Au Masters (et ailleurs), le débat sur les balles s’intensifie : “Depuis le Covid, elles sont toutes nulles !”

A l’image de Daniil Medvedev ce mardi après sa victoire face à Alex de Minaur au Masters, de plus en plus de joueurs déplorent la qualité décroissante des balles sur le circuit. Le problème semble profond.

Daniil Medvedev ATP Finals 2024 préparation service concentration © Chryslene Caillaud / Panoramic

C’est une habitude, presque une routine : chaque tournoi qui débute s’accompagne d’un débat sur la nature des conditions de jeu, souvent assez différentes selon le ressenti des uns et des autres, selon aussi sa destinée dans le tournoi en question. Mais il y a un sujet sur lequel tous les joueurs de tennis professionnels semblent désormais unanimes : celui des balles, dont la qualité aurait drastiquement baissé ces dernières années, plus précisément depuis la crise sanitaire du Covid en 2020.

Alexander Zverev, très sensible à la question en sa qualité de membre du Conseil des joueurs, a mis une pièce dans le juke-box lundi après son succès pour son premier match de poule du Masters face à Andrey Rublev : “Depuis le Covid, les entreprises ont essayé de réduire les coûts et utilisent désormais un matériau en caoutchouc différent, qui maintient moins bien l’air à l’intérieur de la balle. Résultat : les balles sont entre 30 et 60 % plus lentes qu’avant la pandémie, mais aussi de plus mauvaise qualité. Elles ne sont plus aussi constantes et ne durent plus aussi longtemps.”

Le sujet n’est certes pas nouveau, mais il semble s’intensifier au fil des mois pour arriver à une sorte de paroxysme de circonstance à l’occasion de ce Masters de Turin, où même Casper Ruud, d’ordinaire l’un des plus mesurés sur ce point, a reconnu la détérioration de son outil de travail. Et quand il y a un sujet qui fâche, il ne faut généralement pas titiller trop longtemps Daniil Medvedev qui, après s’être relancé dans ces ATP Finals en dominant Alex de Minaur ce mardi, a pris la balle au bond pour dire à son tour tout le mal qu’il en pense.

“Pas mal de joueurs disent que les balles ont baissé en qualité depuis le Covid, c’est un peu mon sentiment aussi”, a-t-il ainsi confirmé. “En 2022, j’ai vécu ma pire année et j’ai fini par opter pour un cordage plus souple afin de faire voyager la balle plus vite dans l’air. Parce qu’on en était arrivé à un point où j’avais l’impression tout simplement de ne plus pouvoir réussir le moindre coup gagnant. Cela a bien marché.”

avant, l’une de mes forces était ma capacité à rester dans l’échange plus longtemps que mes adversaires. Maintenant, avec ces balles, tout le monde peut le faire.

Cela a bien marché, mais le Russe en a profité pour révéler qu’il avait de nouveau changé cette saison… pour finalement faire marche arrière entre son premier match du Masters perdu contre Fritz et ce deuxième gagné contre de Minaur : “Normalement, on ne fait pas ce genre de changement pendant un tournoi mais, depuis que j’ai perdu mon premier match, je suis en quelque sorte déjà tourné vers la prochaine saison”, a-t-il justifié. “J’ai considéré que j’avais deux matches pour faire mes tests, peu importe que je les gagne ou que je les perde. Malheureusement pour Alex, ça a marché et j’ai beaucoup mieux joué aujourd’hui…”

Les changements à répétition auxquels se livre Medvedev montrent à quel point la baisse semble-t-il avérée de la qualité des balles perturbe les sensations des joueurs. Plus inquiétant encore, elle serait en train de modifier sensiblement la manière dont se joue le tennis. Et ce toujours dans le même (mauvais) sens, c’est-à-dire au détriment des “artistes” et au bénéfice des joueurs plus puissants, plus physiques, on n’ose écrire (mais on le pense un peu) plus “bourrins” ; bref, au bénéfice encore et toujours d’une certaine homogénéisation du jeu.

“Le problème est que les balles aujourd’hui, quelles que soit leur marque, “meurent” dans l’air”, étaye encore le numéro 4 mondial. “Des joueurs comme Alcaraz, Sinner ou même Zverev ont cette capacité à attaquer une balle sans vie donc ils s’en sortent bien. Moi, j’ai plus de mal. Avant, même en retournant à cinq mètres de ma ligne, j’arrivais quand même à frapper des coups gagnants. Maintenant, j’ai le sentiment que la balle s’arrête et que l’adversaire a plus de temps pour m’attaquer. Une autre de mes forces était ma capacité à rester dans l’échange plus longtemps que mes adversaires. Maintenant, avec ces balles, tout le monde peut le faire. C’est dur. Je ne m’en sors pas si mal, mais j’ai l’impression qu’on me prive d’une de mes forces. C’est un peu un désavantage pour moi.”

De la même manière que Daniil, Richard Gasquet avait lui aussi, l’an dernier en marge de l’Open 13, tiré la sonnette d’alarme sur les “balles de supermarché” (sic) que le circuit propose aujourd’hui. Et l’on finit par avoir en effet le désagréable sentiment que ce sont toujours les même profils qui souffrent de la piètre qualité “balistique” : des joueurs qui basent davantage l’efficience de leurs coups sur la technique et le sens du timing, plutôt que sur la force brute.

Là où, avant, il me fallait deux ou trois coups droits pour faire le point, désormais, il m’en faut cinq ou six. C’est plus compliqué, et beaucoup plus physique.

Nous en avions récemment discuté, dans le cadre du Challenger d’Orléans, avec Tristan Lamasine, dont le physique relativement fluet (1,83m, 69 kg) a beaucoup souffert de la révolution des balles post-Covid puisqu’il est désormais 441è mondial à seulement 31 ans, alors qu’il était dans le top 200 en 2015.

“A mes débuts sur le circuit, on distinguait vraiment les différents types de balles, celles qui étaient plus vives, celles qui prenaient mieux les effets, etc. Depuis le Covid, elles sont toutes nulles, au moins tous les joueurs sont d’accord là-dessus !”, raconte celui qui a aussi fait office de sparring-partner pour l’équipe de France de Billie Jean King Cup. “Le seul point positif, c’est qu’on peut frapper, ça reste dans le court. Mais pour des joueurs pas très costauds comme moi, c’est un désavantage. Normalement, la balle, je la fais avancer avec du spin mais le spin ne prend plus comme avant. Donc c’est plus compliqué de faire mal au joueur en face. Là où, avant, il me fallait deux ou trois coups droits pour faire le point, désormais, il m’en faut cinq ou six. C’est plus compliqué, et beaucoup plus physique.”

L’enjeu va d’ailleurs au-delà du simple constat technique, il est quasiment devenu une question de santé publique pour les joueurs, comme le dit Alexander Zverev pour conclure : “Le problème maintenant avec les balles, ce n’est pas qu’elles gonflent, c’est que la pression de l’air baisse de manière drastique, et très rapidement. C’est pour cela que beaucoup de joueurs ont des soucis de coude ou de poignet. C’était beaucoup moins le cas il y a quinze ans. Il va falloir vraiment se pencher sur la question.”

Cela semble en effet en passe de devenir l’une des priorités les plus brûlantes pour les décideurs du tennis mondial et pour les manufacturiers, qui ne sauraient ignorer plus longtemps le problème.

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