Après Madrid : 8 questions-clefs à trois semaines de Roland-Garros

Au lendemain du Masters 1000 et WTA 1000 de Madrid, la saison sur terre battue a d’ores et déjà délivré de précieux enseignements en vue de Roland-Garros, sans pour autant dévoiler tous ses secrets. Voici les huit questions que l’on se pose tous (plus ou moins) principalement, avant d’attaquer l’étape suivante, cette semaine, à Rome.

Madrid, 2021

Zverev s’est-il (re)positionné comme un gros outsider pour Roland-Garros ?

Oui. Le mot favori serait un peu fort, disons prématuré. Mais Zverev, vainqueur ce dimanche à Madrid du 15e titre de sa carrière en disposant de Matteo Berrettini,  a remis la machine en route au bon moment, alors qu’on commençait à l’oublier, sinon à l’enterrer un peu au sortir de deux derniers mois assez compliqués. Depuis mi-février, date de son précédent succès à Acapulco, Zverev n’avait gagné que deux matches en trois tournois, la faute aussi entre-temps à des douleurs au coude.

A Madrid, un terrain qu’il affectionne puisqu’il s’y était déjà imposé en 2018 (sans perdre un set), celui qui reste le membre le plus titré de la Next Gen a prouvé qu’une fois débarrassé de ses soucis d’ordre physique ou personnel, il redevenait l’un des tout meilleurs joueurs du monde. Coller deux petits sets à Rafael Nadal et Dominic Thiem dans un tournoi sur terre n’est pas à la portée du premier tennisman venu.

Alors bien sûr, on pourra objecter que l’Espagnol était un peu fatigué, que l’Autrichien était en reprise… Bien sûr, tout ne fut pas parfait pour l’Allemand qui s’est parfois mis en difficulté tout seul en finale. Bien sûr, on demande encore à voir. Mais à 24 ans, Zverev, désormais 5e à la Race, s’est clairement repositionné dans le bon peloton. 

Berrettini a-t-il intégré ce peloton des vainqueurs possibles à Paris aux côtés des Tsitsipas, Thiem ou Zverev ?

Non. L’Italien, dont le début de saison avait été gâché par une blessure aux abdominaux pendant l’Open d’Australie, s’est rappelé au bon souvenir du joueur du top 10 qu’il est, mais aussi à l’excellent terrien qu’il peut tout à fait être. Le colosse de Rome a beau s’appuyer sur une puissance qui semble plus compatible avec les surfaces rapides, n’oublions pas qu’il est Italien et que la terre battue coule donc dans ses veines. C’est d’ailleurs sur cette surface, où son « spin » effrayant de coup droit fait des ravages, qu’il a remporté trois de ses quatre titres, le dernier tout récemment, à Belgrade.

Bref, le marteau-pilon transalpin, auteur à Madrid de sa première finale en Masters 1000, fait incontestablement partie des joueurs qu’il vaudra mieux éviter à Paris et qui peuvent aller très loin, au même titre qu’un Casper Ruud, sa victime en demi-finale. De là à le voir gagner, même si rien n’est jamais à exclure, il y a une marge.

Berrettini, dont le potentiel paraît assez insondable comme nous l’expliquait son entraîneur Vincenze Santopadre dans une interview exclusive, a montré encore quelques scories dans son jeu quand la fatigue l’a rattrapé, au 3e set de la finale. Et à Paris, dans des conditions plus lentes qu’à Madrid, il pourra évidemment moins s’appuyer sur son énorme service.

Nadal est-il toujours autant favori de Roland-Garros ?

Oui. Et ce n’est certainement pas une défaite en quart de finale à Madrid face à Alexander Zverev qui doit lui ôter ce privilège, même si ce revers a quelques conséquences assez fâcheuses pour lui. Voilà seize ans qu’on cherche d’improbables poux à l’Espagnol avant chaque Roland-Garros, et voilà seize ans qu’il gagne – à peu près – à chaque fois. Bien sûr, un jour viendra où sa phénoménale autocratie prendra fin. Mais en attendant, rien ne permet réellement de dire que ce sera pour cette année. 

