16 mars 2007 : le jour à Roland-Garros a fini par adopter la parité des gains
Aujourd’hui, Tennis Majors retourne en 2007 pour voir comment, quelques semaines après l’annonce similaire faite par le tournoi de Wimbledon, Roland-Garros est devenu le dernier des quatre tournois du Grand Chelem à accorder les mêmes prix aux joueuses qu’aux joueurs.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique :
Ce jour-là, le 16 mars 2007, Christian Bîmes, le président de la Fédération Française de Tennis, annonce que, désormais, Roland-Garros offrira les mêmes gains aux hommes et aux femmes. Wimbledon ayant fait la même annonce en février, Roland-Garros est le dernier Grand Chelem à franchir cette ligne, 34 ans après l’US Open, pionnier du genre en 1973.
L’histoire : Venus Williams a aidé à changer les choses dès 2005
En 1968, lorsque les joueurs professionnels ont enfin pu participer aux tournois du Grand Chelem, l’idée même de l’égalité des prix parait incongrue. À l’époque, lorsque Billie Jean King triomphe à Wimbledon, elle gagne l’équivalent de 37,5% du prix reçu par son homologue masculin, Rod Laver.
Laver qui expliquera d’ailleurs en 1973, l’année de la « Bataille des Sexes » : “J’ai été stupéfait par l’argent qui a été insufflé dans le tennis féminin. Billie Jean a gagné 117 000 dollars en 1971 et 113 200 dollars en 1972. Est-ce que j’aurais pu imaginer que je vivrais assez longtemps pour voir une femme gagner plus que moi ? Il aurait été absurde ne serait-ce que d’y penser.”
La même année, cependant, l’US Open devient le premier grand tournoi à annoncer l’égalité des prix. Il faudra toutefois attendre 28 ans pour qu’un autre tournoi du Grand Chelem suive la même voie – ce sera l’Open d’Australie, en 2001.
Les tournois du Grand Chelem européens hésitent encore à accorder l’égalité des gains aux hommes et aux femmes, arguant que les hommes attirent plus de spectateurs dans le stade et que les femmes ne jouent pas au meilleur des cinq manches. En 1990, lorsqu’elle remporte Roland-Garros, Monica Seles ne gagne que 79 % du prix touché par de son homologue masculin, Andres Gomez. En 2000, l’écart s’est considérablement réduit lorsque la championne, Mary Pierce, perçoit l’équivalent de 95 % de ce que le vainqueur, Gustavo Kuerten, a empoché. Toutefois, il n’est à ce moment-là pas encore question de parité.
Les choses changent en 2005 lorsque, le soir précédant la finale de Wimbledon, Venus Williams, ainsi que Larry Scott, le directeur du WTA Tour, se rendent à une réunion du comité du Grand Chelem. En fait, lorsque, le 16 mars 2007, la Fédération française valide le fait que, pour la première fois, la parité des gains sera de mise à Roland-Garros, son président, Christian Bîmes, mentionne le discours de Venus dans sa déclaration.
“C’est un objectif que nous nous étions fixés depuis 2005. L’an passé, une première étape avait été franchie avec une dotation identique pour les vainqueurs des tableaux de simple. En 2007, la parité sera totale. C’est la juste reconnaissance de la place et de la qualité du tennis féminin, comme l’a remarquablement souligné Venus Williams dans une intervention sur la parité à laquelle j’ai été particulièrement sensible, » dit-il, cité par Eurosport.
Le tournoi affiche une dotation globale de 15 264 500 €, dont un million à chacun des vainqueurs du simple. Amélie Mauresmo, ancienne numéro 1 mondiale (elle est alors numéro 3) et doublement titrée en Grand Chelem, est la première joueuse à réagir à cette annonce : “C’est une très bonne chose pour le tennis féminin, et pour les femmes en général. J’ai toujours pensé que le sport devait être le reflet de notre société. En adoptant la parité totale des prix, Roland-Garros a même pris un peu d’avance sur celle-ci. Je suis à la fois très heureuse et très fière, en tant que Française, que les Internationaux de France aient pris cette décision.”
La numéro 1 française est rapidement suivie par plusieurs de ses collègues, dont Steffi Graf, la joueuse aux 22 titres du Grand Chelem, Justine Henin, double tenante du titre, et Billie Jean King, militante de longue date pour l’égalité des prix.
“Au fil des ans, Roland Garros a progressé sur la voie de l’égalité et cette dernière étape, ainsi que le fait que les quatre tournois du Grand Chelem traitent désormais les femmes sur un pied d’égalité, envoie un message fort aux jeunes filles qui pourraient être les futures gagnantes de ce grand événement”, déclare Graf.
“Le fait que les quatre Grands Chelems soient désormais sur un pied d’égalité envoie un signal incroyablement puissant”, estime quant à elle Henin. “Il n’y a aucun tournoi dont je me sens plus proche que Roland Garros, ce qui rend la décision de traiter les femmes sur un pied d’égalité très spéciale pour moi.”
King, en guise de conclusion à ce long combat entamé plus de trois décennies auparavant, déclare simplement : “L’égalité des prix dans les quatre Grands Chelems n’est désormais plus un sujet et je ne pourrais pas être plus heureuse.”
La postérité du moment : La parité des prix devenue une situation normale
Près de vingt ans ans plus tard, bien que certaines controverses surgissent de temps à autre, la parité des prix dans les tournois du Grand Chelem sera considérée comme une situation normale. Dans l’ensemble, même si les joueuses de tennis les mieux payées resteront loin de leurs homologues masculins, principalement en raison de grandes différences dans leurs contrats publicitaires, le tennis restera l’un des sports les plus gratifiants pour les athlètes féminines.
En 2021, cinq des dix athlètes féminines les mieux payées au monde seront des joueuses de tennis : Naomi Osaka (n°1), Serena Williams (n°2), Venus Williams (n°3), Garbiñe Muguruza (n°5) et Ashleigh Barty (n°8). Cette même année, Roland-Garros prendra cette fois un temps d’avance sur les autres Grands Chelems en nommant une femme, Amélie Mauresmo, à la tête du tournoi.