Nadal : “Il y a six semaines, je pensais : pas cette année”
Rafael Nadal a reconnu que son 13e titre à Roland-Garros avait une saveur particulière, tant à cause des conditions dans lesquelles il l’a obtenu que pour sa portée historique. Il savoure au point de ne pas se projeter, et ne pas savoir s’il rejouera cette saison.
Sur les réseaux sociaux, Federer décrit vos 13 victoires à Roland-Garros comme l’un des plus grands accomplissements de l’histoire du sport. Qu’est-ce que cela dit de vous ?
Rafael Nadal : Je n’ai rien regardé sur les réseaux sociaux. Mais merci Roger pour ce message. Comme tout le monde le sait, nous avons une relation excellente. Nous nous respectons énormément. Il est heureux quand je gagne et je suis heureux quand il réussit bien. Nous sommes des rivaux depuis si longtemps, et cela en dit long que nos relations aient cette dimension. Je ne peux que le remercier.
— Roger Federer (@rogerfederer) October 11, 2020
Vous n’avez joué que 9 matches depuis la victoire à Acapulco entre cette finale et celle d’aujourd’hui. Etiez-vous inquiet de ne pas avoir assez de matchs pour jouer aussi bien contre Djokovic ?
RN : Oui, bien sûr. Les doutes font partie de la vie. Je dis toujours la chose : les doutes, c’est bien, cela veut dire que vous ne vous surestimez pas. L’année a été difficile pour tout le monde. Ma préparation pour ce tournoi n’a pas été une préparation parfaite. Mais je m’entraîne sur terre battue depuis longtemps car je ne suis pas allé aux États-Unis (ndlr : pour le Masters 1000 de Cincinnati et l’US Open). Donc j’avais des doutes avant le match. Mais c’est vrai que mon niveau de confiance s’est amélioré au fil des jours. Mes sensations en demi-finale ont été encore meilleures. Depuis l’entraînement de samedi, mon niveau de confiance, quand je frappais la balle, est au top. Donc je n’étais pas super confiant, parce qu’on ne peut jamais être très confiant quand on entre sur le terrain contre Novak, mais j’étais certain de pouvoir faire un bon match.
Nadal : “J’ai joué à un niveau de tennis incroyable les deux premiers sets et demi”
Au premier tour, vous aviez indiqué que le faible nombre de personnes en tribunes vous rendait triste. Êtes-vous plus heureux ce dimanche ?
RN : Ce n’est pas parce que j’ai gagné le tournoi que j’ai changé mon point de vue sur la situation. Bien sûr que c’est un jour important pour moi. Mais je ne suis pas stupide, la situation du monde reste difficile. Je suis heureux mais c’est un bonheur altéré par ce qui arrive à des tas de gens. Nous avons la chance pratique notre sport. Merci à l’ATP, à l’US Open et à Roland-Garros, qui ont fait des efforts énormes pour organiser ces événements dans des conditions difficiles. Mais je souhaite de tout cœur que la vie redevienne plus facile partout sur la planète.
Novak a dit que tu as joué deux premiers sets quasi parfaits. Pensez-vous que ce sont les deux meilleurs sets que vous ayez joués à Roland-Garros ?
RN : C’est Novak qui l’a dit ? Oui, j’ai joué à un niveau de tennis incroyable les deux premiers sets et demi. Je ne peux pas dire autre chose. C’est impossible de gagner 6-0 et 6-2 contre Djokovic sans pratiquer un tennis excellent. J’ai joué une excellente finale, à mon meilleur niveau, et j’ai élevé mon niveau de jeu. J’en suis très fier car même si j’ai joué une finale formidable, ce ne sont pas les conditions que j’aurais choisies pour un événement comme celui-ci. Mon corps répond moins quand il fait froid. Ce n’étaient pas des conditions pour moi, c’est clair. J’ai pu m’adapter. J’ai su rester positif dans toutes les conditions que j’ai rencontrées pendant tout l’événement, en acceptant tous les défis : les balles pas formidables, le froid, etc. Les choses pouvaient difficilement mieux s’enchaîner. J’ai fait du mieux possible pour réunir les conditions du succès. Gagner ou perdre, dans ces conditions, c’était juste s’exposer à la règle du sport. J’ai été en forme et le niveau de tennis a crû.
