Coup droit, physique, mental… : Gauff-Sabalenka, on a lancé le match
Avant la finale dames de l’US Open entre Aryna Sabalenka et Coco Gauff, ce samedi (22 h), nous avons passé au crible, et au comparatif, différents secteurs du jeu pour chacune des deux joueuses. A vous d’en tirer vos propres conclusions…
C’est la finale “idéale”, en tout cas la plus attendue entre les deux joueuses les plus en forme du moment. Evidemment, la (future-ex) numéro 1 mondiale Iga Swiatek n’aurait pas dépareillé dans le paysage de la finale, mais la présence de Coco Gauff à sa place fait tout sauf tâche : la jeune Américaine, récemment titrée à Cincinnati, est clairement l’une des meilleures joueuses du moment.
Peut-être même la meilleure, on le verra. Mais pas la numéro 1, en tout cas. Gauff aura face à elle celle qui deviendra lundi la 29e joueuse à occuper la place suprême du classement mondial, Aryna Sabalenka. Et même si la Biélorusse a connu un enchaînement Montréal/Cincinnati un peu en dessous de ses standards, sur l’ensemble de la saison, c’est archi-mérité, voire incontestable.
Voilà donc une finale qui s’annonce alléchante, avec aussi quelques enjeux historiques. Gauff (19 ans), déjà finaliste à Roland-Garros en 2022, peut devenir la cinquième teenager à gagner l’US Open au XXIe siècle, après Kuznetsova (2004), Sharapova (2006), Andreescu (2019) et Raducanu (2021). Sabalenka, qui a remporté son premier Majeur cette année à l’Open d’Australie, peut elle devenir la première à rafler les deux Grands Chelems sur dur la même saison depuis Angelique Kerber en 2016.
Cette finale, surtout, semble très ouverte sur le papier. Le sera-t-elle sur le terrain ? Pour tenter d’y voir plus clair, nous avons lancé le match par le biais d’un comparatif, secteur par secteur, entre les deux joueuses. Libre à vous d’en faire l’interprétation que vous souhaitez.
SERVICE
Avantage Sabalenka. La Biélorusse sert un peu plus fort (122 mph en “pointe” dans cet US Open, contre 120 pour Gauff), a réussi plus d’aces durant sa quinzaine (32 à 24) et présente un meilleur pourcentage de points derrière sa première (74% contre 70%). Bien sûr, il y a ces fameuses doubles fautes qui resurgissent ça et là, parfois quand il ne faut pas (23 au total du tournoi). Mais mine de rien, Gauff en a commis presque autant (21).
L’Américaine est très performante dans ce secteur du jeu mais Sabalenka reste un ton au-dessus. Elle est probablement, avec Elena Rybakina, la meilleure serveuse du monde actuellement.
RETOUR
Avantage Gauff. Dans cet US Open, l’Américaine est la joueuse qui a remporté le plus de points sur premières balles adverses (114, contre 97 à Sabalenka), mais aussi sur deuxièmes balles (105, contre 88). Elle est aussi la joueuse qui a converti le plus de balles de break (31, contre 27 à Sabalenka).
Gauff a cette capacité à faire jouer que ne possède pas (autant) Sabalenka, laquelle se retrouve plus facilement à la merci de la qualité du service adverse.
COUP DROIT
Avantage Sabalenka. Dans le jeu, c’est certainement le point fort de la Biélorusse, capable de décocher des points gagnants dans toutes les positions. Son coup droit, extrêmement puissant, est plus adapté au dur que celui de Coco Gauff, davantage typée “terre battue” avec sa prise extrêmement fermée et ses trajectoires plus bombées.
L’Américaine est capable de faire mal aussi avec son coup droit, mais elle peut également se montrer plus fébrile quand on l’agresse de ce côté ou, on l’a vu à la fin de sa demi-finale contre Karolina Muchova, dans les moments de très fortes tensions.
REVERS
Avantage Gauff. Là, on est plutôt dans le registre de Gauff qui est à la fois extrêmement sûre et percutante de ce côté. Sa rapidité est telle qu’elle est quasiment toujours suffisamment bien campée sur ses appuis pour recouvrir son revers à deux mains, quitte à négliger trop souvent l’option “chipée”, ce qui est peut-être son seul péché mignon de ce côté.
