27 mai 2016 : Le jour où Nadal a déclaré forfait à Roland-Garros
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 27 mai 2016, Rafael Nadal, alors neuf fois vainqueur à Roland-Garros en onze participations, déclare forfait avant son troisième tour.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Nadal jette l’éponge dans son antre, à Roland-Garros
Ce jour-là, le 27 mai 2016, Rafael Nadal, neuf fois vainqueur de Roland-Garros, se retire du tournoi avant son troisième tour contre son compatriote Marcel Granollers. Cette annonce totalement inattendue fait l’effet d’un tremblement de terre sur la planète tennis. Même si Nadal a récemment connu des difficultés, ses résultats sur terre battue par le passé, en particulier ici à Roland-Garros (9 victoires sur 10 possibles entre 2005 et 2014), en faisaient toujours l’un des favoris du tournoi.
L’histoire : Nadal déclare forfait à la surprise générale
En 2016, Rafael Nadal, le Roi de la terre battue, n’arrive pas à Roland-Garros aussi dominateur que lors de ses meilleures années. Le nonuple champion des Internationaux de France est en difficulté depuis son dernier titre du Grand Chelem, conquis à Paris en 2014, deux ans auparavant. Ses défaites à Wimbledon 2014 contre Nick Kyrgios (7-6, 5-7, 7-6, 6-3), ou contre Berdych en quarts de finale de l’Open d’Australie 2015, Nadal pouvait les supporter. Ce n’étaient pas ses premières désillusions sur surface rapide. Mais en 2015, il lui arrive quelque chose d’inédit : il se met à perdre sur terre battue.
Tout commence en février, à Rio de Janeiro, où il est éliminé en demi-finale par Fabio Fognini, qu’il avait battu au cours de leurs quatre précédentes rencontres (1-6, 6-2, 7-5).
Puis, au printemps, son rival Djokovic le domine en deux sets secs en demi-finale de Monte-Carlo (6-3, 6-3), avant que Fognini ne le batte une seconde fois en huitièmes de finale à Barcelone (6-4, 7-6). En finale de Rome, il est surclassé 6-2, 6-3 par Andy Murray, qui ne l’avait jamais battu sur terre battue.
Arrivé 7e mondial à Roland-Garros, il y retrouve Novak Djokovic pour un duel au sommet dont tout le monde parle, dès les quarts de finale. Non seulement il perd pour la première fois contre le Serbe à Paris, mais il est battu en trois petits sets (7-5, 6-3, 6-1) et semble impuissant sur le terrain.
Les choses ne s’améliorent pas sur surface rapide lors de la deuxième partie de saison, avec une défaite décevante au deuxième tour de Wimbledon contre le fantasque Dustin Brown, et une troisième défaite contre Fognini au troisième tour de l’US Open. Pour la première fois depuis 2004, Rafael Nadal termine la saison sans avoir remporté le moindre tournoi du Grand Chelem, ni le moindre Masters 1000.
Début 2016, les résultats de Nadal ne s’améliorent pas et le monde du tennis se met à parler d’un possible déclin. Il joue plus court qu’avant et ne fait plus les mêmes dégâts avec son coup droit, ce qui l’oblige à jouer un jeu défensif où il n’est plus aussi efficace que dans ses jeunes années. Mais le plus gros changement, c’est qu’il perd désormais beaucoup de matches très serrés et semble avoir perdu de sa force mentale.
En finale de Dubaï, Djokovic le démolit 6-1, 6-2. A l’Open d’Australie, il s’incline en cinq manches face à Fernando Verdasco, qu’il avait dominé 14 fois en 16 rencontres. A Rio de Janeiro, sur terre, il chute en finale contre Pablo Cuevas, 45e mondial (6-7, 7-6, 6-4). Rafael Nadal n’est plus le monstre qu’il fut et ses adversaires croient désormais en leurs chances.
Au printemps, le gaucher semble reprendre confiance à Monte-Carlo, lorsqu’il prend le dessus sur Gaël Monfils à l’issue d’une grande finale (7-5, 5-7, 6-0). Même s’il ne gagne ni à Madrid (battu par Murray – 7-5, 6-4), ni à Rome (battu par Djokovic – 7-5, 7-6), comme lors de ses belles années, son tennis est plus agressif et il redevient peu à peu lui-même au moment le plus important : à l’aube de Roland-Garros.