Je pense que c’est un des Roland-Garros qui a une valeur personnelle plus importante pour moi.
Nadal : “Je ne sais pas si je vais aller au Masters”
Vous n’avez jamais gagné le Masters dans votre carrière. Vous n’avez pas beaucoup joué cette année. Irez-vous saisir cette opportunité (15-22 novembre) ?
RN : Je ne connais même pas mon calendrier, je ne sais pas ce que je vais faire après. Impossible de vous dire si je vais arrêter ma saison ou pas. J’ai encore rien décidé. Je dois évaluer ça avec mes proches. Je ne sais pas si je vais jouer le Masters ou pas. Je dois prendre les choses à froid, analyser les choses car la situation reste difficile. Il faudra se confiner deux semaines avant de se rendre à l’Open d’Australie en janvier 2021. Avant ce match, je ne pensais qu’à Roland-Garros, je me fichais complètement de ce qui allait se passer après.
Aujourd’hui sur le court, et au fil des années, vous avez toujours pris vos distances avec le record de 20 titres du Grand Chelem détenu par Federer. Comprenez-vous la passion qu’il suscite ?
RN : J’adorerais finir ma carrière en étant le joueur qui a gagné le plus de Grands Chelems. Ça, il n’y a aucun doute. Mais ce que je dis c’est : “Je dois tracer mon chemin”. Je travaille comme un fou dans mon coin et c’ets ce qui me convient. Je ne vais pas toujours penser à Novak qui gagne celui-ci et Roger celui-là. Vous ne pouvez pas vous faire du souci parce que votre voisin a une plus grande maison, un plus grand bateau ou un meilleur téléphone. Il faut vivre sa vie. Je suis attaché à l’histoire du sport, je regarde cela avec révérence. C’est quelque chose de partager ce chiffre de 20 titres de Grand Chelem avec Roger. Mais on se posera quand on aura terminé nos carrières. Je suis encore passionné, je ne peux pas prédire l’avenir.
Nadal : “C’est peut-être plus magique de gagner 6-4 dans le cinquième”
Avez-vous la sensation d’avoir rendu à Djokovic la monnaie de la finale de l’Open d’Australie 2019 (perdue 6-3, 6-3, 6-3), même si on sait que vous ne fonctionnez pas comme ça ?
RN : Je ne suis pas un revanchard dans l’âme. J’accepte quand les choses ne vont pas dans la direction que je souhaite. En Australie, il a joué incroyablement bien. Il était trop fort. Aujourd’hui, c’était un peu l’opposé, en particulier pendant les deux premiers sets et demi. Mais je me fiche un peu de cela, je ne me sens pas mieux parce que j’ai gagné 6-0 6-2 7-5 que si j’avais gagné 6-4 dans le cinquième. C’est d’ailleurs peut-être plus magique de gagner 6-4 dans le cinquième que de gagner en trois sets secs, c’est plus satisfaisant. D’un autre côté, gagner contre Novak avec ce score, ça veut dire que j’ai fait beaucoup de choses bien. Ce score dit simplement que j’ai bien réussi pas mal de chose dans cette finale.
Pouvez-vous mettre des mots sur ce que vous avez ressenti quand vous avez réussi cet ace et que vous êtes tombé à genoux sur le court ? Vous avez rarement semblé aussi enthousiaste qu’aujourd’hui…
RN : J’ai été très démonstratif dans le passé aussi. Honnêtement, il y a un mois et demi, si vous m’aviez dit : « Tu remporteras le trophée à nouveau », j’aurais dit : « Cette année, ce sera probablement trop difficile » Mais dans le sport, les choses changent très rapidement. J’ai travaillé comme je devais le faire avec mon équipe, avec un programme clair. En équipe. Je suis entouré de personnes formidables. D’une certaine manière, aujourd’hui, le fait d’avoir joué à ce niveau, je le dédie à tous ceux qui m’ont aidé. J’ai conscience que la plupart des gens me verront avec le trophée, se diront « tiens, lui, il a encore gagné ». C’est beaucoup plus compliqué que ça, je vous le dis. Jour après jour, il faut beaucoup donner pour ça. Je sais d’où je viens. J’ai eu une année compliquée. Presque personne n’est au courant mais ça n’a pas été simple sur le plan physique notamment. Cela m’a beaucoup coûté pour retrouver une capacité à bien s’entraîner.
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