Le meilleur, c’est Sinner (même s’il n’est encore “que” numéro 2)
Après l’Open d’Australie et Rotterdam, Jannik Sinner s’est imposé à Miami ce dimanche en infligeant à Grigor Dimitrov (6-3, 6-1) un tarif presque aussi élevé qu’à Daniil Medvedev en demie. L’Italien est définitivement l’homme fort d’un premier trimestre désormais terminé.
6-1, 6-2 en 1h09 contre Daniil Medvedev en demie, 6-3, 6-1 en 1h13 contre Grigor Dimitrov en finale. On ne peut pas dire que Jannik Sinner ait fait beaucoup pour le spectacle en cette fin de semaine à Miami où il a transformé les blockbusters annoncés en one man show un peu insipides. Mais l’on n’ira surtout pas lui reprocher d’avoir su pratiquer un niveau de jeu d’une solidité quasi-inoxydable pour conquérir en Floride son deuxième Masters 1 000 personnel, après Toronto en août dernier.
Vainqueur par ailleurs de son premier Grand Chelem en début de saison à l’Open d’Australie, puis titré également à Rotterdam, l’Italien s’impose pour de bon comme l’homme fort de ce premier trimestre 2024. Il a désormais remporté 25 de ses 26 derniers matchs, avec pour seul accroc – très relatif – une défaite en demi-finale d’Indian Wells face à son rival Carlos Alcaraz, auquel il chipera par ailleurs lundi la place de numéro 2 mondial, tout en accentuant nettement son avance à la Race.
“J’ai vraiment très bien débuté la saison, je ne m’attendais pas à tout ça”, a commenté le vainqueur en conférence de presse. “C’est sûr que cela signifie beaucoup pour moi. Etre numéro 2 mondial, c’est un sentiment incroyable. Et par-dessus tout, j’ai livré deux grosses performances en demie et en finale. Aujourd’hui (dimanche), j’étais juste dans un très bon jour.”
C’est un euphémisme. Avec ce mélange de froideur et de puissance qui le caractérise, Sinner a méthodiquement démantibulé le tennis créatif de Grigor Dimitrov, assez loin du niveau affiché pour battre précédemment Carlos Alcaraz en quarts puis Alexander Zverev en demies. Le Bulgare, dont le tennis cristallin se joue décidément sur un fil prêt à rompre au moindre grain de sable, est un peu passé à côté de son sujet, comme il l’avait fait lors de sa dernière finale en Masters 1 000 en date, en novembre dernier à Bercy, contre Novak Djokovic. Mais que faire, il est vrai, face à un Sinner à ce niveau ?
Il y avait pourtant un peu de place en début de match puisque c’est bel et bien Dimitrov qui a obtenu la première balle de break de la partie, à 2-1, face à un Sinner encore en recherche de sa première balle de service. Il l’a manquée, en sortant de peu une accélération de coup droit décroisée somme toute jouable. Et il l’a vivement regretté puisqu’il s’est fait lui-même breaker dans la foulée et n’a plus eu, de son côté, la moindre opportunité du match.
Un match dans lequel les vases communicants auront tourné à plein régime. Mis en confiance par ce début de match disputé qui a tourné dans son sens, l’Italien s’est mis à jouer de mieux en mieux, à mesure que Dimitrov, lui, se mettait à coincer, de plus en plus largement au fil des jeux. Malgré le soutien du public et malgré quelques étincelles aussi somptueuses que sporadiques, le Bulgare s’est montré moins inspiré dans ses choix et moins précis que durant le reste de son tournoi.
En témoignent ces 23 fautes directes contre seulement 9 pour Sinner, véritable mur et affûté comme un avion de chasse, au point qu’on crut parfois voir en lui des réminiscences de Novak Djokovic. Notamment quand il frappa ce passing de revers long de ligne en bout de course, appuis ouverts et en glissant, pour s’adjuger le premier set sur un deuxième break.
Si Jannik construit d’habitude ses victoires en détruisant les défenses adverses, il a plutôt été cette fois un monstre de stabilité pour empêcher son adversaire de peindre ses chefs d’œuvre sur toile comme il en a l’habitude. Impérial derrière sa première balle (88% de points gagnés) et solide comme un roc en passing, il a souvent cueilli Dimitrov au filet (7/13) et l’a surtout empêché de monter plus que de raison.
Ce dernier y a un peu perdu son latin et s’est mis à cafouiller ses options tactiques. Son revers slicé, loué jusque là, était inhabituellement flottant et beaucoup moins efficace qu’il ne l’avait été contre Zverev et Alcaraz. C’est sans doute parce qu’il s’en est rendu compte que Dimitrov l’a beaucoup moins utilisé que lors de ses matches précédents (22% de slices contre 52% jusqu’à présent à Miami).
Sa dernière chance de salut est arrivée lorsqu’il a obtenu deux balles de 2-2 dans le deuxième set. Il a alors encaissé six points d’affilée, un nouveau break et un véritable KO technique. Les trois derniers jeux ne furent qu’une lente exécution entre un Grigor Dimitrov qui a rapidement baissé les bras et un Jannik Sinner qui n’a jamais tremblé au moment d’aller cueillir son Graal.
“Cela restera, globalement, un tournoi très positif pour moi”, voulait retenir le vaincu en conférence de presse. “Jannik a joué un tennis incroyable et c’est assez impressionnant de le voir évoluer à ce niveau. La prochaine fois, peut-être, j’essaierai autre chose. Mais aujourd’hui, je n’ai juste pas réussi à me hisser à son niveau. J’ai hâte, désormais, de passer à la terre battue.”
Là où je me suis le plus amélioré, c’est sur le plan physique. Quand vous vous savez capable de jouer à un certain niveau pendant des heures, ça aide.
Jannik Sinner
“”Là où je me suis le plus amélioré, c’est sur le plan physique”, a commenté pour sa part Sinner quand on lui a demandé ce qui faisait la différence entre le joueur déjà excellent qu’il était avant et le champion dominateur qu’il est désormais. “Quand vous vous savez capable de jouer à un certain niveau pendant des heures, ça aide. J’ai également progressé au service. Pouvoir se procurer des points gratuits après un long rallye, ça aussi, ça aide. Et puis, sur le plan tactique, j’ai appris à affronter certains types de joueur. Je dois tous ces progrès à mes coaches, Simone (Vagnozzi) et Darren (Cahill), qui font un travail incroyable avec moi. La combinaison des deux fonctionne parfaitement.”
Avec un 13ème titre ATP, Jannik Sinner assoit accessoirement encore un peu plus son statut de joueur italien le plus titré de l’ère Open. La seule question qui se pose désormais est : peut-il maintenir la même cadence sur terre battue, surface où il a été (un peu) moins bon qu’ailleurs jusqu’à présent ? Si oui, vu le nombre de points relativement faible qu’il aura à y défendre comparativement à ses rivaux, alors la place de numéro 1 mondial pourrait ne plus être qu’une question de semaines. Surtout si Novak Djokovic ne reprend pas le fil d’une domination interrompue lors d’un premier trimestre 2024 qui aura décidément changé la face du tennis mondial.