Interview exclusive avec Dominic Thiem : « Je veux revenir au top même si je sais que ça ne sera pas facile »
A l’occasion d’un long et exclusif échange par mail avec Tennis Majors, Dominic Thiem se confie sur son processus de come back au plus haut niveau. L’Autrichien, qui s’estime sur la bonne voie du renouveau, nous parle de nombreux autres sujets.
Pour l’ancien vainqueur de l’US Open, la route a été longue et sinueuse pour revenir dans le top 100. Dominic Thiem a fait son come back sur le circuit en mars 2022 après neuf mois d’arrêt en raison d’une grave blessure au poignet. L’Autrichien a même été évincé du top 300 en juillet dernier.
Après avoir terminé la saison 2022 sur une bonne note, Thiem a eu beaucoup de mal en ce début d’année. Mais petit à petit, il retrouve son jeu, ce qui lui a permis d’atteindre les quarts de finale à Estoril et Munich et même d’amener Stefanos Tsitsipas dans un tie-brak du troisième set à Madrid. Désormais de retour dans le top 100, l’ancien numéro 3 mondial a décidé de ne pas participer au Masters 1000 de Rome pour jouer le Challenger de Mauthausen, chez lui en Autriche, où il a remporté son premier tour ce mardi.
Dans une interview exclusive accordée à Tennis Majors, Thiem évoque sa saison, sa séparation avec son coach et ami Nicolas Massu, sa nouvelle équipe… Il confie aussi sa passion pour l’environnement et ses vœux pour la fin d’année.
Ces dernières semaines, vous avez atteint plusieurs quarts de finale et enfin enchaîné plusieurs victoires sur terre battue. A l'approche de Roland-Garros, comment vous sentez-vous ?
Dominic Thiem : Je me sens bien. Bien mieux qu’au début de la saison. Durant le dernier mois, j’ai mis une grande intensité pendant mes entraînements en passant au moins cinq heures par jour sur le court. Les derniers tournois m’ont permis de regagner de la confiance. Maintenant, il faut que je maintienne ce niveau d’exigence dans le travail pour continuer à progresser. Je veux revenir au top même si je sais que ce ne sera pas facile. Je vais tout donner pour y arriver.
Votre match contre Stefanos Tsitsipas à Madrid a été l’une de vos meilleures performances depuis un moment, malgré la défaite. Cela a dû vous donner beaucoup de confiance. Avec le recul, quels enseignements tirez-vous de ce match ?
Le match contre Tsitsipas a été vraiment bon, il m’a permis de réaliser que je pouvais de nouveau me mesurer aux meilleurs joueurs du monde. Mais j’ai quand même remarqué mes erreurs, notamment au retour. Je n’ai pas su non plus maintenir mon niveau durant le deuxième set. Évidemment, je suis déçu d’avoir perdu ce match mais dans l’ensemble, c’était une bonne performance. Je travaille dur pour gommer ces erreurs et je progresse chaque jour.
Après avoir beaucoup réfléchi, je me suis fixé un nouveau cap et la flamme pour le tennis est revenue.
Dominic Thiem
Quelle est la chose la plus importante que vous ayez apprise à votre sujet depuis que vous essayez de revenir à votre meilleur niveau depuis un an ?
J’ai appris que rien n’est facile. Pour réussir, il faut beaucoup de travail, de persévérance et de confiance en soi. Après avoir gagné l’US Open, j’ai perdu beaucoup de motivation car j’avais atteint l’objectif pour lequel je travaillais dur depuis 17 ans. Puis, je me suis blessé. Je suis sorti du top 3 et on ne me considérait plus comme l’un des meilleurs joueurs du monde. J’ai énormément chuté au classement.
Ce n’était pas trop frustrant pour vous de bien jouer mais de ne pas réussir à gagner des gros matches ou des titres ?
Honnêtement, au début de la saison 2023, mon corps et mon tennis n’étaient pas au niveau pour affronter les meilleurs joueurs. C’était très frustrant. Mais en ce moment, je progresse beaucoup et je dois continuer en ce sens.