Cela fait longtemps que Nadal a passé l’âge de phagocyter les trois Masters 1000 préalables à Roland-Garros : la dernière fois qu’il l’a fait, c’était en 2010. Depuis, il lui arrive d’avoir des faux-pas par ci, par là et d’ailleurs souvent à Madrid où, on le sait, les conditions en altitude sont un peu plus pénibles pour lui. Cette année, il y a eu aussi une défaite en quarts à Monte Carlo face à Andreï Rublev mais l’Espagnol, cette fois, était en phase de reprise. Rien d’infâmant, donc.

Comme Rafa l’a dit lui-même, le bilan de sa première partie de saison sur terre battue reste positif. Il a obtenu ce qu’il recherchait, à savoir une montée en puissance globale de son jeu et un titre à Barcelone capital pour sa confiance. Son faux-pas contre Zverev, à défaut d’être attendu, n’est pas non plus illogique à un moment sans doute où il avait besoin de souffler. Si Nadal se manque à Rome, là on pourra le questionner. Mais pour l’instant…

La Next Gen a-t-elle enfin pris le pouvoir ?

Non. Pour ceux qui souhaitent ardemment du changement au sommet, il est tentant de le penser à s’accrochant à cette étonnante statistique : la finale des quatre derniers Masters 1000 – tournois qui étaient il n’y a pas si longtemps la chasse gardée absolue du Big Four – ont été disputés par des joueurs de 25 ans ou moins : Medvedev-Zverev à Paris, Hurkacz-Sinner à Miami, Tsitsipas-Rublev à Monte Carlo et donc Zverev-Berrettini à Madrid (Indian Wells ayant été annulé en raison de la pandémie). 

tsitsipas_barcelone_2021

Incontestablement, une brise légère de renouveau souffle sur les sommets du tennis mondial. Mais on ne peut pas non plus passer sous silence les absences de Roger Federer (qui n’a joué aucun de ces Masters 1000), de Novak Djokovic (qui n’en a joué qu’un) et de Rafael Nadal (deux). Et puis, on le sait tous : le seul et unique juge de paix, au bout du compte, ce sont les Grands Chelems. Et en Grand Chelem, pour l’instant, la Next Gen – dans laquelle on ne peut inclure Dominic Thiem – attend encore son heure.

Faut-il oublier Medvedev pour la saison sur terre battue ?

Sûrement. Evidemment, c’est un peu dur, dit comme ça ! On ne peut pas occulter de la sorte un n°2 mondial, a fortiori quasiment assuré de le rester pour Roland-Garros. Mais tel est pourtant le souhait de l’intéressé lui-même, qui a affiché de très prudentes ambitions avant de faire sa reprise à Madrid, après avoir été touché par le coronavirus en avril. Il ne cesse aussi de répéter son aversion pour la terre battue, quitte à s’en amuser parfois, et n’arrivera pas vraiment en terre conquise à Roland-Garros où il n’a jamais gagné le moindre match de sa vie. 

Pourtant, n’oublions quand même pas que, bien disposé, le Russe est également capable d’obtenir de très bons résultats sur terre battue, lui qui avait été demi-finaliste à Monte Carlo et finaliste à Barcelone en 2019. Mais Medvedev, après son arrêt-maladie, a aussi besoin de se refaire une caisse physique et d’engranger de la confiance. Si l’on devait parier sur lui, ce serait plutôt pour la saison estivale sur gazon et plus encore sur dur. Mais bon… 

Sabalenka sera-t-elle LA joueuse à battre à Paris ?

Non. On n’ira pas (encore) jusque-là. Aryna Sabalenka est incontestablement la joueuse en forme du moment et fait désormais partie des toutes meilleures au monde : elle figure à la 4e place au classement WTA ce lundi après avoir conquis samedi à Madrid le titre le plus important de sa carrière, prenant sa revanche en finale sur Ashleigh Barty qui venait de la battre au même stade à Stuttgart.

