1er juin 2009 : Le jour où Federer a failli laisser passer la chance de sa vie

Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 1er juin 2009, Roger Federer renverse miraculeusement Tommy Haas en 8eme de finale de Roland-Garros, au lendemain de l’élimination de Rafael Nadal par Robin Söderling.

Roger Federer On This Day 01_06 Roger Federer On This Day 01_06

Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi cela a marqué l’histoire du tennis : Sans Nadal, Federer sous pression

Le 1er juin 2009, Roger Federer, mené deux sets à rien et balle de break au troisième set, parvient à remonter pour vaincre Tommy Haas en huitièmes de finale de Roland-Garros (6-7, 5-7, 6-4, 6-0, 6-2). Le Suisse inverse le cours du jeu avec un coup droit gagnant sur la ligne mémorable.

C’est une victoire marquante pour Federer, car son rival Rafael Nadal, qui l’avait battu lors des quatre précédentes éditions, avait été battu la veille à la surprise générale par Robin Söderling. La défaite de Nadal est pour Federer l’occasion idéale de gagner enfin Roland-Garros, le seul grand titre qui manque encore à son palmarès. Mais cela lui met aussi une incroyable pression sur les épaules, puisque le monde entier a désormais les yeux rivés sur lui et s’attend à le voir gagner le tournoi.

Les acteurs : Roger Federer et Tommy Haas

  • Roger Federer, la légende dont on annonce le déclin

En mai 2009, Roger Federer a 29 ans, et il traverse une période difficile. Il a dominé le tennis pendant les années 2004-2007, gagnant à peu près tout, à l’exception de Roland-Garros, le seul titre majeur après lequel il court encore. Rafael Nadal en est la principale raison : à trois reprises, il a buté sur lui en finale, en 2006, 2007 et 2008. D’ailleurs, cette saison 2008 a été un tournant dans la carrière du Suisse. Tout d’abord, le jeune Novak Djokovic l’a battu en demi-finale de l’Open d’Australie (7-5, 6-3, 7-6), mais le pire était encore à venir. Son rival Rafael Nadal, après l’avoir démoli lors d’une douloureuse finale à Paris (6-3, 6-1, 6-0), a réussi à le mettre à terre en son jardin de Wimbledon, après cinq sets de combat acharné (6-4, 6-4, 6-7, 6-7, 9-7). Quand l’Espagnol s’est permis de le renverser du trône de numéro 1 mondial qu’il occupait depuis 237 semaines consécutives, Federer a probablement cru toucher le fond.

Si c’est le cas il avait tort. Il allait toucher le fond à l’Open d’Australie 2009, en s’inclinant à nouveau contre Nadal en cinq sets (7-5, 3-6, 7-6, 3-6, 6-2), et s’effondrer en larmes lors de la remise des trophées. Au mois de mai, Federer n’est pas seulement devenu le dauphin de l’Espagnol. Mais il a également subi des défaites face à Djokovic, Andy Murray et Stan Wawrinka. Pour la première fois depuis 2000, il n’a pas gagné le moindre tournoi lors des quatre premiers mois de la saison. Les journalistes commencent à parler de déclin. Mais le Suisse, qui remporte alors le tournoi de Madrid, en battant Nadal sur terre battue pour la deuxième fois de sa carrière, leur rappelle que la légende est encore vivante et qu’il n’a pas abandonné sa quête de Roland-Garros.

  • Tommy Haas, un ancien 2e mondial au parcours tortueux

Tommy Haas est né en Allemagne en 1978. Mais il est un produit de l’académie de Nick Bollettieri, en Floride, où il est parti s’entraîner à l’adolescence. Il y a développé un jeu offensif basé sur un bon service et un excellent coup droit. Il a obtenu ses meilleurs résultats à l’Open d’Australie, où il a atteint les demi-finales à trois reprises, en 1999, 2002 et 2007, et a gagné une médaille d’argent aux Jeux de Sydney en 2000.

