Gauff, c’était son destin
A 19 ans, Coco Gauff a remporté ce fameux et tant promis premier titre du Grand Chelem en battant ce samedi soir, en finale de l’US Open, celle qui sera lundi n°1 mondiale mais qui est passée à côté de son rendez-vous, Aryna Sabalenka (2-6, 6-3, 6-2).
Ce ne fut clairement pas une finale qui restera dans l’histoire, mais c’était une finale pour l’histoire, malgré tout. A 19 ans, Coco Gauff a donc atteint ce fameux Graal qu’on lui promettait tant et elle l’a fait au meilleur endroit possible, chez elle à l’US Open, où elle a remporté la bataille des nerfs face à Aryna Sabalenka (2-6, 6-3, 6-2), au terme d’un match extrêmement crispé.
Coco Gauff, qui passera numéro 3 mondiale, devient ainsi, à précisément 19 ans et 181 jours, la douzième teenager à remporter l’US Open et la troisième en quatre ans, après Bianca Andreescu en 2019 et Emma Raducanu en 2021. La première Américaine, aussi, depuis Serena Williams en 1999. Au total de l’ère Open, elle est la seizième joueuse à remporter (au moins) un Grand Chelem en tant que teenager. Pas mal pour quelqu’un qui confiait avec une étonnante sincérité, après son succès en demi-finales, avoir parfois souffert du “syndrome de l’imposteur.”
L’imposture, en étant un peu méchant, c’est plutôt la prestation réalisée par celle qui sera lundi la nouvelle numéro 1 mondiale, Aryna Sabalenka. Ce couronnement, qui lui est promis depuis la défaite d’Iga Swiatek en huitièmes de finale, est archi-mérité sur l’ensemble de sa saison, rien à dire là-dessus. Mais la Biélorusse en a en revanche été assez indigne lors d’une finale où elle n’aura été que l’ombre de celle qui avait remporté l’Open d’Australie cette année, et montré sur cet US Open une force à la fois tennistique et mentale assez impressionnante.
46 fautes directes pour Sabalenka !
Cette finale, jouée toit fermée, était pourtant plutôt bien partie pour Sabalenka. La Biélorusse réussit un break d’entrée (2-0) et, malgré un premier “hoquet” qui lui coûta aussitôt le débreak avec deux doubles fautes à la clé (2-2), survola ensuite le 1er set (2-6). Mais à vrai dire, c’était surtout Gauff qui, à ce moment-là, était à côté de ses baskets. L’Américaine paraissait bien fragile et explosait comme un fétu de paille face à la puissance de son adversaire, qui, comme attendu, insistait lourdement sur son coup droit.
Mais pour Sabalenka, tout parti à vau-l’eau subitement à l’entame du 2e set. Alors qu’elle disposait de deux balles de break d’entrée, elle commit quatre fautes directes d’affilée et, pour ainsi dire, ne ressortit plus jamais la tête de l’étau dans lequel elle venait de se placer toute seule. D’un coup plus lente, plus attentiste, elle se mit à commettre des fautes directes par brassées (46 au total !) et Gauff, sans forcément jouer beaucoup mieux à ce moment-là, en profita pour prendre les devants dans ce 2e set en breakant sur une double faute adverse.
Une fois le deuxième set remporté (6-3), Gauff se libéra et Sabalenka, elle, sombra. Littéralement. En perdition totale face à une adversaire qui ne ratait plus rien, elle se retrouva vite menée 4-0. Elle tenta alors un ultime coup de Trafalgar en prenant un temps mort médical à 4-1, ce qui lui permit de perturber le rythme adverse et d’effacer un premier break de retard (2-4).
Mais derrière, la Biélorusse reprit consciencieusement le fil de son auto-destruction et facilita à Coco l’accès à sa destinée. Un ultime passing de revers gagnant et ce fut fait. Après 2h06, Coco Gauff pouvait s’écrouler au sol : elle venait de faire son entrée dans le cercle des gagnantes en Grand Chelem et après tout, l’histoire se fichera bien de la manière.
“Je suis un peu le choc en ce moment”, a-t-elle attaqué en préambule de son discours protocolaire, d’abord un peu “speechless”, avant de se décontracter au fil des phrases. “La défaite en finale de Roland-Garros, l’an dernier (face à Iga Swiatek, NDLR) a été un crève-cœur mais c’est finalement ce qui rend ce moment encore plus beau que ce que j’aurais pu imaginer. Je suis une privilégiée dans la vie. Merci pour ce moment.”
Un moment de bonheur partagé par la plupart des 23 500 personnes, sauf une, évidemment : Aryna Sabalenka, qui deviendra ce lundi la 29e numéro 1 mondiale de l’histoire, mais dont le couronnement aura forcément un goût amer.
Impossible de ne pas saluer l’extrême densité de sa saison 2023 marquée notamment par un titre en Grand Chelem (Open d’Australie), une finale (US Open) et deux demi-finales (Roland-Garros et Wimbledon). Mais impossible aussi de ne pas souligner, une fois de plus, cette fragilité mentale qui peut donc encore venir la faucher, à tout moment, même quand on ne s’y attend plus. Si forte et si fragile à la fois : la reine (de) Saba va avoir du travail pour préserver son Royaume.