Une éclosion sur terre d’ailleurs plutôt étonnante, à 23 ans, pour une joueuse qui n’avait auparavant jamais vraiment caché ses difficultés sur cette surface, avant d’y connaître un vrai déclic cette année.

Aryna Sabalenka, Madrid, 2021
© Panoramic

Maintenant, avant de la mettre parmi les favorites de Roland-Garros, au même titre que des anciennes gagnantes comme Barty, Iga Swiatek, Simona Halep, Garbiñe Muguruza (si l’Espagnole, blessée à la cuisse à Charleston, se relance) voire Serena Williams, on a envie de temporiser un peu. La surpuissante Biélorusse a toujours eu un peu plus de mal en Grand Chelem, où elle n’a jamais dépassé les huitièmes de finale, à l’US Open 2018 et à l’Open d’Australie cette année. Il va sans dire qu’on l’attendra en revanche pour faire beaucoup mieux cette année.

Peut-on enfin dire que Barty est la « vraie » n°1 mondiale ?

Oui. On en trouvera probablement toujours pour chipoter mais très franchement, depuis le début de la saison, l’Australienne est épatante. Alors qu’elle n’avait pour ainsi dire pas joué pendant un an, préférant rester chez elle plutôt que de braver les conditions drastiques pour voyager depuis son pays, Ashleigh Barty, qui a opté pour une « tactique » opposée cette saison – à savoir ne plus rentrer chez elle pendant des mois – a retrouvé comme si de rien n’était le chemin du succès : elle en est déjà à trois titres cette année dont celui de Miami plus cette finale à Madrid.

Jusqu’à son faux-pas en finale contre Sabalenka, peut-être lié aussi à un peu de fatigue, Barty restait sur une série de succès assez incroyable sur terre battue européenne.

Le tout en pratiquant un tennis franchement enthousiasmant, à la fois percutant, varié et raffiné, qui respire l’intelligence tactique. A 25 ans, la petite prodige du bout du monde est peut-être au sommet de son art. D’accord, elle n’a pas gagné de titre majeur depuis son sacre parisien en 2019 mais c’est aussi parce qu’elle n’a joué que quatre Grands Chelems entre-temps. D’accord, l’an dernier, Barty n’avait conservé sa place de n°1 qu’au bénéfice du classement gelé mais désormais, elle ne doit rien à personne. La preuve, elle est largement en tête à la Race 2021…

Osaka va-t-elle y arriver sur terre battue ?

Joker. Très honnêtement, on n’en sait rien. On aurait envie de répondre oui car la Japonaise a montré des signes de bonne volonté d’y parvenir, expliquant notamment avoir énormément travaillé au niveau de son déplacement sur cette surface. Mais ça ne s’est pas concrétisé à Madrid, où elle n’a gagné qu’un match avant de s’incliner face à la Tchèque Karolina Muchova. 

Naomi Osaka, Madrid, 2021
ZM / Panoramic

Naomi Osaka ne sera jamais une terrienne naturelle, tant au niveau de sa mobilité que de ses coups, basés sur la puissance et la percussion, donc obligatoirement moins efficaces sur ocre. Il y a forcément une explication au fait qu’elle n’ait jamais dépassé la première semaine à Paris, ni jamais battu une top 20 sur ocre.

Mais d’un autre côté, la double gagnante de l’US Open et de l’Open d’Australie est trop forte pour ne pas arriver un jour à imposer son jeu partout, y compris sur terre. Elle a de fameux exemples sur lesquels s’appuyer, comme ceux de Serena Williams ou Maria Sharapova qui n’étaient pas non plus des terriennes chevronnées avant de finir par dompter l’élément. Telle est la quête actuelle de Naomi Osaka. Nul ne sait si elle y parviendra, et c’est bien ce qui rend son défi d’autant plus intéressant.

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