Arnaud Di Pasquale (France), Evgueny Kafelnikov (Russia) and Tommy Haas (Germany), 2000 Olympic Games

Tommy Haas a remporté 11 titres sur le circuit, mais aucun sur terre battue européenne, sur laquelle sa meilleure performance reste une finale à Rome en 2002, perdue contre Andre Agassi. Il atteint son meilleur classement, 2e mondial, en mai 2002, avant d’interrompre sa carrière pendant toute l’année 2003. Son père, victime d’un accident de la route, est alors dans le coma et Haas s’éloigne du circuit pour prendre soin de sa famille.

De retour en 2004, il remonte en moins d’un an dans le Top 20, mais ne parvient pas à réintégrer le Top 10 avant janvier 2007, juste après sa demi-finale à l’Open d’Australie. Blessé en 2008, il commence la saison 2009 au 80e rang mondial et se trouve à la 63e place lorsque débute Roland-Garros.

Le lieu : Roland-Garros

Cette histoire a lieu à Roland-Garros. Le stade, situé dans l’ouest parisien, à la lisière du bois de Boulogne, accueille les Internationaux de France depuis 1928. Ce fut le premier et désormais le seul tournoi du Grand Chelem sur terre battue, la surface la plus lente, ce qui en fait le tournoi le plus difficile à gagner sur le plan physique. Avec la domination des joueurs de fond de court comme Gustavo Kuerten, Juan Carlos Ferrero et ensuite bien sûr Rafael Nadal, gagner Roland-Garros est devenu le plus grand défi pour les attaquants tels que Tommy Haas ou Roger Federer, qui aiment bien monter au filet.

JUAN CARLOS FERRERO – Attitude – Finale Roland Garros 2003 – Homme – Tennis – 08.06.2003 – joie largeur

L’Allemand n’a jamais dépassé les huitièmes de finale à Roland-Garros, tandis que Federer, lui, y a été finaliste trois années de suite, de 2006 à 2008. Il a été défait à chaque fois par le même homme, Nadal. C’est le seul tournoi du Grand Chelem où le Suisse n’a encore jamais triomphé.

L’histoire

L’histoire du match entre Roger Federer et Tommy Haas, disputé le 1er juin 2009, commence la veille, le 31 mai. Elle commence à l’instant même où Robin Söderling vient à bout du “Roi de la Terre Battue”, Rafael Nadal (6-2, 6-7, 6-4, 7-6).

Depuis ce moment, le tournoi a pris une nouvelle tournure pour le numéro 2 mondial, Roger Federer. Son bourreau, le joueur qui l’a privé de gagner Roland-Garros lors de trois finales consécutives, est éliminé contre toute attente par un joueur inattendu. Des années plus tard, le Suisse dira qu’il avait quitté le stade, alors que Söderling avait gagné le premier set, sans imaginer un seul instant que le Suédois allait finir par gagner le match ! Arrivé à l’hôtel, Federer découvre qu’il a eu tort : Nadal a été bouté hors du tournoi. Il comprend tout de suite qu’il tient sa chance de remporter enfin ce titre après lequel il court depuis si longtemps. Le monde entier l’a compris aussi, et cette occasion en or lui met une nouvelle pression sur les épaules.

Lorsque Federer et Haas entrent sur le court pour disputer leur huitième de finale le lendemain, Roland-Garros est sous le choc, comme frappé par un tremblement de terre. Nadal est sorti du tournoi, ça sera forcément l’année Federer. Tout le monde s’interroge sur la défaite de l’Espagnol et anticipe le premier titre de Federer à Roland-Garros. Bien peu portent la moindre attention à Tommy Haas. Le public parisien ne connaît pas très bien l’Allemand, 63e mondial, qui n’a jamais obtenu des résultats extraordinaires Porte d’Auteuil. De plus, il n’a battu Federer que deux fois en dix rencontres, la dernière fois en 2002, alors qu’il était au sommet de sa forme et Federer un novice du circuit. Pourtant, il s’apprête à se rappeler à son bon souvenir.

