8 novembre 1976 : le jour où Gottfried von Cramm, la première légende du tennis allemand, est mort dans un accident de voiture à l’âge de 76 ans

Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Aujourd’hui, nous retournons en 1976 pour rendre hommage à Gottfried von Cramm, l’un des joueurs les plus emblématiques de l’époque des gentlemen, un joueur allemand dont la carrière et la vie ont été brutalement marquées par le pouvoir nazi.

Gottfried Von Cram Wimbledon Gottfried Von Cram Wimbledon

CE QUI S’EST PASSÉ CE JOUR-LÀ : Gottfried von Cramm trouve la mort dans un accident de voiture

Ce jour-là, le 8 novembre 1976, le baron Gottfried von Cramm, double champion de Roland-Garros, meurt dans un accident de voiture en Égypte, près du Caire. L’Allemand, en plus de ses titres du Grand Chelem, était célèbre pour son attitude de gentleman sur le court, mais il était également connu pour avoir joué l’un des plus grands matchs de tennis de l’avant-guerre, contre Donald Budge, en demi-finale de la Coupe Davis 1937. Enfin, sa carrière et sa vie ont été marquées par les persécutions nazies.

Le personnage : Gottfried von Cramm

  • Gottfried von Cramm, première star allemande du tennis et aristocrate emblématique

 Gottfried von Cramm, dont le nom complet est Baron Gottfried Alexander Maximilian Walter Kurt von Cramm, est né en 1909 en Basse-Saxe. Il obtient ses premiers résultats tennistiques notables en 1932, en remportant les championnats d’Allemagne, mais sa célébrité dépasse bientôt les frontières de son pays – et son style marque autant les esprits que ses performances sportives. Décrit par un article de Sports Illustrated de 1993 comme « la figure la plus fringante que le tennis ait jamais connue », Bud Collins écrit quant à lui dans son Histoire du tennis que « si un joueur a jamais été le prince charmant du tennis, c’est bien Gottfried von Cramm, un baron de la noblesse allemande d’un mètre quatre-vingts aux cheveux blonds, aux yeux verts et au magnétisme qui le faisait dominer toute scène à laquelle il prenait part ». 

Von Cramm, qui remporte les Championnats d’Allemagne quatre fois d’affilée (1932-1935), gagne son premier titre majeur à Roland-Garros, en 1934 (en battant John Crawford en finale, 6-4, 7-9, 3-6, 7-5, 6-3), et, s’il parvient à décrocher un second titre à Paris en 1936, il n’a pas la même chance à Wimbledon, où il perd trois finales consécutives. En 1935 et 1936, c’est la légende britannique Fred Perry qui l’empêche de soulever le trophée, à chaque fois en trois sets, et en 1937, il est battu par Don Budge (6-3, 6-4, 6-2). 

Von Cramm réalise tous ces exploits en faisant preuve d’un fair-play irréprochable. Lors de la finale de la Coupe Dais de 1935, une compétition que l’Allemagne n’avait encore jamais gagnée, il est associé à Kai Lund lors d’un double potentiellement décisif. Alors qu’il y a balle de match pour les Allemands, Von Cramm et Lund essaient tous deux de rattraper une balle qui arrive au milieu du terrain, mais alors que Lund réussit une volée gagnante, Von Cramm dit à l’arbitre, qui leur a déjà accordé la victoire, qu’il a en fait touché la balle avec sa raquette et que le point revient à l’équipe américaine. Malheureusement, ce geste si sportif lui coûte par la suite le match, finalement remporté par les États-Unis.

« Lorsque j’ai choisi le tennis dans ma jeunesse », explique le baron à son capitaine furieux « c’était parce que c’était un jeu de gentleman, et c’est ainsi que je l’ai pratiqué depuis que j’ai pris en main ma première raquette. »

Le match de Coupe Davis de 1937 contre Don Budge (les ennuis commencent)

En 1937, en demi-finale de la Coupe Davis, Gottfried von Cramm dispute l’un des plus grands matchs de l’histoire du tennis, contre son principal rival, Don Budge, qui l’avait démoli quelques semaines plus tôt en finale de Wimbledon. Les deux hommes s’affrontent dans le cinquième match décisif, et il est très probable que, juste avant le début du match, von Cramm ait reçu un appel téléphonique d’Adolf Hitler lui-même pour lui dire qu’il n’avait pas le droit à la défaite. Ce jour-là, la reine Mary se trouve dans les tribunes du Centre Court du All England Club, ainsi que l’ambassadeur nazi, Joachim von Ribbentrop. 

Malheureusement pour lui, von Cramm finit par perdre ce match, décrit à l’époque comme le plus beau match de tennis qui ait jamais été disputé. « Je jouais au tennis aussi bien que possible », écrira Budge plus tard, mais « moins je commettais d’erreurs, et moins il en commettait aussi ». L’Allemand mène deux sets à rien, et parvient même à se détacher 4-1 dans le cinquième set, mais Budge se surpasse pour finalement l’emporter, 6-8, 6-7, 6-4, 6-2, 8-6.

« Don, c’est absolument le plus beau match que j’ai joué dans ma vie », dit von Cramm à son adversaire lorsqu’ils se serrent la main.

Persécution par les nazis et guerre sur le front Est

Cependant, à la suite de cette défaite, les autorités nazies ne se montrent pas aussi fair-play que von Cramm. Le baron était sous haute surveillance depuis des années, car il était non seulement soupçonné d’être homosexuel, mais aussi parce qu’il avait refusé à plusieurs reprises d’adhérer au parti nazi. De plus, son amant présumé de l’époque était juif et on pensait qu’il avait quitté l’Allemagne avec l’aide financière de von Cramm. Au grand dam du monde entier, von Cramm est arrêté et envoyé prison, où il reste cinq mois. Son rival sportif, Don Budge, écrit une lettre à Hitler pour le faire libérer, en vain. 

Mais ses problèmes ne s’arrêtent pas à sa sortie de prison. En 1939, après avoir balayé un jeune joueur du nom de Bobby Riggs en finale du tournoi du Queen’s (6-0, 6-1), on lui interdit de participer à Wimbledon parce qu’il est un ancien détenu – tandis que le même Riggs remporte le tournoi. 

La Seconde Guerre mondiale débute peu après cet incident, et von Cramm est enrôlé dans l’armée allemande. Il participer même à la terrible bataille de Stalingrad – où son ancien adversaire de tennis Henner Henkel est tué – et il est décoré de la Croix de fer à son retour. 

L’après-guerre

Après la guerre, Gottfried von Cramm reconstruit le Rot-Weiss, son ancien club de tennis berlinois, qui avait été détruit en 1945. Il conitnue à jouer, remportant à nouveau les Championnat d’Allemagne en 1948 et 1949, et en 1951, il lance une entreprise florissante dans l’industrie textile. La même année, il revient à Wimbledon pour la première fois, mais, à l’âge de 42 ans, il attire davantage l’attention en raison de son mariage avec Barbara Hutton (connue à l’époque comme “la femme la plus riche du monde”) que par ses résultats (il est éliminé au premier tour, en trois sets, par Jaroslav Drobny).

Von Cramm passe beaucoup de temps en Égypte, au Caire, où il fait partie de la haute société. C’est là que, le 8 novembre 1976, la légende du tennis allemand trouve la mort dans un accident de voiture. 

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