28 août 1995 : Le jour où Matsuoka a été disqualifié pour des crampes impossibles à soigner
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 28 août 1995, le Japonais Shuzo Matsuoka s’est écroulé, perclus de crampes, au premier tour de l’US Open. Il a été disqualifié.
Ce qui s’est passé jour-là : l’agonie de Matsuoka
Ce jour-là, le 28 août 1995, à l’US Open, le Japonais Shuzo Matsuoka est disqualifié après s’être effondré, perclus de crampes, au quatrième set de son premier tour contre Petr Korda, alors qu’il menait deux manches à une (6-7, 7-6, 7-6, 5-5). Le Japonais est laissé au sol pendant trois minutes, hurlant de douleur, avant de pouvoir recevoir la moindre assistance, les règles de l’époque n’autorisant pas le traitement médical en cas de crampes. Le spectacle de Matsuoka agonisant sans aucune aide amènera une modification de ces règles dès l’année suivante.
Les acteurs : Shuzo Matsuoka et Petr Korda
- Shuzo Matsuoka: de Tokyo aux quarts de finale de Wimbledon
Le Japonais Shuzo Matsuoka est né en 1967. Il remporte son seul titre sur le circuit en 1992, à Séoul. En finale, il vient à bout de Todd Woodbridge (6-3, 4-6, 7-5). La même année, il obtient l’un de ses meilleurs résultats en se hissant en finale du tournoi du Queen’s, défait par Wayne Ferreira (6-3, 6-4). En 1995, il réalise sa meilleure performance en Grand Chelem, atteignant les quarts de finale de Wimbledon, où il remporte la première manche face au numéro 1 mondial Pete Sampras avant de s’incliner en quatre sets (6-7, 6-3, 6-4, 6-2). Matsuoka a atteint la 46e place mondiale en 1992.
- Petr Korda: l’imprévisible top 5 venu de République tchèque
Petr Korda est né en 1968. Au moment des faits, le gaucher tchèque (père du joueur américain Sebastian Korda) a déjà inscrit six titres à son palmarès, notamment la Coupe du Grand Chelem 1993, où il prend le dessus sur Michael Stich en finale (2-6, 6-4, 7-6, 2-6, 11-9), touchant au passage un chèque de deux millions de dollars. Il est alors principalement connu pour avoir atteint la finale de Roland-Garros en 1992, sèchement battu par Jim Courier (7-5 6-2 6-1). Cette année-là, il atteint son meilleur classement, 5e mondial. Korda est un joueur imprévisible capable, dans un bon jour, de battre les meilleurs, mais aussi capable de perdre contre à peu près n’importe qui. En juillet 1995, à Washington, alors qu’il est classé 46e mondial, il s’incline face à Nuno Marques, 119e, alors qu’il venait de battre le 5e mondial Michael Chang à Wimbledon.
Le lieu : Flushing Meadows
L’US Open (appelé US Nationals avant 1968 et le début de l’Ère Open) a été créé en 1881. Bien qu’il soit le seul Grand Chelem à avoir été disputé sans la moindre interruption depuis ses débuts, le tournoi a changé de site à plusieurs reprises au fil des ans.
Les premières éditions se déroulent sur les courts en herbe du Casino de Newport, à Rhode Island, puis, en 1915, l’épreuve s’installe à New-York, au West Side Tennis Club, dans le quartier de Forest Hills, jusqu’en 1977 (avec une parenthèse de 1921 à 1923, où les joueurs s’affrontent à Philadelphie). De 1975 à 1977, le tournoi se dispute sur terre battue.
En 1978, l’US Open quitte le West Side Tennis Club, désormais trop petit pour accueillir un événement d’une telle importance, pour l’USTA National Tennis Center, situé à Flushing Meadows, à New-York. Par la même occasion, le tournoi se dispute à présent sur dur. Le Tennis Center est l’un des plus grands complexes de tennis au monde et son court central est le Stade Louis-Armstrong, d’une capacité de 14 000 places.
L’histoire: Matsuoka disqualifié
Petr Korda et Shuzo Matsuoka s’affrontent depuis déjà trois heures et vingt-six minutes lorsque leur match du premier tour bascule soudain dans l’histoire, à 5-5 au quatrième set. Le Japonais mène alors deux manches à une, ayant perdu la première, 7-6, avant de remporter les deux suivantes au tie-break également. Matsuoka est maintenant au service, mais alors qu’il vient de réussir un coup droit gagnant sur le premier point du jeu, il s’écroule en hurlant, touché par les crampes.
« Lorsque je frappe le coup droit, j’ai juste des crampes terribles, je m’écroule, mes deux jambes sont touchées, alors tout ce que je peux faire c’est crier. J’ai tellement mal, que je sais que le match est fini, mais ça me rend triste. »
En 1995, les règles n’autorisent aucun traitement médical pour les crampes, qui ne sont pas considérées comme une blessure mais comme une perte de condition physique. Si un joueur a besoin d’aide pour se relever, il est automatiquement disqualifié. Alors, le pauvre Matsuoka est abandonné à sa douleur pendant trois minutes, sous les yeux d’un public outré, tandis que l’arbitre se lance dans un décompte digne d’un combat de boxe avant de finalement le disqualifier. Ce n’est qu’à ce moment-là que son adversaire, en même temps qu’une équipe médicale, peut se précipiter à son secours.
Bien que le public, de même que de nombreux commentateurs, et jusqu’à Korda lui-même, mettent en avant la cruauté de la règle, Matsuoka n’estime pas avoir été victime d’injustice.
« Je pense que la règle est bonne, ils ne devraient pas y toucher. Avoir des crampes, c’est une chose…il faut vous entraîner et améliorer votre condition physique. Cramper, c’est autre chose que se déchirer un muscle. C’est juste une règle et je pense que je la trouve juste. »
La communauté médicale n’est pas de cet avis, avertissant sur le danger que pouvait représenter le fait de priver les joueurs d’une assistance médicale rapide.
Postérité du moment : des règles désormais différentes
Bien que Matsuoka se soit plié à la règle sans demander qu’elle soit modifiée, la règle relative aux crampes sera changée peu après ce premier tour de l’US Open gravé dans les mémoires. Les joueurs auront alors droit au même traitement pour les blessures et les crampes. Cependant, douze ans plus tard, en 2008, la règle sera à nouveau adaptée, afin d’empêcher les joueurs d’utiliser les temps médicaux à des fins stratégiques, et les joueurs ne pourront faire soigner leurs crampes que lors des changements de côté.