Rafael Nadal : “Je ne mérite pas de finir comme ça”
Rafael Nadal se lance dans le dernier combat de sa carrière : réussir sa sortie en 2024.
Rafael Nadal lance peut-être le combat le plus difficile de sa carrière. Celui que peu de grands champions ont remporté avant lui en fait, pas même son illustre rival Roger Federer. Le dernier combat contre son corps d’athlète professionnel : celui pour être le maître de sa fin de carrière. Il l’a admis avec beaucoup de pragmatisme jeudi lors de cette conférence de presse où il a annoncé son forfait pour Roland-Garros. En étant contraint de renoncer à son antre, il a forcément dû admettre que c’était le signal de quelque chose d’autre : de sa fin de carrière. Nadal n’en est plus à penser à ce record de 22 Majeurs qu’il co-détient avec Novak Djokovic, mais à tout faire pour raccrocher selon ses souhaits et pas par obligation.
“Les quatre derniers mois ont été très difficiles parce qu’on ne trouve pas de solutions pour régler ce problème survenu en Australie. Alors je décide d’arrêter maintenant, sans savoir encore quand je remettrai un pied à l’entraînement. Je crois que c’est la meilleure chose à faire pour mon corps mais aussi pour ma joie dans la vie de tous les jours.”
Nadal aura 37 ans en juin : il a déjà repoussé toutes les limites de son corps pour tenir si longtemps malgré une liste de blessures aussi longue que son CV. On sentait bien ces dernières saisons que la machine était dans le rouge mais à chaque fois ça repartait pour un tour. La blessure à la hanche subie à Melbourne en janvier a cette fois suffisamment fait déborder le vase pour que tout le système se noie. Il n’y a pas plus dur au mal sur le circuit que Rafael Nadal alors pour qu’il décide de dire stop, c’est que cette fois on y est : l’heure de raccrocher la raquette approche.
Son corps n’en peut plus mais sa tête non plus : passer plus de temps aux soins que sur le court ou en famille, être incapable de jouer normalement, à un moment à son âge et avec sa carrière on se demande forcément pourquoi continuer. Nadal en est là. Mais il n’en reste pas moins un combattant alors il ne va pas raccrocher maintenant et ne va pas renoncer à finir sa carrière avec les honneurs dûs : il veut ce tour d’honneur que Federer n’a pas eu.
“Depuis la fin de la pandémie, mon corps n’a pas été capable d’assumer l’intensité des entraînements”
“Il me reste suffisamment de force pour dire que je ne mérite pas de finir comme ça. Retourner à un très haut niveau serait la satisfaction de finir de la manière que je désire. Je suis conscient qu’en ce moment ça n’est pas le cas mais également du fait que ça vaut le coup de faire encore un effort. C’est ma philosophie, je ne lâche rien et je vais continuer de me battre pour y arriver. Si le corps tient, alors je suis prêt à faire tous les efforts.”
Ce que cette dernière blessure a aussi mis à jour, c’est la lassitude. Depuis deux ans, Nadal serre les dents et aujourd’hui ça suffit. “J’ai eu de très bons résultats ces deux dernières années mais la réalité de la situation est aussi que je n’ai pas pour autant été capable de savourer mon travail au quotidien. Depuis la fin de la pandémie, mon corps n’a pas été capable d’assumer l’intensité des entraînements ni le travail journalier. Je ne prenais pas de plaisir à l’entraînement ni en compétition parce qu’il y avait trop de problèmes, trop de fois où je devais arrêter à cause de blessures. Trop de jours à m’entraîner avec trop de douleur.”
“Si j’insiste cette année alors je ne tiendrai pas jusqu’à l’an prochain”
Alors Nadal cette fois – une des rares fois ! – dit stop, que ça ne vaut plus le coup de se faire autant mal. Il arrête quelques mois maintenant afin de résoudre ces soucis de hanche et de se remettre d’aplomb pour la dernière ligne droite. Il n’a pas l’énergie pour faire les deux alors il a choisi. C’est la première fois que Nadal prononce les mots fin de carrière. Avec beaucoup de calme comme preuve que cela fait un moment qu’il y pense. Et il a bien l’intention, si son corps le permet, de soigner sa sortie.
“Ma motivation aujourd’hui tient dans mon désir de me donner une chance d’apprécier la saison prochaine, qui sera probablement ma dernière sur le circuit. Je veux pouvoir dire au revoir à tous les tournois qui ont été importants dans ma carrière et me faire plaisir sur le court en étant compétitif. C’est impossible aujourd’hui et je crois vraiment que si j’insiste cette année alors je ne tiendrai pas jusqu’à l’an prochain.” Nadal est sur un fil mais il n’a plus à prouver ses dons d’équilibriste, alors on est prêt à le croire et à visualiser cette tournée d’adieu en 2024, point final d’une carrière dantesque.
“J’ai besoin de comprendre pourquoi cette blessure ne guérit pas”
Le seul doute qui subsiste est accroché à ce psoas qui ne veut pas guérir. Parce qu’apparemment la solution n’a toujours pas été trouvée. Et ça dure quand même depuis janvier. “Il y a eu un moment où on n’a pris une mauvaise décision. J’ai besoin de comprendre pourquoi cette blessure ne guérit pas and pourquoi je ne peux pas reprendre une activité normale. Je pourrai donner le change mais on n’est pas en tournoi alors voilà la réalité : je ne vais pas bien. On s’est entraîné tous les jours mais je ne récupère pas.”
Voilà donc l’obstacle qui se tient entre Rafael Nadal et son scénario idéal de fin de carrière : cette dernière blessure qui vient le narguer comme ultime provocation, alors qu’il a pourtant su vaincre celles aux genoux, aux poignets et aux pieds qui semblaient sur le papier tellement plus graves. Les champions vivent pour des objectifs et Nadal en tient un dernier de taille : faire passer une dernière fois sa volonté avant sa souffrance physique. Federer s’est a priori remis de ne pas pouvoir saluer Wimbledon en tant que joueur une dernière fois. Mais pour Nadal, ne pas pouvoir revenir encore une fois à Roland-Garros… Cela semble à ce jour inimaginable pour lui, comme pour nous.