Pour son âge, Alcaraz a des capacités impressionnantes. Je suis sûr qu’il va gagner d’autres tournois du Grand Chelem.
Dominic Thiem
Durant votre absence et depuis un an, trois jeunes ont énormément progressé et sont devenus des stars sur le circuit masculin – Carlos Alcaraz, Jannik Sinner et Holger Rune. Que pensez-vous d’eux et plus généralement de la nouvelle génération qui émerge dans le tennis ?
Ces trois joueurs sont incroyables, chacun dans un style différent et propre à lui. Alcaraz est exceptionnel en ce moment, il gagne beaucoup de matches et a même remporté son premier tournoi du Grand Chelem. À son âge, il a des capacités impressionnantes. Il réussit des coups magnifiques, se déplace vite et possède un mental solide. C’est aussi une bonne personne. Je suis sûr qu’il va gagner d’autres tournois du Grand Chelem.
Sinner est une personne fantastique, très sympa et calme. Je parle allemand avec lui car il a grandi près de la frontière autrichienne. C’est aussi un super joueur avec de grosses qualités athlétiques. Je pense qu’il sera au top pendant longtemps et qu’il a le potentiel pour gagner un Grand Chelem.
Rune aussi est très impressionnant. Je l’ai affronté à Monte Carlo. Il est très rapide et peut prendre des risques très vite dans l’échange pour casser votre rythme. Il a le potentiel pour être un des meilleurs joueurs ces prochaines années.
Vous êtes souvent décrit comme l’un des joueurs les plus sympas du circuit. Qui gagnerait entre vous, Andrey Rublev et Grigor Dimitrov dans un concours de la personne la plus sympathique ?
C’est une bonne question. Andrey et Grigor sont deux incroyables joueurs mais aussi des supers gars. J’adore passer du temps avec eux sur le circuit et à chaque fois, on rigole beaucoup. Je ne pense pas qu’il devrait y avoir de gagnant ou de perdant dans ce domaine.
J’ai changé l’intégralité de mon équipe car je sentais que j’avais besoin d’un nouvel apport.
Dominic Thiem
Ces dernières semaines, vous avez commencé à travailler avec un nouveau staff – nouveau coach, nouveau physio et nouvelle équipe de management. Pourquoi avez-vous pris cette décision de tout changer ?
J’ai changé l’intégralité de mon équipe car je sentais que j’avais besoin d’un nouvel apport. C’était très difficile pour moi de me séparer de Nicolas Massu car il n’était pas qu’un entraîneur pour moi, c’était aussi un bon ami. On a passé énormément de temps ensemble, connu beaucoup de succès et même gagné l’US Open. Malgré la séparation, on tenait à rester amis (Dominic s’entraîne désormais avec le Français Benjamin Ebrahimzadeh, Ndlr).
Redbull m’a aidé à trouver un nouveau physio, Mathis Kapl. Il est jeune, talentueux, motivé mais surtout très sympa. Mon frère Moritz a pris la relève dans le management. Il avait déjà travaillé avec moi pendant trois ans, en gérant toutes mes affaires, et a aussi été tennisman professionnel pendant dix ans. Il a construit une très bonne équipe qui me permet de me concentrer seulement sur le tennis. C’est pour cela que le prendre comme manager était la meilleure solution.
Vous avez parlé de votre perte de motivation après avoir gagné l’US Open. Est-ce que vous êtes encore plus surpris par la motivation de légendes comme Roger Federer, Rafael Nadal, Novak Djokovic et Serena Williams qui ont gagné plus de 20 tournois du Grand Chelem ?
Comme je l’ai dit plus tôt, j’avais perdu mon envie après avoir gagné l’US Open car c’est ce pourquoi j’avais travaillé pendant des années entières. Pour moi, Serena et le Big Three sont incroyables. Gagner tous ces tournois pendant autant de temps et autant de fois, c’est juste hallucinant. Tout le monde sait que ce sont les plus grands joueurs de tous les temps, peut-être même les plus grands sportifs de tous les temps.
