j’ai, j’en veux toujours. Mais pour une fois j’ai dit à mes coaches : “Allez, pause, pendant cinq minutes on a le droit de savourer. On est tous partis de la base, cette passion nous a tous emportés à cinq ou six ans.” J’ai bien travaillé, je me suis offert la chance de vivre ça. Et puis j’étais là. J’ai eu de la chance et j’ai vraiment bien joué. Je devrais être fier de moi. Ce n’est pas souvent que je suis fier de moi, même si je donne tout, j’en attends toujours plus, et cette fois-ci je me suis dit ‘Ok, je peux être fier’.
Qu'attendez-vous de votre carrière ? Quels sont vos objectifs à partir de maintenant ?
Je veux juste avoir une bonne carrière, faire de mon mieux. Comme je l’ai dit, nous ne pouvons pas savoir où je serai, dans le top 50, le top 10, je n’en ai aucune idée. Je vais simplement faire de mon mieux. Je veux qu’à la fin de ma carrière, les gens reconnaissent et se souviennent de moi comme d’un bon combattant, que j’ai fait de mon mieux tout au long de ma carrière, avec quelques bons moments et de bons résultats. Et nous verrons comment cela se passe. Je n’en ai aucune idée. Bien sûr, nous voulons tous être numéro un et gagner 20 tournois du Grand Chelem, mais nous ne décidons de rien.
Avez-vous du temps pour vous amuser à New York, et si oui, que faites-vous ?
Je me promène dans les rues, c’est suffisant pour moi. J’aime ça, tout simplement. Les gens ici sont différents des européens. J’aime voir comment les gens vivent dans chaque ville que je visite. Juste pour voir comment c’est. Il y a toujours quelque chose à tirer des gens quand on les regarde. Certaines personnes font des choses plus intelligentes que nous et c’est bien de les observer.