Malade et finalement vainqueur : Rublev, le survivant
Au bout d’un tournoi marqué par une casse physique générale et d’une finale à suspense, Andrey Rublev est sorti vainqueur à Madrid en terrassant Felix Auger-Aliassime (4-6, 7-5, 7-5 en 2h47). Le Russe, lui-même malade pendant le tournoi, conquiert ainsi son deuxième Masters 1 000.
Cette finale, qui n’avait cessé de monter en puissance au fil des jeux pour devenir franchement haletante dans le money time, ne méritait pas de s’achever ainsi. Felix Auger-Aliassime, pour sa bravoure et sa résistance aussi bien physique que morale tout au long d’une troisième set qu’il avait passé sur un fil, ne méritait pas de perdre ainsi. Mais puisque le tennis s’en fiche, c’est donc sur une vilaine et cruelle double faute que le Canadien a fini par céder et « offrir » à Andrey Rublev son deuxième sacre en Masters 1 000, 4-6, 7-5, 7-5 en 2h47, ce dimanche dans la Caja Magica.
Marqué, du moins chez les hommes, par une véritable déconfiture générale avec les blessures (notamment) de Jannik Sinner, Carlos Alcaraz, Daniil Medvedev ou encore Jiri Lehecka en demi-finale, ce tournoi de Madrid n’est donc pas resté maudit jusqu’au bout. Comme les femmes la veille avec cette superbe empoignade de 3h11 entre Iga Swiatek et Aryna Sabalenka, Andrey Rublev et Felix Auger-Aliassime ont disputé à leur tour la plus longue finale masculine du tournoi, du moins depuis que celui-ci se joue sur terre battue (2009).
Ça n’en fit pas un monument pour autant, dans la mesure où elle n’a véritablement offert du spectacle qu’au dernier set. La « faute » à Rublev, qui a géré sa finale comme un coureur cycliste un col hors catégorie : il l’a commencé pianissimo pour la finir au sprint en danseuse, sans parvenir pour autant à décramponner un adversaire dans le rouge depuis un moment mais qui avait su déployer des trésors d’abnégation pour rester dans sa roue.
Jugez plutôt. Dans le troisième set, Felix Auger-Aliassime :
- A sauvé deux balles de 2-0, l’une d’un coup droit gagnant long de ligne à contre-pied, l’autre d’un ace.
- A sauvé deux balles de 3-1, l’une d’un ace, l’autre d’un service gagnant.
- Etait mené 0-30 à 2-3.
- A sauvé une balle de 5-3, d’un bon revers croisé à contre pied.
- Etait mené 15-30 à 5-4.
Et puis, le Canadien, au bord des crampes semble-t-il, a fini par lâcher et abandonner son rêve de conquérir son premier Masters 1 000. Rêve qui, pourtant, avait eu le temps de prendre corps dans son esprit, le temps d’un début de match survolé (4-1, 40-0) face à un Rublev fantomatique (deux doubles fautes pour commencer…), on point qu’on commençait même à se demander s’il n’était pas en proie à un problème de santé.
je n’étais pas loin du forfait car j’ai eu pas mal de problèmes que je ne parvenais pas à régler. Je dois beaucoup aux docteurs, ils sont magiques ici !
Andrey Rublev
“Si vous saviez ce par quoi je suis passé ces derniers jours, vous ne m’auriez pas imaginé vainqueur de ce tournoi”, a d’ailleurs confirmé après coup Rublev, qu’on a aussi vu faire appel au docteur à la fin du deuxième set, et que des rumeurs annonçaient fiévreux et proche du forfait, lui aussi, pendant le tournoi. “Effectivement, je n’étais pas loin car j’ai eu pas mal de problèmes que je ne parvenais pas à régler. Je dois beaucoup aux docteurs, ils sont magiques ! Ce sont les meilleurs de tout le circuit. Ils m’ont, au moins, permis de jouer. Je n’ai jamais vu ça de ma vie.”
Après tout, il n’aurait été qu’une victime de plus dans la longue liste des adversaires maraboutés par « FAA », qui, pour arriver en finale, avait bénéficié d’un forfait (Sinner), deux abandons (Mensik, Lehecka) et battu deux adversaires soit peu concerné (Mannarino), soit émoussé (Ruud). Le sort, cette fois encore, semblait devoir lui sourire avec une finale jouée, en raison de la pluie, dans ses conditions favorites, à savoir sous un toit fermé.
Mais Rublev a retrouvé in extremis la flamme. Il avait commencé à se refaire la cerise en fin de premier set, au point de s’offrir une balle de 5-5, avant de raccrocher les wagons au deuxième set grâce à une qualité de service et surtout de retour retrouvée. A partir de là, il fut de plus en plus dominateur sur le terrain et même si les difficultés à concrétiser cette domination lui causa des frayeurs superflues, sa victoire, au bout du compte, demeure logique.
Logique, il faut quand même l’écrire vite tant l’affiche de cette finale était l’une des plus improbables de toutes celles qu’on aurait pu imaginer, entre deux hommes dans le creux depuis quelques semaines en ce qui concerne Rublev, et depuis quelques mois en ce qui concerne Auger-Aliassime. Mais ce tournoi madrilène, qui a toujours su cultiver sa singularité, était cette fois décidé à frapper très fort en la matière.
Dans quelle mesure sera-t-il annonciateur de la suite de la saison sur terre battue, et notamment bien sûr de Roland-Garros ? Tout le mystère est là, à l’approche de Rome où l’on sait déjà que Jannik Sinner et Carlos Alcaraz manqueront à l’appel. Andrey Rublev, devenu le premier joueur des années 2020 à conquérir deux Masters 1 000 sur terre battue, s’est à tout le moins replacé comme un sérieux outsider, ce qu’il avait fini par ne plus devenir. Felix, lui, a enfin su renaître de ses cendres – il sera pour sa part de retour dans le top 20 – et ce n’est pas la moindre des bonnes nouvelles non plus.