Djokovic au sommet de l’histoire du tennis avec son troisième Roland-Garros et son 23e trophée du Grand Chelem
En battant Casper Ruud en finale de Roland-Garros (7-6 [1], 6-3, 7-5), Novak Djokovic a dépassé Rafael Nadal au classement des victoires en tournois du Grand Chelem.
Casper Ruud possède un statut étrange dans l’élite du tennis masculin mondial. Il est l’homme sur la photo quand une page d’histoire s’écrit. Battu par Nadal en finale de Roland-Garros pour le 22e trophée majeur de l’Espagnol en 2022, par Carlos Alcaraz en finale du dernier US Open qui sacrerait l’Espagnol plus jeune numéro un mondial de l’histoire à l’ATP, le Norvégien est celui qui n’a pas empêché Novak Djokovic de remporter son 23e tournoi du Grand Chelem, dimanche à Roland-Garros (7-6, 6-3, 7-5).
Ce chiffre historique est l’une des multiples stats qui placent Djokovic en position technique incontestable pour le titre honorifique de Greatest of All Time (GOAT) du tennis. Ces chiffres lui ont nouvelle fois écrasé les épaules au moment de la balle de match, dans une de ces scènes désormais traditionnelles, qui voit Djokovic s’effondrer sur le dos et écarter les bras une fois le triomphe consommé.
Djokovic égale Serena
Djokovic, avec ce troisième sacre à Paris (après 2016 et 2021), soit autant que Lendl, Wilander et Kuerten dans l’ère Open, prend une avance qui semble désormais potentiellement décisive dans la course aux victoires en tournois du Grand Chelem qui anime le Big Three depuis que Roger Federer a délogé Pete Sampras avec 15 titres en remportant Wimbledon en 2009.
Avec 23 trophées, il devance désormais seul (pour la première fois) Rafael Nadal, qui plafonne à 22 titres depuis un an, et Federer dont le compteur s’est arrêté à 20 après son Open d’Australie 2018, et pour toujours depuis sa retraite en septembre 2022.
Hommes et femmes confondus, Djokovic égale Serena Williams avec 23 trophées (1999-2017) dans l’ère Open mais reste derrière Margaret Court (24) depuis l’invention du tennis. On peut parier que ce record va l’intéresser lui aussi.
Titulaire de trois des quatre derniers trophées du Grand Chelem (Wimbledon, Open d’Australie, Roland-Garros), Djokovic reprend aussi la première place mondiale à l’ATP.
Désormais 136e mondial et actuellement avec des béquilles, Nadal est le seul homme qui, en 2024, pourra techniquement lui contester son titre de recordman. Mais rien ne dit que le compteur de Djokovic affichera seulement 23 unités : à peine la Coupe de Mousquetaires posée sur la table, le Serbe a dû répondre à des questions sur Grand Chelem calendaire qu’il n’avait pas su réaliser en 2021, à un match près. Et il s’est projeté sur Wimbledon sans même être questionné à ce sujet.
L’accomplissement vertigineux de Djokovic
Vingt-trois trophées du Grand Chelem en quinze ans (son premier Open d’Australie remonte à 2008), vingt-deux en douze ans (depuis sa folle saison 2011) ; l’accomplissement de Djokovic est vertigineux. A 36 ans depuis mai, son corps commence à grincer, dans des proportions qu’il rechigne à exposer en détail mais qui furent encore visibles en finale à Paris.
Mais le Serbe possède cette science de la victoire, cet art des points importants, cette pratique insensée du bras de fer sur la géométrie du court, que ceci donne à sa saison 2023 un relief pour le moins étonnant : il a gagné trois titres en seulement sept tournois joués. Dont les deux tournois du Grand Chelem du calendrier.
Cette capacité persistante à gagner même dans un mauvais jour, Djokovic l’a exercée plusieurs fois lors de ce Roland-Garros 2023. Contre Davidovich Fokina au troisième tour et contre Khachanov en quart de finale. Ruud en a été victime à son tour, au cours d’un premier set qui fut la clé de cette finale et qu’il n’avait aucune raison tennistique de perdre. Le Norvégien l’a perdu quand même, 7-1 au jeu décisif, au moment où le poison de l’interdiction de gagner avait gagné son cerveau.
Le fils de Cristian Ruud a breaké d’entrée, mené 3-0, puis 4-2. Il est passé à deux points du set à 5-4 en sa faveur et 0-30 sur le service de Djokovic. Il était le plus en jambes, le plus solide, le plus malin.
Djokovic méconnaissable… mais vainqueur au premier set
En miroir, Djokovic était méconnaissable, notamment par rapport à son début de demi-finale tranchant contre Carlos Alcaraz. Stress visible, manque de mobilité, difficulté à placer Ruud en difficulté dans les échanges, deux « Djoko-smashes » de bêtisier : Djokovic était, au cours de cette première manche, une proie prenable pour Ruud.
Le quatrième mondial disputait sa troisième finale de majeur et s’était promis de faire meilleure figure cette fois-ci. Le Norvégien a cru que cette métamorphose pouvait aller jusqu’au bout. Peut-être un peu trop tôt. A l’arrivée, il n’a toujours pas pris un set à Djokovic en cinq matches et n’a rien pu faire de mieux que faire durer le plaisir au-delà des trois heures.
Une fois le premier set remporté, Ruud a touché à nouveau le sentiment d’impuissance qui l’avait saisi contre Nadal en finale 2022. Il ne s’est pas, cette fois, débalonné jusqu’au 6-0. Mais sans évidemment renoncer, il avait désormais le rôle du poursuivant et allait finir le match dans la peau de la victime.
Djokovic a survolé les deux derniers jeux dans un relâchement assez incroyable avant la balle de match, au prix de quelques inspirations et expirations en pleine conscience au dernier changement de coté.
Sans être à son meilleur niveau, ni même véritablement s’en rapprocher, Djokovic avait, depuis une heure et demi de jeu, trouvé le réglage nécessaire pour dicter l’échange beaucoup plus souvent qu’au premier set, sécuriser des points gratuits avec son service et retourner quelques échanges tendus grâce à sa panoplie de contreur opportuniste.
Djokovic a déjà été beaucoup plus fort sur un court que cette saison. Il ne nie plus que le poids des années est devenu un facteur clef dans la gestion de ses saisons. Mais sa quête de records est un carburant au pouvoir extraordinaire, qui pourrait encore être le fil rouge des mois à venir.
Record hommes et femmes confondus, Grand Chelem calendaire, record du vainqueur majeur le plus âgé détenu par Ken Rosewall à 37 ans, Or olympique en 2024… Bien des choses peuvent encore inspirer le triple vainqueur de Roland-Garros, qui a indiqué durant la cérémonie que cette quinzaine avait été, en préservant les apparences, la plus dure de sa carrière.