16 décembre 1990 : le jour où Pete Sampras a encaissé ce qui était alors le plus grand prize money de tous les temps
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Aujourd’hui, nous retournons en 1990 pour voir comment Pete Sampras a battu Brad Gilbert en finale de la toute nouvelle Coupe du Grand Chelem, à Munich, pour gagner la coquette somme de 2 millions de dollars, un record à l’époque.
Ce qu’il s’est passé ce jour-là : Pete Sampras remporte 2 millions de dollars, un record
Ce jour-là, le 16 décembre 1990, Pete Sampras, 19 ans, récemment devenu le plus jeune vainqueur de l’US Open de tous les temps, termine l’année en beauté en battant l’expérimenté Brad Gilbert en finale de la Coupe du Grand Chelem (6-3, 6-4, 6-2). En remportant ce titre, le jeune Américain gagne pas moins de 2 millions de dollars, ce qui, à l’époque, est la plus gros somme d’argent jamais reçue par un joueur de tennis en un seul tournoi.
Les personnages : Pete Sampras et Brad Gilbert
- Pete Sampras, l’étoile montante
Pete Sampras est né en 1971. Bien qu’il fasse partie de la génération dorée américaine, avec Agassi, Chang et Courier, il est le dernier d’entre eux à atteindre le plus haut niveau. Fin 1989, alors que ses rivaux ont tous déjà remporté des titres et réalisé des performances remarquables en Grand Chelem, Sampras n’est que 81e mondial. En novembre de la même année, Ivan Lendl, alors numéro 1 mondial, l’invite chez lui pour s’entraîner avec lui pendant dix jours : le jeune Américain réalise alors l’investissement nécessaire pour devenir un champion. Six mois plus tard, il entre dans le top 20 après avoir remporté ses deux premiers titres à Philadelphie et à Manchester. En septembre 1990, alors qu’il est 12e mondial, il crée l’une des plus grandes surprises de l’histoire de l’US Open, en réalisant un match parfait pour écraser Andre Agassi en finale (6-4, 6-3, 6-2). Le Californien est le plus jeune joueur masculin à avoir jamais remporté le tournoi, un record détenu auparavant par John McEnroe, et en décembre, il est numéro 5 mondial.
- Brad Gilbert, 10e mondial
L’Américain Brad Gilbert est né en 1961. Il passe pro en 1982, et remporte quelques mois plus tard à Taipei son premier titre (aux dépens de Craig Wittus, 6-1, 6-4). Contrairement à la plupart des joueurs de son temps, Gilbert ne dispose pas de grands coups d’attaque, et l’essentiel de son jeu repose sur son sens tactique. Bien qu’il ait réussi à se hisser à la 4e place mondiale au début 1990, après avoir gagné cinq tournois en 1989, ses meilleurs résultats en Grand Chelem restent deux quarts de finale, à l’US Open 1987 (battu par Jimmy Connors, 4-6 6-3 6-4 6-0) et à Wimbledon 1990 (battu par Boris Becker, 6-4 6-4 6-1). Brad Gilbert a également obtenu une médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Séoul, après avoir été éliminé en demi-finale par son compatriote Tim Mayotte (6-4 6-4 6-3). En septembre 1990, il remporte le 20e titre de sa carrière, à Brisbane, en battant Aaron Krickstein en finale (6-3, 6-1), et au mois de décembre, il pointe au 10e rang mondial.
Le lieu : Munich
La Coupe du Grand Chelem a été créée en 1990 par l’ITF pour concurrencer le Masters de fin d’année organisé par l’ATP. Les 16 joueurs ayant obtenu les meilleurs résultats dans les tournois du Grand Chelem de l’année en cours sont qualifiés, et, alors que les deux premiers tours se jouent en deux sets gagnants, les demi-finales et la finale se disputent au meilleur des cinq manches. La Coupe du Grand Chelem est un tournoi controversé. Distribuant des prix plus élevés que n’importe quel autre tournoi de tennis au monde, il n’octroie en revanche pas de points ATP. De plus, il a lieu au mois de décembre, alors que les joueurs ont une longue saison derrière eux.
