Arthur Cazaux : et si c’était lui, l’élu du tennis français ?
A 21 ans, Arthur Cazaux a signé une entrée magistrale dans le grand monde du tennis en terrassant Holger Rune au 2ème tour de l’Open d’Australie. Une victoire qui semble davantage ressembler à un acte fondateur qu’à un exploit sans lendemain pour le jeune Français.
Des mois que le tennis français ne jurait que par Ugo Humbert, Arthur Fils ou Luca Van Assche, désignés comme les seuls dépositaires de son avenir, même si c’est un vétéran (Adrian Mannarino) qui en est toujours le fer de lance pour le moment. Mais lui, on l’avait un peu oublié. Sinon négligé. Qu’à cela ne tienne : Arthur Cazaux, 122eme mondial, est entré à son tour avec fracas par la grande porte du tennis mondial en terrassant Holger Rune (N°8) ce jeudi à l’Open d’Australie, où il s’est qualifié pour un troisième tour inespéré avant le tournoi.
On pourra toujours chipoter en relevant les soucis physiques du Danois, soigné au genou durant le troisième set et plusieurs fois massé à la cuisse. Possible, oui, que Rune n’était pas complètement à son “prime”. Mais ça, c’est l’histoire du tennis. Nous, ce qu’on a surtout vu, c’est la manière autoritaire dont le Montpelliérain a mené son exploit, sans jamais donner l’impression de surjouer, ni de paniquer, et encore moins – c’est le plus important – de douter de sa capacité à créer l’exploit.
“Ce match, je l’ai gagné avec ma tête, avec mon mental, avec ma condition physique”, a-t-il déclaré en conférence de presse. “Je savais que j’étais capable de jouer à ce niveau. Cela fait des mois que je m’entraîne très dur. Pendant la pré-saison (à Dubai, Ndlr), j’ai fait de belles sessions avec Fils, Kotov, Dimitrov, Murray… Je savais que j’étais capable de rivaliser avec ce type de joueurs, mais je ne l’avais encore jamais prouvé en match. Je suis heureux de l’avoir fait.”
Les suiveurs les plus chevronnés du tennis tricolore étaient quand même au parfum du talent particulier de ce joueur qui a toujours plus ou moins fait partie des meilleurs Français chez les jeunes, qui a été finaliste de l’Open d’Australie juniors 2020 contre Harold Mayot (né comme lui en 2002) et qui avait, ne l’oublions pas, battu Sebastian Korda aux qualifications du Masters 1 000 de Madrid en 2021.
C’est juste que son ascension avait été freinée par une invraisemblable collection de blessures : fracture au coude fin 2016, fracture au pied fin 2018, pubalgie entre 2021 et 2022, multiples tendinites et déchirures musculaires… Celui qui s’entraîne désormais avec Stéphane Huet pourrait faire des études de médecine tant il est rompu aux différentes pathologies du corps humain.
Face à un tel acharnement du mauvais sort, il aurait pu se laisser abattre. Mais Arthur n’a jamais quitté son rêve des yeux. Et, au final, a choisi d’en faire une force. “J’ai eu un parcours difficile, mais j’ai une vie de dingue, je ne suis pas à plaindre », a-t-il par ailleurs déclaré. “Mes blessures ont forgé le caractère qui est le mien, celui d’un combattant et d’un guerrier. Sans elles, je ne serais pas aussi fort que maintenant.”
Mes blessures ont forgé mon caractère, celui d’un combattant et d’un guerrier. Sans elles, je ne serais pas aussi fort.
Arthur Cazaux
Aujourd’hui, le Montpelliérain semble avoir mangé son pain noir. Voilà un an et demi que les soucis physiques le laissent enfin en paix et évidemment, cela change tout. Dans l’ombre du star system, il connaît depuis une progression exponentielle qui l’ont porté jusqu’au seuil du top 100 après son succès au Challenger de Nouméa, juste avant Melbourne. Restait juste à saisir une grande occasion pour éclater en pleine lumière. C’est chose faite.
Si son allure nous évoque un peu celle d’un Sébastien Grosjean, avec sa casquette à l’envers flottant sur ses cheveux bruns et ses coups de fouet en coup droit, son parcours ici, toutes proportions (encore) gardées, rappelle celui d’un Jo-Wilfried Tsonga en 2008. Comme lui, “Jo” avait été un grand espoir avant d’être meurtri par les blessures. Comme lui, enfin guéri, il avait brutalement éclos parmi les meilleurs à Melbourne, jusqu’à effectuer le parcours que l’on sait, battu en finale par Novak Djokovic.
Ne nous faites pas dire ce que l’on n’a pas écrit : Arthur Cazaux n’en est pas là, évidemment. Il part d’ailleurs de beaucoup plus loin que Tsonga qui, à l’époque, était déjà dans le top 50 et avait atteint au préalable une deuxième semaine en Grand Chelem, à Wimbledon, en 2007. Arthur, lui, n’avait remporté qu’un petit match dans sa carrière sur le circuit principal avant son succès face à Laslo Djere au premier tour. Il ne doit sa présence ici, rappelons-le, qu’à une wild card.
Reste, on l’a vu, qu’il n’arrive pas de nulle part non plus. L’avenir le dira mais son exploit du jour, par la manière dont il l’a forgé, puis accueilli sans s’enflammer, semble avoir davantage des allures d’acte fondateur que de succès sans lendemain. Tennistiquement, en tout cas, le garçon au diamant vissé à l’oreille a un bagage bien épais, comme l’avait d’ailleurs souligné Rune, qui avait déjà été sa victime à plusieurs reprises chez les juniors, et qui se souvenait d’un joueur “sans réelle faiblesse”. Bien vu.
Capable de décocher des coups gagnants aussi bien en revers qu’en coup droit, Arthur possède, malgré sa taille modeste (1,83 m), un service dévastateur, grâce à sa vitesse de bras et sa laxité d’épaule, fruit de ses années de handballeur dans sa jeunesse. Physiquement, il est aussi explosif qu’endurant, comme en attestent ses tests physiques paraît-il impressionnants. Bref, l’éventail n’est pas loin d’être complet, même s’il lui faudra sans doute gagner encore en puissance et, bien sûr, en expérience.
De toutes façons, même avec un an de plus, on ne bat pas Holger Rune et aussi Carlos Alcaraz chez les juniors sans posséder un petit quelque chose. La trajectoire d’Arthur Cazaux a ensuite été plus compliquée, certes. Mais lui ne s’en est jamais formalisé : “J’ai souvent entendu que si on n’est pas top 200 à 20 ans, on n’y arrivera jamais. Mais ça ne veut rien dire”, confiait-il il y a un an à la FFT. “Chacun va à son rythme. Si je ne suis pas là où je veux être à 20 ans, alors j’y serai peut-être à 30. Et si je n’y suis jamais, je n’aurais rien à me reprocher parce que je me donne à fond tous les jours.”
Il aura l’occasion de se rapprocher encore un peu plus de là où il veut être, samedi, s’il confirme son exploit face à Tallon Griekspoor, le tombeur (tiens, tiens) d’Arthur Fils. Avec à l’horizon un éventuel huitième de finale contre Ugo Humbert. Tiens, tiens…