30 mai 2004 : Le jour où Kuerten a éliminé Federer à Roland-Garros
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 30 mai 2004, Gustavo Kuerten, triple vainqueur du tournoi mais en difficulté depuis deux ans, se paie la peau du nouveau numéro 1 mondial Roger Federer.
Ce qu’il s’est passé ce jour là et pourquoi c’est historique : le triple vainqueur Kuerten domine le numéro un mondial Federer
Ce jour-là, le 30 mai 2004, l’ancien champion Gustavo Kuerten, redescendu à la 30e place mondiale, domine le numéro 1 mondial Roger Federer au troisième tour de Roland-Garros, 6-4 6-4 6-4. C’est une grosse surprise dans la mesure où Kuerten n’avait pas joué à un tel niveau depuis bien longtemps, tandis que Federer était presque invaincu en 2004. Ce sera la dernière grande performance de Guga, qui empêchera aussi Federer de réussir le Grand Chelem en 2004, année où il remportera les trois autres tournois majeurs.
Les personnages : Gustavo Kuerten et Roger Federer
- Gustavo Kuerten, une légende au crépuscule
Gustavo Kuerten, né en 1976, se fait connaître aussi en 1997, lorsqu’il décroche le titre à Roland-Garros dans la peau d’un 66e mondial inconnu du public, qui élimine sur sa route les trois derniers vainqueurs du tournoi (Thomas Muster, Yevgeny Kafelnikov et Sergi Bruguera en finale, 6-3 6-4 6-2).
C’est non seulement le premier titre de sa carrière, mais c’est même la première fois qu’il atteint une finale sur le circuit. Son tennis repose sur un excellent premier service et un revers à une main impressionnant, ainsi que sur des campagnes d’amorties : bref, c’est un joueur naturel de terre battue.
Il ajoute par la suite deux autres Roland-Garros à son palmarès, aux dépens de Magnus Norman en 2000 puis d’Alex Corretja en 2001, devenant ainsi le premier joueur depuis Mats Wilander en 1988 à s’imposer plus de deux fois à Paris. En 2000, sa plus grande saison, il termine l’année à la première place mondiale, après un incroyable triomphe au Masters, où il bat successivement Andre Agassi et Pete Sampras sur surface rapide.
Souffrant d’une grave blessure à la hanche, la suite de sa carrière n’est depuis qu’une longue lutte contre la douleur. En février 2004, il obtient des résultats probants pendant la tournée sud-américaine sur terre battue, remportant le tournoi de Costa do Sauipe (face à Agustin Calleri en finale, 3-6 6-2 6-3). Mais ses résultats dans les gros tournois européens du printemps sont décevants : défait d’entrée à Monte-Carlo, il est contraint à l’abandon en quarts de finale à Barcelone, face à Gaston Gaudio. Son retour sur les courts est prévu à Roland-Garros.
- Roger Federer, le nouveau numéro 1 mondial
Roger Federer, né en 1981, est depuis peu le boss du circuit. Dès ses premiers pas sur le circuit, Federer obtient de bons résultats ; son tennis de rêve épate le monde du tennis et très vite, on voit en lui le futur numéro 1 mondial. Les attentes augmentent encore lorsque, à l’âge de 19 ans, il bat, chez lui, sur le Centre Court, le septuple champion de Wimbledon, Pete Sampras en personne, en huitièmes de finale du tournoi 2001 (7-6 5-7 6-4 6-7 7-5).
Cependant, le jeune Roger est très émotif et ne gère pas très bien cette pression qu’il porte sur les épaules. Il entre dans le top 10 en juin 2002, mais ses résultats dans les grands événements ne sont pas encore à la hauteur de son talent : lors de ses seize premiers tournois du Grand Chelem, pas une seule fois il n’atteint les quarts de finale.
Sa plus grande déception se produit au premier tour de Roland-Garros en 2003, lorsqu’il s’incline en trois petits sets contre Luis Horna, 67e mondial, après un match indigne de son potentiel. Cette défaite éveille peut-être en lui la fibre du champion : un mois plus tard, il remporte son premier titre du Grand Chelem à Wimbledon, venant à bout de Mark Philippoussis en finale, (7-6 6-2 7-6).
Sa confiance et sa mainmise sur le circuit grandissent inexorablement, malgré une défaite précoce à l’US Open. En finale du Masters 2003, il donne une véritable leçon à Andre Agassi (6-3 6-0 6-4), et personne n’est en mesure de lui tenir tête à l’Open d’Australie en 2004. Vainqueur à Dubaï, Indian Wells et Hambourg, il semble intouchable. Si quelqu’un doit un jour réaliser le Grand Chelem, c’est bien Roger Federer.
