Gaston : « Savourer, même si j’ai perdu »
Hugo Gaston, qui sera 157eme mondial après Roland-Garros, vise beaucoup plus haut après son élimination magnifique dimanche face à Dominic Thiem (6-4, 6-4, 5-7, 3-6, 6-3), en huitièmes de finale.
Hugo, vous donnez l’impression de tout maîtriser, même en vous exprimant après le match. Est-ce que vous pensez à la suite ? Si vous continuez ainsi, vous ferez forcément une carrière au grand minimum intéressante. Mais le plus dur, c’est toujours de confirmer…
Déjà, pour le moment, je vais profiter, récupérer et savourer, même si j’ai perdu. Je suis très content de ce que j’ai fait de mon tournoi. L’objectif est d’être dans les 100 meilleurs mondiaux le plus rapidement possible. Je ne sais pas combien je vais me retrouver… Je vais profiter, après on se concentrera sur le reste. On repartira sur les Challengers. J’espère que l’année prochaine, quand je reviendrai à Roland-Garros, je serai dans le tableau sans invitation.
“Je n’ai pas de regret, vraiment, je sors la tête haute”
Quel est votre sentiment, vous avez dû vivre de sacrés moments sur le court ? Et qu’avez-vous appris de cette semaine ?
Je ressens forcément un peu de déception, mais aussi beaucoup de fierté. Je persistais au cinquième set contre un très bon joueur. Je n’ai pas de regret, vraiment, je sors la tête haute. Je suis très content de mon tournoi, le public m’a beaucoup aidé et poussé. Je tiens à les remercier, ça fait chaud au coeur. Je ne m’attendais pas forcément à cette ovation. Sur le Central de Roland-Garros, c’est magnifique. J’aurais aimé gagner, mais ça fait plaisir de sortir du terrain avec une telle ambiance. C’était incroyable. Depuis tout petit, j’ai envie de vivre ces moments. Et affronter de grands joueurs sur de grands courts, ça fait toujours grandir. J’engrange de l’expérience. J’ai tout donné. C’est également ça dont je suis fier, de ne pas avoir de regrets. Je suis aussi beaucoup plus fort sur chaque coup et sur le plan mental.
Dans quel état d’esprit étiez-vous en attaquant le troisième set, puis en égalisant à deux manches partout, alors qu’il ne mettait plus une balle dans le court, qu’il ne remettait plus une amortie ? Est-ce que vous avez eu peur de prendre le match en main face à un des meilleurs joueurs du monde ?
D’abord, j’essaie de continuer en me disant que je n’ai rien à perdre, que je dois profiter un maximum sur le terrain, tout donner et ne pas avoir de regret. J’ai eu des occasions dans les deux premiers sets, je n’ai pas su les saisir. Je me suis dit qu’à la moindre opportunité, il fallait que je tente quelque chose, et ça m’a réussi. Pareil au quatrième set, puis au cinquième j’ai l’opportunité de passer devant et je n’ai pas su la saisir. A deux manches partout, c’est dur de dire qu’il ne met pas une balle et qu’il ne remet plus une amortie… J’ai bien joué, il loupait un peu plus, mais moi je ne me disais pas grand-chose. Je me dis qu’il faut que je continue, que je reste solide et qu’il va continuer à me donner des points. Il a une balle très lourde, difficile à contrôler. J’ai essayé de la prendre au bon moment pour avoir un maximum de contrôle. Ce n’était pas toujours simple. Au début, quelques coups m’ont échappé. Plus le match avançait, plus je me sentais à l’aise. A aucun moment, je me dis que je vais gagner. Je reste concentré sur mon jeu. Ce n’est pas passé loin, j’ai continué à jouer mon jeu et je suis très heureux. Je sais que je suis capable de bien jouer, de tenir.
“Je sais tout faire”
Qu’est-ce qu’il vous a dit à la fin ? Après, sur le court, il a assuré qu’il n’avait jamais vu une telle main…
Il m’a dit de continuer à travailler dur. Et pour sa phrase suivante, ça fait plaisir venant de lui. Je vais continuer à travailler pour être plus fort. Il m’a dit deux ou trois mots gentils, ça me fait plaisir.
On dirait que pas grand-chose ne vous perturbe émotionnellement, que vous êtes en granit. Est-ce que ça bout quand même à l’intérieur, est-ce qu’il y a des moments où vous tremblez, où la raquette est lourde ?
A certains moments, oui, dans la tête ça bout. Je me sentais mentalement bien dans ce tournoi, prêt à faire de longs matchs. A aucun moment, je ne me suis senti moins bon physiquement que l’adversaire. C’est ce qui a fait que j’étais solide dans ma tête. J’essayais de contrôler mes émotions pour ne pas perturber mon jeu et rester concentré.
“Les amorties, ça fait partie de mon jeu”
La statistique est irréelle : vous avez tenté 55 amorties. Pour 72% de réussite. Quel rapport amoureux avez-vous avec ce coup ?
Depuis toujours, j’aime les petits jeux. Les amorties, ça fait partie de mon jeu. Parfois, j’en fais peut-être un peu trop, ou pas au bon moment. Si j’ai gagné 70 % de points, forcément c’est bien. Je vais continuer, pas en abuser. C’est un coup très important pour moi, il faut l’utiliser à bon escient. J’adore en faire, je sais tout faire, c’est important de changer, de ne jamais jouer la même balle.
Votre père l’a dit : vous avez prouvé que, sans faire deux mètres, c’était possible d’accéder au haut niveau. L’histoire de la fin de l’INSEP est-elle restée une blessure, avec Jaimee Floyd Angele et ses 2,07 m qui est allé au Centre National d’Entraînement, alors que vous, on vous a envoyé à Toulouse ?
Non, pas du tout. On m’en a toujours parlé. Ma taille est aussi un avantage. C’est sûr que je ne vais pas planter cinq aces par jeu, mais j’ai d’autres qualités que les grands n’ont pas forcément. On a toujours été persuadé que je pouvais y arriver même en étant petit, ça n’a jamais été une barrière. Il y a encore cette question de l’INSEP qui revient et qui n’est pas bonne, parce que ça s’est très bien fini. J’ai de très bons rapports avec tout le monde. Ma taille, je ne l’ai pas choisie, mais ça reste un atout.
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