L’histoire : Le beurre et l’argent du beurre pour Sampras
La finale de la première édition de la Coupe du Grand Chelem, l’événement de fin d’année créé par la Fédération Internationale de Tennis, mettait en scène Pete Sampras et Brad Gilbert. Pour les deux joueurs, à Munich, la route vers la finale a été plutôt mouvementée. Le Californien de 19 ans, qui a récemment triomphé à l’US Open, s’est fait deux frayeurs consécutives lors des premiers tours, contre Andrei Cherkasov (5-7, 6-2, 7-5) puis contre Goran Ivanisevic (7-6, 6-7, 8-6), mais a facilement remporté sa demi-finale contre Michael Chang (6-3, 6-4, 6-2). Gilbert, quant à lui, a dû livrer un combat très tendu en cinq sets en demi-finale pour éliminer David Wheaton (3-6, 6-3, 7-6, 2-6, 6-4) après que les joueurs ont failli en venir aux mains lors d’un changement de côté, à la fin du troisième set. D’après Gilbert, cité par le New York Times, « c’était dans le feu de l’action et il y avait beaucoup d’argent en jeu ».
On peut comprendre la remarque de Gilbert : aucun autre tournoi n’a encore jamais offert de sommes comparables à celles distribuées par la Coupe du Grand Chelem. Au total, 6 millions de dollars sont distribués à 16 joueurs, dont 2 millions pour le vainqueur et 1 million pour le finaliste. En comparaison, Sampras, lorsqu’il a remporté l’US Open trois mois plus tôt, n’a empoché “que” 350 000 dollars.
Mais si en demi-finale, Gilbert a montré qu’il pouvait repousser ses limites avec autant d’argent en jeu, cette fois, même l’idée de gagner un million de dollars supplémentaire ne lui est d’aucune aide face à un Sampras survolté. Sur une surface très rapide, le vainqueur de l’US Open déroule une performance incroyable : avec 16 aces et 12 services gagnants, il n’a qu’une balle de break à effacer dans tout le match. Si on y ajoute 14 coups droits gagnants, on obtient un cocktail indigeste pour Gilbert, qui a été balayé du court (6-3, 6-4, 6-2).
“À partir du milieu du deuxième set, je me suis senti totalement désemparé”, déclare Gilbert, selon le New York Times. “Il servait très bien, ce qui lui donnait la possibilité de me breaker, et il me surclassait aussi en fond de court. Quand j’ai vu cela, j’ai su que j’allais avoir beaucoup de problèmes.”
Sampras se montre évidemment ravi de sa performance.
“J’ai ressenti la même chose que lorsque j’ai battu Agassi à l’U.S. Open, à savoir que tout ce que je frappais se transformait en or”, affirme Sampras. “J’étais aussi confiant qu’à l’U.S. Open”.
Le jeune Américain, qui n’était classé que 81e mondial douze mois auparavant, encaisse au passage 2 millions de dollars, soit la plus grosse somme jamais remportée dans un tournoi par un joueur de tennis. Cependant, la somme d’argent presque indécente qu’il vient d’empocher ne semble pas lui monter la tête.
“C’est la raison pour laquelle Becker, Edberg et Lendl ont tant d’argent et qu’ils cherchent toujours à être numéro 1 mondial et à gagner des Grands Chelems. Il y a de bien meilleurs objectifs, bien plus nobles, que de simplement gagner beaucoup d’argent.”
La postérité du moment : Sampras deviendra une légende
En 1991 et 1992, Sampras connaîtra plusieurs grandes déceptions, comme la perte de ses deux matchs en finale de la Coupe Davis 1991 (contre les Français Henri Leconte et Guy Forget) et une défaite cruelle contre Stefan Edberg en finale de l’US Open 1992 (3-6, 6-4, 7-6, 6-2). En 1993, il deviendra numéro un mondial, triomphant à la fois à Wimbledon et à l’US Open. Ce sera le début d’une domination de six ans sur le circuit. Seul joueur de l’histoire du tennis à terminer six années consécutives à la première place mondiale, Sampras remportera 14 titres du Grand Chelem, un record absolu à l’époque, que Federer dépassera en 2009.
Brad Gilbert déclinera lentement au début des années 1990, et deviendra ensuite célèbre en tant qu’entraîneur en amenant Andre Agassi à la première place mondiale. Il écrira également un livre, Winning Ugly, où il expliquera sa vision du jeu. Une fois sa carrière de coach terminée, Brad Gilbert deviendra commentateur sportif pour la télévision.
La controversée Coupe du Grand Chelem survivra jusqu’en 1999, et en 2000, elle fusionnera avec le Masters pour constituer une seule grande épreuve de fin d’année