Avec (désormais) plus d’une corde à son arc, Sabalenka vise une remontée sur le trône WTA

Écrasante de puissance pour remporter l’US Open, Aryna Sabalenka a aussi su surprendre ses adversaire avec amorties, slices et montées au filet. Coups sur lesquelles elle était encore médiocre quelques mois en arrière.

Aryna Sabalenka, US Open 2024 Aryna Sabalenka, après son sacre à l’US Open en 2024 (Antoine Couvercelle / Panoramic)
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Un ours auquel on aurait mis un aiguille à coudre entre les pattes en lui disant : “Tiens, chope un poisson avec ça, démerde-toi.” Remplacez l’ours par Aryna Sabalenka, l’aiguille par une raquette et la tentative d’harponnage par celle d’une amortie, et vous aurez une bonne idée du toucher de balle tragi-comique de la Biélorusse lors de son huitième de finale contre Elina Svitolina à Rome mi-mai.

Si elle avait fini par sortir gagnante – 4-6, 6-1, 7-6⁷, en sauvant trois balles de match – d’une empoignade à l’intensité phénoménale dans la dernière manche, Sabalenka avait bien senti qu’elle aurait pu se faciliter la tâche sur bien des échanges. En utilisant l’amortie, pour mettre à mal la défense murale d’une Svitolina qui avait régulièrement reculé de plusieurs mètres pour encaisser les caramels très salés distribués comme des petits pains. L’idée était bonne, excellente même, mais la grande majorité du temps l’exécution a été calamiteuse.

Pourtant, face à une opposante repoussée, comme la plupart, par sa puissance, la native de Minsk n’avait même pas besoin de caresser son coup à la perfection. Raccourcir correctement aurait suffi, à la manière d’un Jerzy Janowicz – finaliste à Paris-Bercy en 2012 et demi-finaliste de Wimbledon 2013 avant de voir son corps et carrière être détérioré par des blessures – qui savait à merveille déposer une frappe dans les carrés en voyant sa victime s’attendre à coup de massue.

C’est vraiment un plus d’avoir ces options (les variations) en stock.

Aryna Sabalenka

Néanmoins, lors de son parcours Romain où seule la reine des arènes ocres, Iga Świątek, était parvenue à lui faire mettre genou à terre en finale, la numéro 2 mondiale avait montré un peu plus d’habileté sur ales amortie. Notamment en demi-finale, face à Danielle Collins. Mais elle était encore loin du succès connu avec ce coup lors de sa tournée nord-américaine royale marquée par des sacres consécutifs à Cincinnati et l’US Open, son troisième titre du Grand Chelem après son doublé 2023-2024 à l’Open d’Australie.

Muée en femme invincible, elle ne s’est pas contentée d’imposer sa (sur)puissance pour enquiller13 victoires de suite. Elle a aussi épastrouillé par une capacité à varier avec un résultat positif dans des proportions jamais atteintes, par elle, auparavant. Avec confiance et sérénité nécessaires pour être également capable de le faire lors de points importants. Parce qu’elle a su semer les bonnes graines sur le court d’entraînement afin d’en récolter les fruits en compétition.

“C’est un vrai plus d’avoir ces options en stock”, a-t-elle déclaré en conférence de presse après sa victoire 7-5, 7-5 contre Jessica Pegula en finale à Flushing Meadows. “Parfois, quand on ne se sent pas au mieux pour envoyer du fond, on peut faire un slice, une amortie ou venir au filet. J’ai toujours travaillé les variations. Je suis vraiment heureuse d’être assez courageuse pour utiliser tous ces outils lors des moments clefs. C’est vraiment important de toujours chercher à s’améliorer.”

Travailler la variété, une des clefs potentielles pour s’ouvrir les portes du titre à Roland-Garros et Wimbledon

De quoi semer la tempête dans le crâne de ses rivales perdues entre les bourrasques de ses gifles d’ourse et les brises de ses changements de rythme. “J’ai l’impression de mettre plus de pression sur les adversaires quand elles voient que je ne me contente pas seulement de frapper fort, que je peux aussi jouer avec un peu de toucher”, a-t-elle analysé. “On va continuer à travailler là-dessus, et espérons-le, un jour vous me verrez faire service-volée (sourire). Je ne suis pas sûre d’être encore assez courageuse pour le faire, mais peut-être que ça deviendra mon plan C. Avec un peu de chance, je n’en aurai jamais besoin (sourire).”

Avec ces cordes supplémentaires à son arc, la joueuse de 26 ans a très certainement ciblé comme objectif de finir par soulever les trophées à Roland-Garros et Wimbledon, sur des surfaces où la variété s’est imposée comme un atout encore plus décisif. En ambitionnant, aussi, un retour à la première place mondiale. Depuis la retraite d’Ashleigh Barty en mars 2022, Świątek a occupé le trône pendant 119 semaines, série en cours. 120 à partir de lundi, soit une unité de moins que Barty, et le 8e meilleur total de l’histoire de la WTA.

Seule Sabalenka a interrompu le règne de la Polonaise. Pendant deux mois, du 11 septembre 2023, lendemain de sa finale perdue contre Coco Gauff et tout le stade Arthur-Ashe, au 5 novembre marqué par le sacre de Świątek au Masters. Bien qu’elle ne soit “que” dauphine de la Varsovienne, la protégée d’Anton Dubrov, qui était passée numéro 3 derrière Gauff avant de reprendre son bien après “Cincy”, peut se targuer d’être la seule joueuse à avoir remporté deux titres du Grand Chelem cette saison.

Je suis capable de redevenir numéro 1 mondiale.

Aryna Sabalenka

Ce qui a fait d’elle la cinquième femme de l’ère Open à avoir glané deux levées du “GC” sur dur au cours d’une même année, après Steffi Graf (1988, 1989), Monica Seles (1911, 1992), Martina Hingis (1997) et la récente retraitée Angelique Kerber (2016). Une reine – Kerber –, qui a trôné sur le classement WTA pendant 34 semaines au total ; et trois impératrices figurant dans le top 6 de ce record : Graf, étant première avec 377 semaines – devant le trio Navrátilová (332 semaines), S. Williams (319 semaines), Evert (260 semaines) – Hingis cinquième (208 semaines) et Seles sixième (178 semaines).

De quoi, sans doute, donner des idées à Sabalenka pour continuer à marcher dans les pas de ces monuments du tennis. Sans en faire une obsession. “Je ne me focalise pas sur le classement”, a-t-elle assuré dimanche soir. “Je ne regarde pas où je vais être après chaque tournoi. J’essaie juste de rester concentrée sur moi-même, ma progression en tant que joueuse et personne. Je sais qu’en parvenant à jouer mon meilleur tennis, en conservant ma force de combativité lors de chaque compétition, je suis capable de redevenir numéro 1 mondiale.”

Lundi, elle comptera officiellement 8 716 points. Soit 2 169 de moins qu’Iga Świątek. Un écart bien plus épais qu’un sandwich SNCF, certes, mais à contre-balancer par le fait que la première citée, blessée, à du renoncer à Wimbledon cette année et n’a pu tenter de défendre les 780 points de sa demi-finale 2023. Voire de les améliorer. Car Aryna Sabalenka, armée d’un harpon qu’elle est désormais capable de manier d’une main de fer dans un gant de velours à la qualité honnête, ne chasse du gros poisson.

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