En face, Aryna Sabalenka joue son revers comme son coup droit : tout en puissance, en cherchant le K. O. quasiment à chaque coup. Avec un taux de déchets un peu plus important, et également un manque de variété.
MENTAL
Egalité. Elles ont toutes deux en elles ce mélange de force et de fragilité qui les rend parfois difficiles à cerner, et peut occasionner quelques trous d’air durant leurs matches. Si Coco Gauff semble programmée pour gagner et prendre la relève de Serena Williams, elle a révélé, avec une étonnante sincérité, ne s’être pas toujours sentie à la hauteur de telles attentes et même avoir parfois souffert du syndrome de l’imposteur. Mais elle se soigne, dit-elle, et se sent désormais “fin prête”.
Du côté de Sabalenka, on a beaucoup glosé sur son extrême émotivité qui lui a provoqué, par le passé, des crises de doubles fautes proches de la crise de panique. On a pu aussi la prendre en flagrant délit de “refus d’obstacle” lors des demi-finales de Roland-Garros et de Wimbledon.
Mais comme Coco, au final, elle a trouvé les ressources pour travailler sur elle-même et la manière dont elle a surmonté une situation compromise en demies contre Madison Keys (0-6, 7-6, 7-6) en dit long sur le chemin parcouru : c’était seulement la troisième fois, dans l’ère Open, qu’une joueuse remportait une demi-finale de Grand Chelem après avoir perdu le premier set 6-0.
PHYSIQUE
Avantage Gauff. Puissance, vitesse, endurance, tonicité… Coco Gauff est une véritable athlète au sens propre du terme, elle qui était une coureuse de 400 m dans sa jeunesse. Elle en a gardé des qualités de pied assez phénoménales qui lui permettent aujourd’hui de disposer de la meilleure couverture de terrain du monde, avec Iga Swiatek. Son rallye de 40 coups de raquette remporté à la fin de sa demie contre Karolina Muchova a tout dit : elle l’a finie toute pimpante, quand la Tchèque était exténuée.
En termes de puissance, Aryna Sabalenla n’a évidemment rien à lui envier. En terme de rapport endurance/vitesse, on demande à voir. Coco semble offrir plus de garanties.
TOUCHER
Avantage Gauff. Léger avantage, car ce n’est pas leur point fort ni à l’une, ni à l’autre. Mais parce qu’elle est plus souvent en défense, un peu moins puissante aussi, l’Américaine est davantage obligée de “manœuvrer”. Peut-être sous l’impulsion de Brad Gilbert, on l’a vu aussi “chiper” un peu plus durant cet US Open, y compris côté coup droit. Et également réussir une amortie de coup droit sublime qui lui a offert une balle de match contre Muchova.
Il peut arriver aussi à Sabalenka, ici ou là, de tenter une amortie ou de venir finir un point filet. Mais globalement, elle s’embarrasse rarement de fioritures : elle n’en a pas besoin.
FORME DU MOMENT
Avantage Sabalenka. Si l’on ne prend en compte que les dernières semaines, le “momentum” serait plutôt du côté de Gauff qui reste sur une série de 11 victoires et a, plus largement, remporté 17 de ses 18 derniers matches. Mais si l’on prend en compte l’ensemble de la saison ou si l’on se focalise sur leur seul parcours à l’US Open, la balance penche clairement en faveur de Sabalenka : la Biélorusse a remporté 23 de ses 26 matches joués en Grand Chelem en 2023. Il faut remonter à Serena Williams en 2016 pour trouver aussi bien.
Idem pour les face-à-face : Gauff mène certes 3-2 en ayant, d’ailleurs, remporté face à Sabalenka la plus longue victoire de sa jeune carrière (3h11), l’an dernier à Toronto. Mais Sabalenka a remporté la dernière confrontation, et sèchement, cette année à Indian Wells (6-4, 6-0).
BILAN
La lecture crue du bilan fait apparaître un léger avantage pour Coco Gauff, qui s’impose 4-3 à ce petit jeu des comparatifs. Mais en vérité, le bilan est tellement serré qu’il est bien difficile d’en tirer une réelle conclusion, d’autant qu’un match de tennis est bien plus complexe qu’une addition des coups les uns face aux autres.
Et puis, il manque ici une donnée essentielle : la manière dont les deux joueuses aborderont émotionnellement ce rendez-vous. Ça, on ne le saura véritablement qu’à partir de 22h, ce samedi…