4 juin 1972 : Le jour où Gimeno est devenu le plus vieux vainqueur de Roland-Garros
Le 4 juin 1972, l’Espagnol Andres Gimeno, âgé de 34 ans, est devenu le joueur le plus âgé à remporter Roland-Garros, en battant le Français Patrick Proisy en finale.
Ce qu’il s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis
Ce jour-là, le 4 juin 1972, l’Espagnol Andres Gimeno, âgé de 34 ans, devient le joueur le plus âgé à soulever la coupe de Roland-Garros, en battant le Français Patrick Proisy en finale (4-6, 6-3, 6-1, 6-1). Tandis que Proisy est l’un des trois seuls Français à avoir atteint la finale de Roland-Garros dans l’ère de l’Open (avec Yannick Noah, qui a remporté le tournoi en 1983, et Henri Leconte, qui s’est incliné face à Mats Wilander en 1988), le record de Gimeno tient toujours en 2021, même si Rafael Nadal pourrait le faire tomber s’il remportait une fois de plus Roland-Garros.
Les acteurs
- Andrés Gimeno, l’un des meilleurs joueurs du monde
Andres Gimeno, né en 1937, est l’un des premiers joueurs espagnols à concourir au niveau international, avec Manolo Santana. Après avoir remporté l’épreuve junior à Roland-Garros en 1955, il atteint les quarts de finale de l’épreuve masculine en 1960 (défaite contre Nicola Pietrangeli, 6-3, 6-1, 3-6, 6-2). La même année, il signe un contrat avec Jack Kramer pour devenir professionnel, ce qui l’empêche de participer aux tournois du Grand Chelem pendant les huit années suivantes. Tout au long des années 60, il est considéré comme le troisième meilleur joueur du monde, derrière les légendes australiennes Rod Laver et Ken Rosewall, qu’il a battues à de nombreuses reprises.
Lorsque l’ère de l’Open commence, en 1968, Gimeno, qui a déjà 30 ans, atteint les demi-finales à Roland-Garros (battu par Ken Rosewall, 3-6, 6-3, 7-5, 3-6, 6-3). Bien qu’il participe encore à la National Tennis League de Lamar Hunt, il termine finaliste de l’Open d’Australie en 1969 (défaite contre Rod Laver, 6-3, 6-4, 7-5) et en demi-finale à Wimbledon en 1970 (défaite contre John Newcombe, 6-3, 8-6, 6-0). Il n’a pas réalisé de très bonnes performances dans les tournois majeurs en 1971, et bien que certains commencent à penser qu’à 33 ans, il est sur le déclin, il est encore considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs joueurs du monde, en particulier sur terre battue.
- Patrick Proisy, le Français qui monte
En 1972, Patrick Proisy, 22 ans, est au sommet de sa forme. Le Français, qui avait remporté Roland-Garros junior en 1967, est passé professionnel l’année suivante. En 1971, il franchit une nouvelle étape dans sa carrière en atteignant les quarts de finale de Roland-Garros (il s’incline face au tenant du titre, Jan Kodes, 6-4, 8-6, 1-6, 6-1). Il confirme son nouveau statut en 1972, qu’il considèrera lui-même comme sa meilleure saison sur le plan international.
À Madrid, il bat l’étoile montante Jimmy Connors (1-6, 6-1, 6-1) ainsi que la terreur de la terre battue Manuel Orantes (7-6, 4-6, 6-4) et, deux semaines avant le début de Roland-Garros, après avoir été lourdement battu par Orantes (6-0, 6-3, 6-3) au premier jour d’une rencontre de Coupe Davis contre l’Espagne disputée à Roland-Garros, il remporte une victoire prometteuse contre Andres Gimeno (6-2, 6-2, 9-11, 6-3). Avec Pierre Barthes, il est le Français à suivre à Roland-Garros.
Le lieu : Roland-Garros
L’histoire se déroule à Roland-Garros. Le stade, situé dans l’ouest parisien, à la lisière du bois de Boulogne, accueille les Internationaux de France depuis 1928. C’est le premier et désormais le seul tournoi du Grand Chelem disputé sur terre battue, la surface la plus lente, ce qui en fait le tournoi le plus difficile sur le plan physique. Dans les premières années de l’ère Open, les quatre tournois du Grand Chelem sont des tournois de référence, mais l’argent qui y est distribué n’a rien à voir avec ce que nous connaissons en 2021, et certains des meilleurs joueurs préfèrent parfois participer à des événements plus lucratifs, comme la National Tennis League de Lamar Hunt.
