30 mai 1995 : Le jour où Buisson et Van Lottum ont disputé le plus long match féminin de l’histoire de Roland-Garros
Le 30 mai 1995 : Virginie Buisson et Noëlle van Lottum disputent le plus long match féminin de l’histoire de Roland-Garros, 4h et 7 minutes.
Les personnages : Virginie Buisson et Noëlle van Lottum
- Virginie Buisson : une première participation en Grand Chelem
En mai 1995, Virginie Buisson, née en 1969, est 177e mondiale, son meilleur classement à ce jour. Jusqu’à présent, elle n’a jamais participé à un tableau final de Grand Chelem, mais ses récentes performances sur terre battue (une demi-finale à Bordeaux, notamment) lui ont permis d’obtenir une wild card pour le grand tableau de Roland-Garros.
- Noëlle van Lottum : la plus expérimentée des deux tricolores
Noëlle Van Lottum, née en 1972, possède la double nationalité française et néerlandaise, mais, bien que son frère cadet, également joueur de tennis, joue sous les couleurs hollandaises, elle représente quant à elle la France. Elle est entrée dans le top 100 pour la première fois en 1992, après avoir remporté son premier et unique titre WTA à Wellington (en battant Donna Faber en finale, 6-4, 6-0). Connue pour son style de jeu défensif, elle a obtenu son meilleur résultat en Grand Chelem à l’US Open 1992, où elle a atteint le troisième tour (battue par Carrie Cunningham, 2-6, 6-4, 6-0). En 1995, au début de Roland-Garros, elle est 162e mondiale.
Le lieu : Roland-Garros
Le stade Roland-Garros, situé dans l’ouest parisien, à la lisière du bois de Boulogne, accueille les Internationaux de France depuis 1928. Cependant, les Championnats puis Internationaux de France, qui avaient lieu au Racing Club de France, existaient depuis 1891, et ce n’est que lorsque la France reçut les Etats-Unis à l’occasion du « Challenge Round » de la Coupe Davis, que Roland-Garros fut construit.
C’est le premier et désormais le seul Grand Chelem disputé sur terre battue, la surface la plus lente, ce qui en fait le tournoi le plus difficile sur le plan physique. Comme Roland-Garros abrite également le Centre National d’Entraînement, c’est l’occasion pour de nombreux joueurs français de jouer devant leurs familles et leurs amis.
Les faits : 4h07 minutes, le match le plus long de l’histoire du tournoi féminin
Lorsque les Françaises Virginie Buisson et Noëlle van Lottum s’affrontent au premier tour de Roland-Garros, en 1995, personne ne s’attend à ce que leur match fasse un jour partie de l’histoire du tennis. Les deux jeunes femmes ont chacune intégré le grand tableau grâce à une invitation et, si van Lottum a déjà fait partie du top 100 et a disputé le troisième tour de l’US Open en 1992, Buisson, elle, fait ses premiers pas en Grand Chelem.
Ce duel franco-français entre deux joueuses au style très défensif se transforme rapidement en une bataille physique et mentale menée depuis la ligne de fond de court. Van Lottum semble prendre l’ascendant en remportant le premier set (7-6), mais Buisson est déterminée à tirer le meilleur parti de sa première apparition dans le tableau final d’un tournoi majeur. La 177e mondiale ne lâche rien, et même lorsqu’elle doit écarter une balle de match, au deuxième set, elle conserve son calme. Elle gagne le deuxième set, 7-5, avant de dérouler au troisième contre une adversaire épuisée : elle s’impose finalement (6-7, 7-5, 6-2) après quatre heures et sept minutes de jeu. Elles ne le savent pas encore, mais les deux Françaises viennent d’établir un nouveau record du plus long match féminin de l’histoire de Roland-Garros.
“Je vais m’étirer pendant un quart d’heure, une demi-heure, puis me reposer à l’hôtel”, déclare Virginie Buisson à la sortie du terrain, concentrée sur son match suivant contre la tête de série n°9, Kimiko Date. Des années plus tard, elle considèrera pourtant ce match contre le plus grand souvenir de sa carrière.
“Ce match contre Noëlle m’a vraiment marquée…menée un set à rien et balle de match pour elle au 2ème set, je ne me suis pas posé de question, j’ai joué chaque point très concentrée pour remporter le set au tie-break, et j’ai fini par gagner. Je me souviens qu’à la balle de match pour elle le public s’était levé et certains étaient prêts à partir! Je n’avais pas trop ressenti la fatigue à la fin au bout de 4h07 de jeu car à l’époque je faisais une grosse préparation physique pendant l’hiver. Avoir joué le match le plus long de l’histoire du tournoi ne m’a pas trop touchée car j’avais l’habitude de jouer des marathons, mais on m’a souvent parlé de ce record à Roland-Garros dans les années qui ont suivi.”
Comme on pourrait s’y attendre, le souvenir de ce match est un peu plus amer pour Noëlle van Lottum.
“Le fait d’avoir gagné ou perdu, ça change forcément la donne. J’ai perdu avec une balle de match, alors c’était forcément difficile, surtout que j’avais eu un accident de voiture quelques jours plus tôt, je n’étais pas au mieux. Avec le temps, c’est tout de même sympa de détenir un record, j’ai été contactée plusieurs fois à ce sujet. Une anecdote amusante : deux ans après, au premier tour, j’ai joué sur le même court, le court n°8, qui est depuis devenu le 5, et j’ai perdu 12-10 au troisième (contre Laura Golarsa, 4-6, 7-5, 12-10). On aurait du mal à jouer un match aussi long aujourd’hui, le tennis est tellement plus rapide, et c’est certainement mieux comme ça !”
La postérité du moment : Une victoire pour Buisson, sa dernière en Grand Chelem
Au tour suivant, Virginie Buisson sera logiquement éliminée par la n°9 mondiale, Kimiko Date (6-2, 6-1), qui atteindra cette année-là les demi-finales de Roland-Garros. Sa victoire au premier tour, à l’issue du plus long match de l’histoire de Roland-Garros, restera également sa seule apparition dans un tableau final de Grand Chelem. “Je me suis sérieusement blessée l’année suivante, une rupture du tendon d’Achille, et j’ai arrêté pendant un an. J’étais de retour deux ans plus tard aux qualifs de Roland, mais je n’ai jamais retrouvé mon niveau d’avant.”
Noëlle van Lottum remontera brièvement dans le top 100 en 1997, après avoir atteint le deuxième tour de l’Open d’Australie. Après une nouvelle défaite épique à Roland-Garros en 1997, elle fera sa dernière apparition sur les courts de la Porte d’Auteuil en 1998, battue au premier tour par Anne-Gaëlle Sidot (2-6, 6-2, 6-2).