Récemment, vous vous êtes mis à travailler avec un psychologue du sport. Comment cela vous a aidé ? Pensez-vous que les jeunes joueurs devraient utiliser ce type d’aide et cela même avant d’atteindre le top niveau ?
Cela dépend vraiment de chacun ; certains vont se sentir mieux s’ils travaillent sur leur mental alors que d’autres n’en ont pas vraiment besoin. Chacun doit trouver sa façon de travailler, celle qui lui correspond le mieux. Certains jeunes joueurs pourraient vraiment progresser grâce à l’aide d’un psychologue. Mais, je le répète, des joueurs n’en ont pas du tout besoin.
Vous avez récemment lancé Thiem View, votre propre marque de lunettes. Vous pouvez nous en dire plus sur cette entreprise et pourquoi vous vous êtes lancé ?
Thiem View est un projet génial. Il nous a fallu plus d’un an pour être prêts. J’ai toujours été fan de lunettes de soleil et je suis aussi très sensible à la cause environnementale. Je tenais donc vraiment à lancer une marque de lunettes de soleil 100 % durable et maintenant, c’est fait : 90 % de mes lunettes sont biodégradables après 180 jours, c’est fantastique.
Les lunettes portent le nom de mon plus grand trophée, l’US Open, avec la date ( le 14.09.2020). La monture représente le cordage de la raquette avec laquelle j’ai remporté la balle de match en finale. J’adore leur apparence. Mes designers ont fait un incroyable travail. Elles sont disponibles en ligne et on livre dans le monde entier.
Mon sport n’est pas très écologique. C’est pour cela qu’il est très important pour moi d’aider la planète.
Dominic Thiem
Vous êtes très sensible à la cause environnementale. Quels changements préconiseriez-vous afin que le circuit professionnel soit plus écoresponsable ?
Mes plus grandes passions sont notre planète et ses océans. C’est incroyable à quel point la Terre est magnifique. C’est horrible pour moi de voir ce qu’il se passe de nos jours. Il faut que ça change. Je veux que les futures générations puissent bénéficier d’une planète en bon état, qui leur procurent un foyer aussi agréable que celui que j’ai eu. Bien sûr, mon sport n’est pas très écologique car je dois souvent prendre l’avion. C’est pour cela qu’il est très important pour moi d’aider la planète.
Le circuit est en train de changer pour le mieux en ce moment. La plupart des tournois n’autorisent plus les bouteilles en plastique mais ce n’est pas assez. Plein de petites choses peuvent être encore changées ou améliorées. Malgré tout, je vois beaucoup de progrès et cela me rend heureux. Maintenant, il faut aller plus loin afin que nous devenions un modèle pour les autres sports.
Quelle est la chose la plus difficile à affronter sur le circuit quand vous partez pendant de longues périodes ?
Le plus dur, c’est d’être loin de chez moi, ne pas souvent voir ma famille et mes amis. Les longues heures de trajet sont éprouvantes. Je préfère ne pas penser à la quantité d’heures que je passe dans l’avion. Mais cela fait partie de mon métier, et j’aime ce que je fais. Être professionnel, ce n’est pas toujours facile ni amusant, il y a de nombreuses difficultés et contrariétés.
Pour finir, nous sommes encore loin de la fin d'année mais quelle serait la liste que Dominic Thiem enverrait au Père Noël pour les prochaines Fêtes ?
Je souhaiterais que ma famille, mes amis et moi-même restions en bonne santé. J’aimerais aussi que notre planète aille mieux, que les gens pensent de manière plus écologique et que nous apprenions à tous vivre ensemble. Et la cerise sur le gâteau serait que je revienne au top, mais je ne pense pas que le Père Noël puisse m’aider pour ça. Je vais seulement devoir beaucoup travailler.”