L’histoire : Gimeno finit en trombe
En 1972, pour la première fois de l’ère Open, et pour la première fois depuis Pierre Darmon en 1963, un Français est en finale de Roland-Garros. Patrick Proisy, 22 ans, avait montré au cours des semaines précédentes qu’il était en grande forme, remportant plusieurs victoires prestigieuses pendant la saison sur terre battue. Cependant, peu d’observateurs s’attendaient à ce qu’il réalise un exploit pareil : battre le double tenant du titre et tête de série n°1, Jan Kodes, en quart de finale (6-3, 6-8, 2-6, 6-2, 6-1), puis Manuel Orantes, considéré alors comme le meilleur joueur au monde sur terre battue, en demi-finale (6-3, 7-5, 6-2).
En finale, un autre Espagnol attend Proisy de pied ferme : Andres Gimeno, 34 ans, un joueur de terre battue très expérimenté. Les deux hommes se connaissent bien, puisqu’ils se sont affrontés en Coupe Davis, moins d’un mois auparavant, au même endroit, et Proisy l’avait d’ailleurs emporté (6-2, 6-2, 9-11, 6-3). Mais, comme le Français s’apprête à le découvrir, affronter Gimeno en finale d’un tournoi du Grand Chelem est une autre paire de manches.
“À l’époque, les demi-finales se jouaient la veille de la finale, il n’y avait donc pas beaucoup de temps pour récupérer”, se souvient Patrick Proisy. “Quand j’ai joué Gimeno en Coupe Davis, j’étais à 100 % physiquement, alors qu’à Roland-Garros, j’avais perdu beaucoup d’énergie en route, surtout après avoir joué cinq sets contre Kodes en quart de finale.”
Quand nous sommes revenus sur le court, j’avais les jambes un peu coupées, alors que Gimeno est rentré sur le court en état de grâce, il a vraiment livré une performance exceptionnelle
Patrick Proisy
Le Français a remporté le premier set, 6-4, mais il a rapidement payé le prix des efforts qu’il avait déjà fournis. “Le premier set a été très disputé, je me souviens que même si le score ne semble pas si serré, j’ai eu beaucoup de mal à finir le set. J’étais fatigué physiquement et mentalement. Après que j’ai perdu le deuxième set (6-3), le match a été interrompu par la pluie pendant une heure et demie. Quand nous sommes revenus sur le court, j’avais les jambes un peu coupées, alors que Gimeno est rentré sur le court en état de grâce, il a vraiment livré une performance exceptionnelle.”
L’Espagnol domine largement les deux derniers sets, 6-1, 6-1. À 34 ans et 10 mois, il est le joueur le plus âgé à avoir triomphé à Roland-Garros.
“34 ans n’est pas un âge si canonique que ça”, tempère Proisy. “D’ailleurs, Rosewall avait remporté l’Open d’Australie la même année, à 37 ans, et regardez ce que fait Federer, à bientôt 40 ans. Gimeno était un joueur exceptionnel, qui avait joué la majeure partie de sa carrière en tant que professionnel, sans pouvoir participer aux Grands Chelems. Il méritait d’en gagner un, même si j’aurais préféré que ce ne soit pas contre moi.”
La postérité du moment : Andres Gimeno toujours détenteur de son record à Roland-Garros
Son triomphe à Roland-Garros en 1972 restera le dernier exploit de Gimeno. Il prendra sa retraite en 1973, avant d’ouvrir un club de tennis en Espagne et d’élever ainsi une nouvelle génération d’ogres de la terre battue. Intronisé au Tennis Hall of Fame en 2009, Andres Gimeno s’éteindra en 2019.
Patrick Proisy confirmera sa grande forme dans les mois suivants, en atteignant notamment les demi-finales de l’Open d’Australie 1973 (battu par John Newcombe, 7-6, 6-4, 6-2). En décembre 1972, après la création de l’ATP, il deviendra le premier Français à remporter un titre ATP (à Perth, aux dépens de Wanaro N’Godrella, 7-5, 6-4, 6-3).
Au début des Internationaux de France 2021, Andres Gimeno sera toujours le plus vieux vainqueur de l’histoire de Roland-Garros. Toutefois, si Rafael Nadal venait à remporter un 14e titre à Paris, ce record serait enfin battu, à nouveau par un Espagnol, près de cinquante ans après avoir été établi.