16 juin 1974 : Le jour où Björn Borg et Chris Evert ont triomphé pour la première fois à Roland-Garros
Chaque jour, Tennis Majors remonte le temps pour revenir sur un événement marquant pour la planète tennis. Le 16 juin 1974, Bjorn Borg et Chris Evert gagnaient à Roland-Garros leur premier titre du Grand Chelem.
Ce qui s’est passé ce jour-là et pourquoi c’est historique : Une première pour deux légendes
Ce jour-là, le 16 juin 1974, le Suédois Bjorn Borg, 18 ans, et Chris Evert, 19 ans, triomphent tous deux pour la première fois à Roland-Garros. Plus jeune joueur à avoir jamais remporté le tournoi, Borg remonte un handicap de deux sets pour battre Manuel Orantes en finale (2-6 6-7 6-0 6-1 6-1), tandis qu’Evert, qui restera invaincue sur terre battue jusqu’en 1979, surclasse Olga Morozova (6-1, 6-2).
C’est la première page de leur légende, le premier des 11 titres majeurs remportés par Borg, et le premier des 18 pour Evert. Le Suédois deviendra la première « rock star » du tennis, plus célèbre qu’aucun joueur avant lui, et la « Borgmania » contribuera à l’essor du tennis.
Les personnages : Bjorn Borg et Chris Evert
- Bjorn Borg, l’étoile montante du tennis
Björn Borg, né en 1956, commence le tennis à l’âge de 9 ans. A l’âge de 15 ans, il fait déjà partie de l’équipe suédoise de Coupe Davis. Pour sa première participation à cette compétition, il gagne son simple contre le Néo-Zélandais Onny Parun. Il passe pro l’année suivante, en 1973, avant même de fêter ses 17 ans. Il atteint bientôt la finale de Monte-Carlo, où il est battu par Ilie Nastase (6-4 6-1 6-2). Pour son premier Roland-Garros, il se hisse en huitièmes de finale, éliminé par Adriano Panatta (7-6 2-6 7-5 7-6).
En janvier 1974, il gagne son premier tournoi à Auckland, un succès suivi de trois autres titres, à Londres, Sao Paulo et, le plus important, à Rome, où il prend sa revanche sur Nastase en finale (6-3 6-4 6-2). Avec ce titre en Italie, il est tête de série no.3 à Roland-Garros. Malgré son jeune âge, il est l’un des favoris du tournoi. Son style de jeu, avec un usage inhabituel du lift et un revers à deux mains très curieux pour l’époque, est simplement révolutionnaire et sera copié dans le monde entier.
- Manuel Orantes, plus qu’un spécialiste de terre battue
Manuel Orantes est né en 1949. Le gaucher espagnol dispute sa meilleure saison sur le circuit en 1972, lorsqu’il remporte trois tournois d’affilée sur terre battue (dont le titre le plus important de sa carrière, à Rome), avant d’atteindre les demi-finales à Roland-Garros (battu par Patrick Proisy, 6-3 7-5 6-2) et Wimbledon (éliminé par Ilie Nastase, 6-3 6-4 6-4). A l’aube de Roland-Garros 1974, il a déjà inscrit 14 titres à son palmarès.
- Chris Evert, la prodige
Chris Evert est née en 1954 en Floride. Entraînée par son père, elle développe un jeu basé sur la régularité, tenant ses adversaires à distance du filet grâce à sa longueur de balle, et les sanctionnant avec d’excellents passing shots si elles montent imprudemment. Elle obtient son premier résultat notable à l’âge de 16 ans, se hissant en demi-finales de l’US Open (éliminée par la numéro 1 mondiale, Billie Jean King, 6-3, 6-2). En 1973, à 18 ans, elle est finaliste à Roland-Garros et à Wimbledon, battue par les deux meilleures joueuses du monde, King et Margaret Court, et elle démarre 1974 sur une nouvelle défaite en finale de Grand Chelem, en Australie, battue par Evonne Goolagong (7-6, 4-6, 6-0).
- Olga Morozova, régulière en Grand Chelem
La Soviétique Olga Morozova est née en 1949. Elle évolue au plus haut niveau depuis 1972, l’année où elle a obtenu ses premiers résultats remarquables, atteignant les quarts de finale de tous les Grands Chelems sauf Wimbledon. En avril 1974, quelques semaines avant Roland-Garros, elle remporte le plus important de ses sept titres, en battant Billie Jean King en finale du Virginia Slims de Philadelphie (7-6, 6-1).
Le lieu : Roland-Garros
L’histoire se déroule à Roland-Garros. Le stade, situé dans l’ouest parisien, à la lisière du bois de Boulogne, accueille les Internationaux de France depuis 1928. C’est le premier et désormais le seul Grand Chelem disputé sur terre battue, la surface la plus lente, ce qui en fait le tournoi le plus difficile sur le plan physique.
