Moutet, maître du service à la cuillère : “Non, mon but premier n’est pas de rendre fou l’adversaire”
Après sa qualifications pour son premier huitième de finale à Roland-Garros, Corentin Moutet a salué l’importance du public et parlé de son style de jeu.
D’après les études météorologiques menées par moi-même, il existe un micro-climat à Roland-Garros. Très local. Malgré la météo frisquette, dès lors qu’un français est sur le court, l’atmosphère se réchauffe. D’autant plus quand l’étincelle Corentin Moutet embrase le public.
Après avoir mis le feu au court Simonne-Mathieu où il avait pris ses quartiers pour les deux premiers tours, le Tricolore a fait entrer le Suzanne-Lenglen en éruption. Programmation qui n’était d’ailleurs pas prévue ainsi originellement. Censé jouer sur le même terrain que ses matchs précédents, Moutet a été déplacé sur le Lenglen en raison de la pluie.
Sous le toit, au fil de ses inspirations géniales, ses variations, il s’est imposé 3-6, 6-4, 6-4, 6-1 en propageant sa folie dans le public. Une foule très respectueuse – malgré les critiques des derniers jours – qui a aussi enchanté Sebastian Ofner, tout sourire jusqu’en fin de duel. En scandant même le nom de l’Autrichien lorsque celui-ci, après de beaux points, a interagi avec les tribunes en déployant ses bras.
L’ambiance était incroyable, c’est (le public) précieux dans les moments difficiles.
Corentin Moutet
Mais, évidemment, le public a poussé pour le natif de Neuilly-sur-Seine. Et ce dernier en a eu grand besoin : il a d’abord été mené 6-3, 4-2. Mais, son esprit combatif mêlé à la fougue de la foule, il a fait ce qu’il fallait pour empocher le deuxième set. Capital. Car Ofner sortait de deux rencontres en cinq manches, dont une de 4h13 la veille pour vaincre Sebastián Báez, 20e mondial, 3-6, 3-6, 6-4, 7-5, 7-6⁵, et allait avoir du mal à tenir la distance physiquement.
“L’ambiance était incroyable, c’était mon premier match sur le Suzanne-Lenglen”, a déclaré Moutet en conférence de Presse. “Ils (les fans) m’ont encouragé pendant tout le match. C’était précieux. Ça m’a aidé dans les moments difficiles. Le premier set a été compliqué, parce que je l’ai perdu alors que je jouais bien ; lui jouait de façon incroyable. J’ai dû rester concentré, et vraiment faire un bon match pour réussir à gagner. (…) Et respect à lui, parce que c’est très dur de faire un troisième tour après avoir joué les deux premiers en cinq sets. Il a tout donné.”
Avec son style de jeu, sa capacité à faire durer les échanges, ses amorties, le gaucher de 25 ans a su épuiser son opposant. Parfois même dès le service, qu’il a joué à la cuillère douze fois tout au long de la partie. “Quand je vois que mon adversaire est très loin de la ligne de fond, c’est une option”, a-t-il expliqué. “J’utilise mes qualités. Et je n’ai perdu qu’un point (trois en réalité), ça fait un bon pourcentage de réussite.”
Mon but premier ne sera pas de le (Jannik Sinner) rendre fou, mais de jouer mon jeu.
Corentin Moutet
En outre, cet engagement par en-dessous a la double vertu de répandre encore un peu plus le délire dans le stade et de pouvoir rendre fou l’adversaire. Néanmoins, ce n’est pas l’objectif recherché par l’actuel 79e joueur mondial, virtuellement 56e avec sa qualification pour les huitièmes de finale à “Roland”, soit à 6 rangs de son meilleur classement. Même pour éventuellement faire dérailler son futur adversaire, la terreur Jannik Sinner.
“Non, mon but premier n’est pas de rendre fou l’adversaire (rires), c’est de jouer mon jeu”, a-t-il répondu devant les journalistes. “Je ne l’ai jamais affronté (Jannik Sinner), et nous ne nous sommes jamais entraînés ensemble. Il est numéro 2 mondial, et peut-être le meilleur joueur du monde en ce moment. On verra comment ça se passe.”
Dimanche, après avoir mis les courts Simonne-Mathieu et Suzanne Lenglen en ébullition, Corentin Moutet devrait cette fois avoir droit aux honneurs du Philippe-Chatrier. Une marmite encore plus grande à chauffer, qu’il espère bien transformer en chaudron pour avoir une chance de venir à bout du sang froid à toute épreuve de l’Italien.