15 décembre 1990 : Le jour où Brad Gilbert a failli en venir aux mains avec David Wheaton
Le 15 décembre 1990, en demi-finale de la première édition de la Coupe du Grand Chelem, Brad Gilbert s’impose en cinq manches face à David Wheaton (3-6, 6-3, 7-6, 2-6, 6-4), après que les joueurs ont failli en venir aux mains lors d’un changement de côté, à la fin du troisième set.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Brad Gilbert en finale de la Coupe du Grand Chelem
Ce jour-là, le 15 décembre 1990, en demi-finale de la première édition de la Coupe du Grand Chelem, Brad Gilbert s’impose en cinq manches face à David Wheaton (3-6, 6-3, 7-6, 2-6, 6-4), après que les joueurs ont failli en venir aux mains lors d’un changement de côté, à la fin du troisième set. La dispute avait éclaté après un overrule de l’arbitre sur un point important, et avait dérapé lorsque le frère de Wheaton s’était mis à hurler sur Gilbert. « C’était dans le feu de l’action et il y avait beaucoup d’argent en jeu », expliquera ensuite Gilbert au New York Times, faisant référence aux sommes astronomiques versées aux joueurs par la nouvelle Coupe du Grand Chelem, tout juste créée pour concurrencer le Masters.
Les acteurs : Brad Gilbert et David Wheaton
• Brad Gilbert, médaillé de bronze aux JO
L’Américain Brad Gilbert est né en 1961. Il passe pro en 1982, et remporte quelques mois plus tard à Taipei son premier titre (aux dépens de Craig Wittus, 6-1, 6-4). Contrairement à la plupart des joueurs de son temps, Gilbert ne dispose pas de grands coups d’attaque, et l’essentiel de son jeu repose sur son sens tactique.
Bien qu’il ait réussi à se hisser à la 4e place mondiale au début 1990, après avoir gagné cinq tournois en 1989, ses meilleurs résultats en Grand Chelem restent deux quarts de finale, à l’US Open 1987 (battu par Jimmy Connors, 4-6, 6-3, 6-4, 6-0) et à Wimbledon 1990 (battu par Boris Becker, 6-4, 6-4, 6-1). Il ne fera jamais mieux.
Brad Gilbert a également obtenu une médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Séoul, après avoir été éliminé en demi-finale par son compatriote Tim Mayotte (6-4, 6-4, 6-3). En septembre 1990, il remporte le 20e titre de sa carrière, à Brisbane, en battant Aaron Krickstein en finale (6-3, 6-1), et au mois de décembre, il pointe au 10e rang mondial.
• David Wheaton, installé dans le Top 30 mondial
David Wheaton, né en 1969 et connu pour jouer avec des bandanas aux couleurs du drapeau américain, a été numéro un mondial chez les juniors, après sa victoire à l’US Open 1987. Après une année à Stanford, au cours de laquelle il remporte le Championnat Universitaire, il passe pro en 1988. Serveur-volleyeur classique, il intègre le top 100 en 1989.
En 1990, il remporte son premier titre (en battant Mark Kaplan en finale du Championnat Américain sur terre battue, 6-4, 6-4), mais il atteint aussi les quarts de finale de l’US Open (battu par John McEnroe, 6-1, 6-4, 6-4). Le voilà 27e mondial.
Le lieu : Munich (Allemagne)
La Coupe du Grand Chelem a été créée en 1990 par l’ITF pour concurrencer le Masters de fin d’année organisé par l’ATP. Les seize joueurs ayant obtenu les meilleurs résultats dans les tournois du Grand Chelem de l’année en cours sont qualifiés, et, alors que les deux premiers tours se jouent en deux sets gagnants, les demi-finales et la finale se disputent au meilleur des cinq manches.
La Coupe du Grand Chelem est un tournoi controversé. Distribuant des prix plus élevés que n’importe quel autre tournoi de tennis au monde, il n’octroie en revanche pas de points ATP. De plus, il a lieu au mois de décembre, alors que les joueurs ont une longue saison derrière eux. Le tournoi se déroule à Munich, en Allemagne, sur surface rapide en indoor.
L’histoire : La dispute Gilbert-Wheaton
Avant de s’affronter en demi-finale de la Coupe du Grand Chelem, Brad Gilbert et David Wheaton se sont déjà rencontrés à trois reprises, et Gilbert l’a emporté à chaque fois, même lors de leur mémorable huitième de finale de Wimbledon (6-7, 3-6, 6-1, 6-4, 13-11). Cependant, cette fois, l’enjeu est différent. La toute nouvelle Coupe du Grand Chelem est très lucrative (2 millions de dollars pour le vainqueur !), ce qui fait de cette demi-finale, selon les termes de Gilbert lui-même, « un match à un million de dollars ».