L’histoire : Chris Evert et Bjorn Borg sacrés le même jour
En 1974, en l’absence de Billie Jean King et d’Evonne Goolagong, considérées à l’époque comme les deux meilleures joueuses du monde, Chris Evert, 19 ans, est la favorite de Roland-Garros. Depuis sa terrible défaite face à Margaret Court en finale de Roland-Garros en 1973 (où elle s’est effondrée après avoir mené 7-6, 5-3), l’Américaine a remporté pas moins de 13 tournois. Elle a dominé toute la saison sur terre battue sans la moindre défaite et arrive à Paris pleine de confiance. Déterminée à remporter son premier titre majeur, “Chrissie” traverse le tableau sans encombre et se hisse en finale sans perdre un seul set. Le dernier jour du tournoi, bien qu’elle affronte Olga Morozova, avec qui elle avait remporté l’épreuve du double, elle ne fait preuve d’aucune pitié, s’imposant 6-1, 6-2.
En 1974, Björn Borg est le plus jeune joueur du tableau de Roland-Garros, auquel il participe pour la deuxième fois. Depuis son triomphe à Rome, il fait partie des favoris du tournoi. En chemin vers la finale, il a fait preuve d’un grand self-control pour se tirer de deux bagarres en cinq sets : la première en huitièmes de finale contre Erik Van Dillen (0-6 6-3 6-3 5-7 6-3), la deuxième en quarts de finale contre Raul Ramirez (6-2 5-7 4-6 6-2 6-3).
Manuel Orantes, âgé de 27 ans, a plus d’expérience. Pour parvenir en finale, il a éliminé l’étoile montante du tennis argentin, Guillermo Vilas (3-6 3-6 7-6 6-3 6-2), et le 6e mondial Arthur Ashe en huitièmes de finale (6-1 6-2 6-2). Borg et Orantes se sont déjà affrontés à cinq reprises. Après qu’Orantes a dominé Borg sans perdre un set lors de leurs trois premières rencontres, Bjorn Borg a gagné leurs deux derniers duels.
Aucun des deux joueurs n’a déjà disputé une finale de Grand Chelem. Au début, l’expérience d’Orantes semble lui permettre de prendre le dessus. Il est encore frais et, grâce à son élégante technique associée à son toucher de balle délicieux, il domine un Björn Borg attentiste. L’Espagnol empoche le premier set, 6-2. Baladant le Suédois dans tous les sens à l’aide de son superbe revers, Orantes continue à se diriger vers la victoire et se détache 4-1 au deuxième set. Les frappes de Borg gagnent alors en longueur ainsi qu’en lift. Il recolle au score et obtient une balle de set à 5-4. Bien qu’Orantes parvienne à la sauver, puis à remporter le tie-break 7-4 pour prendre une avance de deux sets, il n’est pas en mesure d’empêcher Borg d’inverser brutalement le cours du match. Epuisé par la régularité de Borg, tenu à distance par son lift, Orantes s’effondre et perd les trois sets suivants, 6-0 6-1 6-1. L’Espagnol, au bout du rouleau, ne marque que quatre points au cours des cinq derniers jeux. Une légende est née.
La postérité du moment : Evert et Borg deviendront des légendes
Quelques semaines plus tard, Evert affrontera la même Morozova en finale de Wimbledon et remportera un deuxième titre du Grand Chelem (6-0, 6-4). L’Américaine restera invaincue sur terre battue jusqu’en 1979, établissant un record de 125 victoires consécutives sur sa surface favorite. Alors que Morozova n’atteindra jamais une autre finale de Grand Chelem, Evert accumulera un total de 18 titres majeurs et passera 260 semaines à la première place mondiale. Sa rivalité avec Martina Navratilova sera l’une des plus grandes de l’histoire du tennis.
Manuel Orantes atteindra une deuxième finale de Grand Chelem, en 1975, à l’US Open. Cette fois, à Forest Hills, il dominera le numéro 1 mondial Jimmy Connors (6-4 6-3 6-3) pour remporter le seul titre majeur de sa carrière. Orantes inscrira à son palmarès le dernier de ses 33 titres en avril 1982, à Bournemouth.
Björn Borg deviendra la plus grande star de tennis de son époque. Au total, il remportera 11 tournois du Grand Chelem entre 1974 et 1981 : il triomphera six fois à Roland-Garros (1974, 1975, 1978, 1979, 1980, 1981) et cinq fois d’affilée à Wimbledon (1976-1980). Son sang-froid lui vaudra le surnom d’ »Ice Borg », et son jeu de fond de court inspirera des milliers de joueurs de tennis à travers le monde. Victime de l’attention permanente dont il est l’objet et de la pression qui en découle, il explosera en plein vol et prendra sa retraite en 1981, à l’âge de 26 ans. Il comptait déjà 64 tournois à son palmarès et avait occupé la place de numéro 1 mondial pendant 109 semaines. Armé de sa raquette en bois, il tentera un come-back qui tournera court au début des années 1990.