Halep : « Prendre la balle plus tôt, c’est notre vision, avec Patrick »
Simona Halep a choisi Patrick Mouratoglou pour retrouver le chemin de la victoire en Grand Chelem et faire évoluer son jeu vers plus d’agressivité. Entretien exclusif.
Elle se situe à un mètre cinquante derrière la ligne, et les échanges s’enchaînent. Toujours le même schéma. Simona Halep met beaucoup d’intensité dans ses frappes. Elle cherche à gagner du terrain. Son sparring-partner Arnaud Restifo l’en empêche avec de longs coups recouverts les plus profonds possibles. A le moindre ouverture, Halep monte au filet. En un ou deux temps.
A l’arrière, Patrick Mouratoglou marche le buste droit. Il n’en rate pas une miette et suggère une correction de temps à autre. Nous sommes à six semaines de Roland-Garros, sur le court central de la Mouratoglou Academy, et la mission reconquête a déjà commencé pour Simona Halep, vainqueure à Paris en 2018 et décidée à revenir parmi les meilleures joueuses de tennis du monde.
La Roumaine a réservé à Tennis Majors ses premières déclarations après l’annonce de son association avec Mouratoglou, jeudi.
Elle mise beaucoup sur ce changement de structure, avec un double objectif : des titres et des évolutions dans son jeu. « J’ai demandé à travailler avec Patrick parce que je veux vraiment revoir au top. J’ai eu de la chance qu’il puisse être disponible. Je travaille tous les jours pour remporter un autre Grand Chelem. Je donnerai tout mon possible pour y parvenir. »
Je veux parvenir à prendre la belle plus tôt. Je veux pouvoir m’ouvrir le court mieux qu’auparavant.
Simona Halep
Attentive à l’évolution du jeu, Halep sait qu’elle possède l’un des meilleurs équilibres possibles entre attaque et défense sur le circuit, ce qui fait d’elle une grande joueuse de terre battue. Mais, désormais trentenaire, et alors que la puncheuse Iga Swiatek vient de prendre la tête du tennis féminin mondial, elle se veut désormais « un peu plus agressive » sur le terrain.
« Je veux parvenir à prendre la belle plus tôt. Je veux pouvoir m’ouvrir le court mieux qu’auparavant, utiliser de meilleurs angles. C’est notre travail en ce moment. Je veux aussi avoir un corps plus fort. C’est nécessaire si je veux jouer le plus proche possible de la ligne. Prendre la balle plus tôt, c’est notre vision avec Patrick. »
Halep rêve d’un Grand Chelem en carrière
Vainqueure de Roland-Garros et Wimbledon, Halep n’a « aucune limite » dans son ambition, pour reprendre les termes de son entraîneur. « Les titres du Grand Chelem sont plus importants que la place de numéro un », précise celle qui a su se hisser jusque là entre 2017 et 2019.
Il ne faut pas la provoquer très longtemps pour comprendre qu’un Grand Chelem en carrière, avec au moins un titre à l’Open d’Australie et à l’US Open, constitue un moteur de sa relance. Mais sa réponse enseigne qu’elle se voit encore comme une spécialiste de terre battue qui a besoin de se convaincre de sa légitimité sur surfaces rapides.
« J’adore la terre battue, rappelle Halep. Ça se voit à mon palmarès, avec beaucoup de titres sur cette surface (7 sur 23, dont deux fois Madrid et une fois Rome) et un titre à Paris (en 2018). Je ne m’attendais pas à gagner Wimbledon (en 2019, ndlr). La surface est super rapide et il faut un grand service pour gagner Wimbledon, ce qui n’est pas mon cas. Mais il se trouve que ma confiance était au plus haut cette année-là et que j’ai réussi. Sur dur, j’ai déjà gagné, y compris quelques grands titres (10 sur 23, ndlr, dont deux fois au Canada et une fois Indian Wells). Mais jamais de Grand Chelem. J’ai besoin de quelque chose en plus et j’espère le trouver auprès de Patrick, il peut m’y aider. »
Halep a tout changé à ses habitudes
Simona Halep a presque tout changé à ses habitudes pour avancer dans sa quête. Elle n’avait jamais mis les pieds dans une académie quand Darren Cahill, son ancien coach et ami, lui a recommandé de séjourner à la Mouratoglou Academy. Un mois et demi après sa première apparition, elle a aménagé à Nice et a rebâti son équipe autour du manager français. « Mon équipe est composée de Virginia Ruzici, ma conseillère depuis seize ans, Arnaud Restifo, mon sparring, mon réparateur physique Teo Cercel. Je voudrais ajouter un physio à l’équipe. Il viendra peut-être de l’académie. »
Simona Halep espère être à 100% de ses moyens physiques lors du tournoi de Madrid, du 26 avril au 8 mai, après avoir dû jouer Indian Wells jusqu’aux demi-finales avec divers pépins physiques, ceux qui l’ont empêché de disputer Miami. L’un de ces problèmes musculaires n’était pas totalement résorbé quand elle a repris la raquette. Halep se sent en-deça de son meilleur niveau mais reconnaît que la saison 2022 est jusqu’ici plutôt encourageante au regard d’un exercice 2021 pollué par une déchirure au mollet gauche de des enjeux personnels lourds. « La pire année de la vie », souffle-t-elle.
Ma confiance augmente, mais j’ai besoin de m’entraîner davantage pour me sentir très compétitive.
Simona Halep
« En arrivant en Australie en janvier, ma confiance était au plus bas, raconte Halep, qui a joué 19 matchs pour 15 victoires. Gagner le tournoi de préparation m’a aidé à me sentir mieux. J’ai quelques bonnes victoires cette année, contre Jabeur notamment (à Dubai), la première Top 10 que j’ai jouée. C’est plutôt pas mal et ma confiance augmente, mais j’ai besoin de m’entraîner davantage pour me sentir très compétitive. »
Les trois titres remportés à Doha, Indian Wells et Miami par Iga Swiatek font que la vacances du pouvoir n’aura pas lieu au sommet de la WTA après la retraite surprise d’Ash Barty. « Personne ne dominera plus comme Serena l’a fait dans le passé, répond Halep. J’ai toujours estimé que chaque joueuse pouvait gagner chaque tournoi et je considère le circuit comme très ouvert. »
Si Halep n’envisage pas de devenir la nouvelle Serena, elle constate que « Serena a été meilleure que dans le passé quand elle a travaillé avec Patrick » et que « cela l’a placé dans l’élite des entraîneurs ». « Je ne le connaissais pas vraiment avant cette année, reprend-elle. J’ai trouvé quelqu’un d’accessible, ce qui est très important pour moi qui suis introvertie. Il se fait comprendre en peu de mots mais ses demandes sont très précises. Cela convient à ma personnalité. » Mouratoglou a coaché Serena pendant dix de ses vingt-trois Grands Chelems. Elle avait plus de trente ans pour chacun d’eux. L’âge de Simona Halep.