Alcaraz gagne son premier Roland-Garros et entre dans la légende comme le champion tout-terrain le plus précoce du tennis
Carlos Alcaraz a dominé Alexander Zverev en finale de Roland-Garros (6-3, 2-6, 5-7, 6-1, 6-2) et remporte son troisième Grand chelem sur trois surfaces à 21 ans. Monstrueux.
Se faire une place dans la légende du tennis à 21 ans n’est à la portée que d’une poignée de seigneurs. Carlos Alcaraz en fait partie. Le n°3 mondial est devenu, dimanche, le plus jeune joueur de tous les temps – et seulement le septième depuis 1978, date à laquelle pareil record est devenu possible – à remporter trois tournois du Grand Chelem sur trois surfaces différentes. Il est même le plus jeune (21 ans) à l’avoir réalisé, devant Rafael Nadal qui avait accompli pareil travail en 2009 à l’Open d’Australie.
Après l’US Open 2022 sur dur à 19 ans, Wimbledon 2023 sur gazon, le protégé de Juan Carlos Ferrero s’est adjugé la Coupe des mousquetaires dans le temple de la terre battue, Roland-Garros, celle où Rafael Nadal a triomphé 14 fois entre 2005 et 2022.
Nadal n’avait pas réussi à battre ce Zverev-là au premier tour, probablement le meilleur qu’on a jamais vu, mais Alcaraz, lui, y est parvenu au terme d’une finale serrée et tendue, où l’enjeu a exercé une pression maximale sur quasiment tous les faits et gestes des deux acteurs. Cette finale de Roland-Garros était la première 2005 – avec Nadal et Puerta – à devoir sacrer un joueur à Paris pour la première fois.
A l’issue de 4h19 d’un combat où les deux hommes ont dû battre leurs nerfs, leur épuisement et une série d’émotions contradictoires avant même de songer à leur adversaire, Alcaraz a confirmé qu’il était une bête sur la longueur des cinq sets. Sa victoire 6-3, 2-6, 5-7, 6-1, 6-2 est sa dixième en onze matches sur cette distance dans les tournois majeurs.
Alcaraz maître sur la distance des cinq sets
En cinq manches, même Novak Djokovic n’a pas réussi à lui imposer sa volonté en finale de Wimbledon. Même Jannik Sinner, l’homme de l’année, numéro un mondial dès lundi, n’y est pas parvenu en demi-finale. Zverev, pourtant vainqueur lui aussi de dix de ses onze matches en cinq sets sur la distance à Roland-Garros avant dimanche, s’ajoute à la liste.
Le numéro 4 mondial a semblé payer ses 19 heures et 27 minutes sur le court pendant les six matches, au cours du cinquième set – il était passé à deux jeux de la défaite contre Griekspoor et trois points contre Rune. Depuis que les matches sont chronométrés, il est le finaliste de Roland-Garros qui a passé le plus de temps sur le court pour se qualifier.
Il est presque difficile de parler de tennis à l’issue de cette finale qui, par sa fébrilité mutuelle, a parfois rappelé la finale de l’US Open 2020 perdue par Zverev contre Dominic Thiem. Ni Alcaraz, ni Zverev n’ont joué à leur meilleur niveau en dehors de quelques points. Mais Alcaraz – qui a globalement eu du mal à conserver son service sur la durée du match – a choisi ses moments, son cinquième set ayant été le plus dense de sa partie en coups gagnants et en montées inspirées, comme en demi-finale.
Si chacun des deux a eu ses périodes où il a été plutôt récompensé pour son agressivité, c’est au final celui qui possède la palette la plus large, eut le plus de courage et de chance qui a gagné la rencontre.
Le service d’Alcaraz corrigé par l’arbitre, tournant du match ?
Le tournant a probablement eu lieu à 2-1 Alcaraz au cinquième set. L’Espagnol venait de breaker, mais Zverev, à 0-40, s’est vu revenir à 2-2. A 15-40, la deuxième balle d’Alcaraz, servie sur le T, a été annoncée faute, annonce corrigée par l’arbitre de chaise Renaud Lichtenstein, en accord avec l’impression visuelle par la plupart des personnes avec qui nous avons échangé (la ligne semble avoir été blanchie) mais en contradiction avec le hawk eye qui indique une balle sortie d’un millimètre… espace qui constitue sa marge d’erreur.
Dans ce jeu, Alcaraz a sauvé quatre balles de break, mais il a mené 3-1, et sut conserver – et même amplifier – son avance jusqu’à convertir sa première balle de match sur son service.
Deux fois, Alcaraz a encaissé un 5-0 dans la partie, ce qui lui a coûté les deux sets. La première fois, il est passé de 2-1 en sa faveur à 6-2 Zverev au deuxième set. La seconde fois, de 5-2 pour lui à 7-5 contre lui au troisième. Tout autre joueur aurait perdu pied face à de telles séries dans un tel contexte. Pas Alcaraz, qui appartient décidément à une autre catégorie de joueurs.
Blessé au bras pendant quasiment toute la saison sur terre – il a fait l’impasse sur Rome – Alcaraz remporte le deuxième titre de sa saison après Indian Wells. Parmi toutes les composantes de la panoplie des champions, il en a conforté deux pendant ce Roland-Garros : la faculté à gagner en étant loin de son meilleur niveau, manifeste en demie et en finale, et une vitesse d’apprentissage extraordinaire. Il y a six mois à Turin, démantelé brutalement par Novak Djokovic en demi-finale, il était en train de se prendre en place face les exigences de son statut et traînait encore ce spleen à Melbourne, à l’Open d’Australie, où il avait été écarté en quart de finale par… Alexander Zverev. Ces bad vibes ont été balayées en trois semaines à Paris.
L’Allemand, revenu à son meilleur niveau deux ans après sa grave blessure à la cheville sur ce court Chatrier, reste probablement le meilleur joueur en activité à ne pas avoir soulevé de trophée du Grand Chelem. Alcaraz était à peine majeur quand il a laissé derrière lui ce possible destin. Le gamin de Murcie est aujourd’hui en avance sur les temps de passage de Nadal en Grand Chelem.