Ses deux premiers matches Porte d’Auteuil sonnent comme un avertissement : Rafa est de retour. Sam Groth et Facundo Bagnis sont proprement laminés, ne marquant que six jeux à eux deux. Contre l’Australien, battu 6-1 6-1 6-1, le Roi de la Terre s’offre même un petit plaisir sous la forme d’un passing entre les jambes gagnant. Il impressionne tellement que, bien que son prochain match est prévu samedi contre Marcel Granollers, tout le monde attend déjà avec impatience le choc contre Dominic Thiem en huitièmes de finale.
Le journaliste Rémi Bourrières est à Roland-Garros, ce vendredi 27 mars 2016, lorsqu’il entend que Rafael Nadal convoque une conférence de presse immédiate.
« Je ne savais pas ce qui se passait mais je me suis tout de suite dit qu’une convocation en urgence, ça ne pouvait pas être une bonne nouvelle. », se souvient-il.
« On était tous intrigués. La salle de conférence était tellement bondée que j’ai dû rester debout. Cinq minutes plus tard, Nadal est arrivé, avec une attelle au poignet, et a calmement annoncé qu’il devait se retirer en raison d’une blessure au poignet, que les médecins lui avaient dit stop.
Ça n’a pas duré très longtemps, cinq ou dix minutes au plus. Il a eu beau dire qu’il avait mal depuis plusieurs semaines, il n’avait montré aucun signe de douleur dans ses premiers matches, nous n’avions entendu aucune rumeur, personne n’avait rien vu venir. C’était un choc. »
Lorsque la conférence de presse se termine, Roland-Garros a perdu son nonuple champion, qui semblait être le seul à pouvoir défier le grand favori, Novak Djokovic. Le stade entier est comme anesthésié par la nouvelle, comme le confirme Thibault Venturino, l’un des sparring-partners du tournoi, qui s’était entraîné avec Nadal quelques jours auparavant :
« Rien n’aurait permis de dire qu’il avait mal. Il tapait dans la balle aussi fort que d’habitude et ne semblait pas spécialement inquiet ou nerveux. Quand j’ai entendu la nouvelle, j’ai d’abord cru à une plaisanterie, puis j’étais sous le choc. Pour moi, c’était totalement imprévisible, il paraissait si fort, si confiant. Et ensuite j’ai ri en me disant que c’était peut-être moi qui l’avais blessé en frappant trop fort. »
Pour la première fois de sa carrière, Nadal est éliminé d’un tournoi du Grand Chelem sans même avoir tenté sa chance sur le court. En son absence, Djokovic domine Andy Murray en finale et soulève enfin la Coupe des Mousquetaires.
La postérité du moment : Nadal gagnera en 2017, 2018, 2019, 2020…
Après son forfait à Roland-Garros, Rafa se retirera également de Wimbledon. Il vivra une fin de saison 2016 décevante, selon ses critères. Défait en cinq manches en huitièmes de finale de l’US Open par Lucas Pouille (6-1, 2-6, 6-4, 3-6, 7-6), il ne gagnera pas le moindre tournoi sur dur cette année-là et son plus grand résultat sera une médaille d’or en double gagnée avec Marc Lopez aux Jeux Olympiques de Rio. Il finira l’année 9e mondial, son plus mauvais classement depuis 2004.
Le 27 mai 2016, en annonçant son retrait du tournoi, Rafael Nadal avait déclaré :
« Je sens que j’ai assez de motivation et l’énergie nécessaire pour revenir à Roland-Garros ces prochaines années, c’est un tournoi que j’aime tellement. »
Il sera effectivement de retour en 2017, dans une forme bien différente. Après une finale perdue en cinq sets (6-4, 3-6, 6-1, 3-6, 6-3) contre Roger Federer à Melbourne, il remportera les Masters 1000 de Monte-Carlo et Madrid, arrivant à nouveau à Paris dans la peau du favori.
Non seulement il récupèrera son titre, mais il bouclera par la même occasion l’incroyable decima sans perdre un seul set, n’abandonnant que 35 jeux en sept matches, et surclassant en finale Stan Wawrinka, 6-2, 6-3, 6-1. Plus personne ne parlera alors de déclin. Définitivement revenu au sommet, le Taureau de Manacor, redevenu numéro 1 mondial en août, remportera un troisième US Open en 2017, puis un quatrième en 2019.
Finalement, après la conférence de presse de 2016, Nadal sera invaincu à Roland-Garros, triomphant donc en 2017, 2018 et 2019 pour détenir l’incroyable record de treize à Paris.