Le lieu : Roland-Garros
Cette histoire se déroule à Roland-Garros. Le stade, situé dans l’ouest parisien, à la lisière du bois de Boulogne, accueille les Internationaux de France depuis 1928. Ce fut le premier et désormais le seul tournoi du Grand Chelem sur terre battue, la surface la plus lente, ce qui en fait le tournoi le plus difficile à gagner sur le plan physique.
Roland-Garros est l’endroit où Gustavo Kuerten s’est révélé à l’âge de 20 ans, en 1997. Arrivé dans la peau d’un 66e mondial inconnu du public, il avait remporté le tournoi. Il a depuis remporté deux autres titres à Paris, et le public français adore son jeu aussi bien que sa personnalité. En 2001, il a exprimé son amour pour Roland-Garros à l’issue d’un match gagné de justesse avec le soutien du public, en s’allongeant au milieu d’un cœur qu’il avait lui-même dessiné à l’aide de sa raquette sur le Court Central.
Roland-Garros est aussi le tournoi où Roger Federer a fait sa première apparition en Grand Chelem, en 1999. Eliminé au premier tour par Patrick Rafter (5-7 6-3 6-0 6-2), il avait déjà fait forte impression.
Les faits : Un dernier exploit à Roland-Garros pour Kuerten
En ce samedi 30 mai 2004, la grande affiche du jour à Roland-Garros voit le numéro 1 mondial Roger Federer opposé à Gustavo Kuerten, triple vainqueur du tournoi, véritable légende à Paris, et l’un des chouchous du public. Les deux joueurs sont appréciés pour leur technique fluide et leur jeu spectaculaire.
Tous les ingrédients pour un grand match de tennis sont réunis, et une seule interrogation subsiste : Gustavo Kuerten est-il encore assez en forme pour poser problème à Federer ? Depuis son dernier titre à Paris, en 2001, le Brésilien a été souvent blessé et n’a pas atteint le moindre quart de finale en Grand Chelem, alors que le Suisse est au sommet de sa forme et paraît presque invincible après son sacre à Hambourg contre Guillermo Coria (4-6 6-4 6-2 6-3).
Federer a facilement écarté ses deux premiers adversaires, y compris le dangereux Allemand Nicolas Kiefer, 34e mondial (6-3 6-4 7-6), alors que Kuerten, lui, a dû batailler cinq sets au premier tour pour se défaire du 130e mondial, Nicolas Almagro (7-5 7-6 1-6 3-6 7-5).
Dès le tout début du match, d’un délicieux lob de revers, Kuerten annonce la couleur : la magie opère toujours. Pendant que Federer, qui pense peut-être que le Brésilien n’a pas la condition physique pour une longue bagarre, est étonnamment sur la défensive, Gustavo Kuerten fait brillamment le jeu. Il retrouve soudain le revers long de ligne de la grande époque, et son toucher de balle est intact. Le Suisse semble pris de cours. Il s’attendait à affronter à un joueur sur le déclin, le voilà face à une légende de Roland-Garros ressuscitée sur son court préféré. Guga ne lui laisse aucune chance de revenir dans la partie et boucle le match en trois sets, 6-4 6-4 6-4
La postérité du moment : Federer ne réalisera jamais le Grand Chelem calendaire
Après cette prestation hors du commun, Gustavo Kuerten battra Feliciano Lopez en huitièmes de finale (6-3 7-5 6-4), avant de s’incliner en quarts contre David Nalbandian (6-2 3-6 6-4 7-6). Malheureusement pour lui, non seulement ce sera son dernier exploit dans un tournoi majeur, mais les blessures vont bientôt ruiner sa carrière pour de bon.
Il ne jouera plus que cinq tournois en 2004, et sa hanche douloureuse nécessitera une nouvelle opération à la fin de l’année. En 2005, il ne participera qu’à deux tournois du Grand Chelem, avant de disparaître du circuit jusqu’à Roland-Garros 2008, où il vient jouer une dernière fois pour faire ses adieux. Il perdra son dernier match contre Paul-Henri Mathieu (6-3 6-4 6-2).
Cette victoire de Kuerten contre Federer restera dans l’histoire du tennis, non seulement en tant que dernière grande victoire de la légende brésilienne, mais aussi en raison des conséquences qu’elle aura sur la carrière du Suisse. En effet, certains observateurs estiment que Guga a empêché de réaliser le Grand Chelem, puisque ce match restera la seule défaite subie par Federer dans un tournoi majeur cette année-là.
Plus tard, Federer dira qu’en ce 30 mai 2004, Gustavo Kuerten lui a fait comprendre que Roland-Garros serait pour lui le titre le plus difficile à conquérir. Il n’imaginait pas à quel point. L’année suivante, en 2005, un jeune gaucher venu d’Espagne allait faire de Roland-Garros un tout autre défi pour Federer. Vous avez deviné son nom?