“Ça fait partie du boulot de partager nos sensations” : Osaka ne crée par d’émules à Roland-Garros
De Nadal à Swiatek en passant par Goffin, Medvedev ou Barty, les joueuses et joueurs engagés à Roland-Garros ont répété que parler aux médias faisait partie de leur travail, quel que soit leur respect pour Naomi Osaka.
Sur terre battue, Naomi Osaka est encore loin de se sentir comme un poisson dans l’eau. Pourtant, à Roland-Garros, elle se veut telle la carpe : muette. Ce jeudi, la numéro 2 mondiale a annoncé son refus de participer à la moindre conférence de presse durant la quinzaine parisienne. Elle a ainsi maladroitement créé la première “histoire” du tournoi, dont elle est devenue le centre d’attention numéro un en voulant précisément l’éviter.
Évidemment, ce vendredi, les journalistes sont partis à la pêche aux déclarations. Lors du Media Day, le sujet a été évoqué avec quasiment toutes les joueuses et joueurs.
“Que pensez-vous de la décision de Naomi Osaka ?”
Bon camarades, aucun d’entre eux ne s’est permis de condamner la décision de la joueuse, comme avait pu le faire la veille le président de la FFT Gilles Moretton en soulignant “le mal” qu’elle “faisait au tennis”.
“Je comprends la décision de Naomi”, ont déclaré les joueurs en chœur à Roland-Garros ce vendredi, avant de commencer leurs réponses, avec la variante suivante : “C’est son choix et elle l’assume bien”.
Je n’ai jamais eu l’impression d’avoir eu à me justifier.
David Goffin
Le plus compréhensif vis-à-vis de la Japonaise aura été Gaël Monfils, lui qui avait fondu en larmes à Melbourne après son premier tour à l’Open d’Australie. Le Français s’est situé à équidistance de la numéro deux mondiale et des médias qui veulent entendre sa parole.
“Naomi est une grande championne. Ce que je vois, c’est une championne qui assume ses choix. Chaque décision que prend un champion est forcément contestée mais je ne me sens pas en situation de juger. Je comprends votre position, vous les journalistes, comme je comprends la sienne, et je n’ai pas grand chose à dire de plus.”
Sans faire d’inutiles vagues, la vingtaine de joueuses et joueurs invités se sont tous démarqués plus nettement du choix de la Nippone, en soulignant l’importance des médias dans le sport de haut niveau et la nécessité du lien à maintenir avec leurs suiveurs.
Le Belge David Goffin a résumé, avec un grand sourire, le sentiment général. “Il y a des moments où on n’a pas envie, quand on a perdu, et des moments sympa car on est contents d’avoir gagné. Je n’ai jamais eu l’impression d’avoir eu à me justifier. Moi je trouve que ça fait partie du boulot de partager nos sensations et je le fais avec grand plaisir.”
La dernière fois que Goffin avait pris la parole au même micro, en septembre 2020, après sa défaite au premier tour contre Jannik Sinner, il se trouvait dans un creux et avait très dignement assumé ses souffrances du moment.
Sans la presse, nous ne serions pas les sportifs que nous sommes
Rafael Nadal
Nadal avait donné le ton en début de journée. “En tant que sportifs, nous devons être prêts à accepter les questions et donner une réponse, a indiqué le maître des courts parisiens, Rafael Nadal. Je la (Naomi Osaka) comprends, mais sans la presse, sans ceux qui racontent nos accomplissements, nous ne serions pas les sportifs que nous sommes aujourd’hui. Nous n’aurions pas cette reconnaissance à travers le monde et ne serions pas aussi populaires.”
Souvent bavarde et souriante, Ashleigh Barty n’a pas non plus cherché à noyer le poisson.
“De mon point de vue, la presse fait partie du boulot, a expliqué la numéro 1 mondiale. Nous avons signé aussi pour ça en devenant professionnelles. Parfois, oui, les conférences de presse peuvent être difficiles, mais ce n’est pas non plus quelque chose qui me perturbe. Je n’ai jamais eu de problèmes pour répondre aux questions et être honnête avec vous. Ce que je peux lire ou entendre ne m’empêche pas de dormir la nuit. J’essaie de prendre les conférences avec le sourire pour passer du bon temps avec vous. Mais je ne peux pas commenter ce que Naomi ressent et traverse.”
Même tonalité, sans réserve, pour Iga Świątek. La Polonaise et tenante du titre, plus jeune qu’Osaka, a rappelé le rôle de lien que la presse joue entre les joueurs et le public.
“C’est très important parce les gens ne peuvent pas savoir ce que nous traversons sur le court, c’est bien d’en parler”. Świątek a bien noté qu’Osaka était très présente sur les réseaux sociaux. “Mais c’est bien d’utiliser les deux (les médias et les réseaux sociaux) pour faire comprendre ce que nous vivons, donner des explications, estime-t-elle. Il faut savoir garder de la distance par rapport à tout ça et être bien entourée, notamment pour se protéger d’une sorte de haine qu’on peut parfois recevoir.”
Je me sens parfois beaucoup mieux après vous avoir parlé, les gars.
Daniil Medvedev
A mesure que sa célébrité a augmenté, Daniil Medvedev a diminué son activité en ligne mais pas sa disponibilité pour les médias. “Il y a beaucoup de haine sur les réseaux sociaux”, a-t-il détaillé. Mais avec la presse, a-t-il développe, il n’a jamais ressenti le besoin de prendre du recul. “Oui, c’est parfois difficile de parler après une défaite, mais je n’ai jamais eu de problème avec vous.”
S’agissant de confiance à parfaire sur terre battue, Medvedev sait de quoi il parle. Pas au point d’être aligné avec la Japonaise.
“Je gagne très peu de match sur terre battue, et ça peut me rendre fou, a-t-il reconnu. Mais jamais un journaliste ne m’a dit : ‘Tu ne devrais pas faire ci, ou ça.’ Heureusement, ça me rendrait dingue. Ça, vous ne pouvez pas me le dire. Je n’ai aucun problème avec les journalistes. J’essaie de toujours venir en conf’, que je sois de bonne ou mauvaise humeur. Et quand je suis de mauvaise humeur, il m’arrive même de me sentir beaucoup mieux après vous avoir parlé.”
Parfois agité du bocal sur le court, le Moscovite a trouvé le moyen de calmer ses nerfs avec les micros. Dans la foulée d’une éventuelle défaite frustrante, Naomi Osaka devra elle trouver une autre solution pour se sentir à nouveau fraîche comme un gardon.