Wheaton remporte le premier set, Gilbert le deuxième. Le troisième sert est si accroché que les joueurs se retrouvent à 6-6 au tie-break, et c’est à ce moment-là que le match de tennis va presque se transformer en combat de boxe. La volée de Gilbert est annoncée faute par le juge de ligne, mais alors qu’il s’apprête à contester, l’arbitre de chaise, Stephen Winyard inverse la décision et lui accorde le point. Dans son livre, Winning Ugly, Gilbert livre sa propre version des faits.
« À présent, l’enfer se déchaîne. Wheaton crie son désarroi à Winyard. Et il a tout à fait le droit d’être hystérique. C’est une mauvaise décision que d’overruler sur une balle aussi litigieuse, surtout à un moment aussi important. (…) Wheaton hurle que l’annonce ne peut pas être inversée, que le juge de ligne est mieux placé, que l’arbitre est en train de ruiner le match ! Il est fou de rage. (…) Je le comprends.”
Wheaton hurle que l’annonce ne peut pas être inversée, que le juge de ligne est mieux placé, que l’arbitre est en train de ruiner le match !
Brad Gilbert, dans son livre “Winning Ugly”
Malgré l’accès de rage de Wheaton, et malgré les hurlements de son frère dans les tribunes, le point est acquis à Gilbert. Furieux, Wheaton écarte la balle de set à l’aide d’un ace, mais à 7-7, il commet une double faute, et Gilbert conclut le set au point suivant.
Lorsque Gilbert parvient à sa chaise au changement de côté, le frère de Wheaton lui crie : « Je vais te botter le cul, Gilbert ! ». Gilbert se plaint à l’arbitre, mais lorsqu’il passe devant Wheaton pour reprendre le jeu, celui-ci lui adresse des mots qu’il décrira comme « impossibles à imprimer ». Revenons à l’histoire racontée par Gilbert.
« On aurait dit l’une de ses disputes de cour de récréation où tout le monde s’envoie des insultes. (…) Wheaton me pousse, je le repousse. Nous sommes nez à nez, à nous crier dessus. C’est un véritable zoo. »
Finalement, un autre arbitre, le Français Bruno Rebeuh, s’interpose entre les joueurs pour mettre fin à ce cirque. Le jeu reprend, et, bien que Wheaton reprenne suffisamment ses esprits pour gagner le quatrième set, Gilbert s’impose au bout du compte, 6-4 au dernier set.
« Il s’est mis chouiner et à se plaindre et il a obtenu ce qu’il voulait comme un gamin », dira plus tard Wheaton à propos de Gilbert», selon le New York Times. « Il s’est approché de moi et est entré dans mon espace personnel. J’aurais été assez content s’il avait porté le premier coup. »
La postérité du moment : Brad Gilbert stoppé par Pete Sampras en finale
Épuisé par cette demi-finale archi-tendue, Brad Gilbert sera facilement battu en finale par Pete Sampras (6-3, 6-4, 6-2). Brad Gilbert déclinera lentement au début des années 1990, et deviendra ensuite célèbre en tant qu’entraineur en amenant Andre Agassi à la première place mondiale. Il écrira également un livre, Winning Ugly, où il expliquera sa vision du jeu. Une fois sa carrière de coach terminée, Brad Gilbert deviendra commentateur sportif pour la télévision. Il suit toujours l’actualité de tennis de très près et il est l’un des influenceurs les plus présents sur Twitter.
David Wheaton connaîtra sa meilleure saison en 1991. Cette année-là, il atteindra les demi-finales de Wimbledon (éliminé par Boris Becker, 6-4, 7-6, 7-5), se hissant ainsi à la 14e place mondiale, et pour conclure l’année, il remportera la Coupe du Grand Chelem (aux dépens de Michael Chang, 7-5, 6-2, 6-4), une victoire qui lui rapportera à elle seule la moitié de tous ses gains en carrière. Souvent blessé, Wheaton se maintiendra dans le top 50 jusqu’en 1997, mais en 6 rencontres, il ne battra jamais Brad Gilbert.
La controversée Coupe du Grand Chelem survivra jusqu’en 1999, et en 2000, elle fusionnera avec le Masters pour constituer une seule grande épreuve de fin d’année.
Monsieur Djokovlc mérite respect et admiration.