Tommy Haas at Roland-Garros in 2009
Tommy Haas at Roland-Garros in 2009 © JB Autissier / PanoramiC

Dès les premiers jeux du match, il est évident que Federer est sous pression. Il se sent maintenant obligé de gagner le tournoi, et il se disperse entre les attentes qui pèsent sur ses épaules, son propre tennis, et son adversaire qui fait tout pour lui compliquer la vie. Pendant que Federer, très tendu, est incapable de se montrer aussi offensif que d’habitude sans commettre d’erreurs, Haas livre un grand début de match, notamment au service. Il empoche le premier set au tie-break, 7-6.

Au deuxième set, le Suisse n’arrive toujours pas à lâcher prise. Malgré le soutien du public, il continue à creuser sa propre tombe, toujours timoré en coup droit, ratant un peu plus qu’à l’accoutumée. Non seulement Tommy Haas gagne le deuxième set 7-5, mais il obtient bientôt une balle de break à 4-3 au troisième set. A un moment pareil, c’est presque une balle de match. L’Allemand l’admettra lui-même :

“Je mentirais si je disais que je n’ai pas pensé, ‘hey, si je gagne ce point, je vais gagner le match, je vais l’achever avec mon service'”.

Haas ne sait pas à quel point il voit juste : ce point va décider de l’issue du match. Pas de la façon qu’il espérait.

Lorsque Roger Federer rate son premier service, un frisson parcourt le public. Est-il vraiment possible que, à peine 24 heures après que Nadal ait perdu, le nouveau favori se fasse sortir à son tour, et rate de cette façon la chance de sa vie ? La deuxième balle de Federer va sur le revers de Tommy Haas, et l’Allemand réplique par un retour croisé assez croisé pour engager l’échange du fond de court contre n’importe qui. Sauf que Federer n’est pas n’importe qui. A ce moment désespéré, Federer sort le coup de génie qui différencie un très bon joueur d’un joueur vainqueur de 13 titres du Grand Chelem. Il tourne autour de son revers et lâche un coup droit décroisé qui fend l’air et retombe sur la ligne avant même que Haas n’ait cligné des yeux.

La confiance change de camp. L’Allemand est assommé par ce coup incroyable que Federer a sorti de sa poche à un moment si important. Roger gagne les neuf jeux suivants en même temps que les troisième et quatrième sets Tommy Haas a beau essayer de reprendre ses esprits au début du cinquième set, Federer est maintenant trop fort pour lui et conclut avec autorité.

La postérité du moment

Roger Federer aura bien du mal. Mais il triomphera bien à Roland-Garros en 2009, pour la première et unique fois de sa carrière. Sérieusement bousculé en demi-finales par Juan Martin Del Potro (3-6 7-6 2-6 6-1 6-4), il gère bien la finale en battant l’homme qui l’a débarrassé de Rafael Nadal, Robin Söderling (6-1 7-6 6-4). Plus tard, Federer évoquera la pression ressentie à Paris cette année-là :

“J’étais épuisé mentalement parce que j’avais l’impression d’avoir joué quatre finales à Paris, à cause de la pression.”

Roger Federer, 2009 French Open

Federer s’imposera à Wimbledon un mois plus tard, et il y battra par la même occasion le record de Pete Sampras avec un quinzième titre du Grand Chelem, tout en récupérant la place de numéro 1 mondial. Le Suisse disputera encore une finale à Roland-Garros, où son rival Nadal le dominera encore (7-5, 7-6, 5-7, 6-1).

Haas confirmera sa grande forme en atteignant les demi-finales de Wimbledon, où il sera à nouveau vaincu par Federer (7-5, 7-5, 6-3). Après des saisons 2010 et 2011 gâchées par les blessures, Haas fera un come-back de plus et remontera jusqu’à la 11e place mondiale en juin 2013. Ses derniers résultats marquants seront un titre à Halle en 2012, aux dépens de Federer (7-6, 6-4), et un quart de finale à Roland-Garros 2013 (battu par Novak Djokovic, 6-3, 7-6, 7-5). Il apparaîtra ensuite plus rarement sur le circuit, gêné par de nombreuses blessures, et accaparé par son nouveau poste de directeur du tournoi d’Indian Wells. Il prendra officiellement sa retraite en 2018.

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