Zverev le savait pertinemment : il devait impérativement être offensif contre Sinner, et pourtant, il est resté passif

Pris pour un vulgaire sac de frappe par Jannik Sinner en finale de l’Open d’Australie, Alexander Zverev n’a que très rarement cherché à se rebeller en tenant lui aussi d’être agressif pour bousculer l’Italien.

Alexander Zverev, Open d'Australie 2025 Alexander Zverev, finaliste malheureux de l’Open d’Australie 2025 (Psnewz)
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Parfois, ce n’est pas la couronne qui pèse lourd sur une tête, mais simplement l’idée d’être proche de la porter. Enfin. Battu à plate couture – comme disent les jeunes – par Jannik Sinner en finale de l’Open d’Australie, Alexander Zverev a assis son statut de « plus grand joueur de tous les temps sans titre du Grand Chelem ». En partie parce que, cerveau bouffé, enfermé par l’enjeu, il n’a pas réussi à libérer totalement son esprit, et donc son bras et ses jambes.

En conférence de presse, pour expliquer sa défaite 6-3, 7-6⁴, 6-3 en 2h42, l’escogriffe a déclaré : « Il m’a complètement surpassé. J’ai mieux servi que lui, mais c’est tout. Il fait tout (le reste) mieux que moi. Il se déplace mieux, il frappe mieux que moi en coup droit, il frappe mieux que moi en revers, il retourne mieux que moi, il volleye mieux que moi. Le tennis comporte cinq ou six secteurs primordiaux, il m’est supérieur dans quatre ou cinq. »

L’Allemand a oublié d’en citer un : la gestion des émotions. Celle, pas encore « masterisée » – comme disent les vieux –, qui l’a empêchée de décocher des flèches pour atteindre sa cible dans les moments importants. Ne trouvant pas le relâchement pour bander son arc, Zverev s’est mis sur une corde raide au-dessus d’un précipice dans lequel les coups de butoirs de Sinner l’ont fait sombrer.

Le tennis ne se joue plus en défense. (…) Ne pas reculer, prendre sa chance dans les moments importants.

Le corps partant régulièrement en arrière – parfois même au point de « boiser » ses coups droits – pour traduire sa peur d’avancer et de partir à la faute, le natif d’Hambourg s’est montré trop passif aux instants cruciaux (et dans les rares moments où Sinner lui a laissé une fenêtre de tir). À l’image du dernier jeu de la rencontre où, bien que n’ayant plus grand-chose à perdre, il s’est posé en victime condamnée en se contentant de remettre la balle au centre, sans rien tenter, en attendant que son adversaire lui balance ses gifles pour prononcer la sentence et le laisser avec le joufflu rougi par la correction reçue.

Le plus rageant, pour lui, dans cette histoire étant le fait qu’il a, pourtant, pris conscience de la nécessité d’aller de l’avant afin de se donner les moyens d’atteindre un jour son rêve ultime de sacre en Majeur. « Tout le monde parle des qualités défensives de Sinner et Alcaraz, mais, en fait, il ne passent pas tant de temps que ça en défense », a-t-il fait remarquer lors du Masters l’an passé. « Aujourd’hui, le tennis ne se joue plus en défense. C’était davantage le cas quelques années en arrière, le jeu était un peu plus lent. »

« Maintenant, ces gars sont à l’attaque 90 % du temps », avait-t-il ajouté. « Il faut pouvoir rivaliser avec eux en ce qui concerne la vitesse d’exécution. C’est le plus important. Ne pas reculer, prendre sa chance dans les moments importants. C’est peut-être dans ce domaine, aussi, où j’ai eu du mal jusqu’à présent, et dans lequel je dois encore m’améliorer. Faire confiance à mes frappes, et y aller quand il le faut. »

Zverev a déjà démontré sa capacité à être agressif, mais il n’y arrive pas (encore ?) lors des moments de pression extrême

S’accrochant, comme il a pu, presque exclusivement grâce à la qualité de son premier service, le numéro 2 mondial a fait de la figuration lors des engagements du patron du circuit : aucune balle de break, 16 % (9/57) de points remportés en retour de première balle, 37 % (14/38) en relance de seconde. Derrière ses propres deuxièmes balles, il est sorti vainqueur 50 % (15/30) du temps. De quoi traduire la très nette domination de son rival du jour à l’échange. Notamment parce qu’il a tendu le bâton pour se faire battre en manquant d’agressivité.

Certes, rien ne disait qu’en se montrant plus entreprenant, Zverev aurait pu battre un Sinner de cette trempe, qu’il a même comparé à un « prime Novak (Djokovic) ». Mais il était absolument certain que ses chances se réduiraient comme peau chagrin, jusqu’à ne lui laisser que ses yeux pour pleurer pendant la remise des trophées, en acceptant autant de subir. Travers dans lequel il était retombé contre Taylor Fritz en demi-finale du « tournoi des maîtres » en novembre.

Alors pourquoi, diantre – comme disent les très, très jeunes –, n’a-t-il pas été radicalement plus offensif alors qu’il savait pertinemment – comme l’ont démontré ses déclarations des ATP Finals – qu’un plan défensif face à cet opposant lui garantirait un résultat ajoutant un « N » devant ses initiales « AZ » ? Le stress lié à l’importance colossale de gagner, enfin, son premier Majeur, le but de toute une vie, après deux échecs en finale, sans doute. Lors de duels à pression moins impactante, Zverev a déjà fait étalage, en fin de saison dernière par exemple, de sa capacité a prendre les choses en mains, y compris avec son coup droit, notamment pour terminer le travail dans la foulée de son service.

Zverev a (un peu) essayé de se mettre en chasse de son premier Majeur en étant agressif : le naturel est revenu au galop

Il a aussi su le faire pendant des matchs attendus par la planète entière. Si ce n’était qu’un premier tour, à Roland-Garros il avait réussi à saouler de coups Rafael Nadal – bien que celui-ci n’avait plus ses armes d’antan pour riposter – afin de ne pas le laisser respirer. Ce type de performance lui a permis d’ancrer en lui ses facultés à s’affirmer comme un attaquant (de fond de court) jouant plus proche de sa ligne, pour faire cavaler ses adversaires plutôt que d’être trimballé d’un coin à l’autre lors des rallyes.

Mais cette ancre n’a pas encore été accompagnée d’une chaîne suffisamment longue, construite maillon après maillon, pour tenir à des profondeurs ou la pression est autrement plus forte. Contre Sinner, Zverev a bien tenté de partir à l’abordage. Dans la première manche, surtout, il a plusieurs fois pris le filet après des enchaînements services, coups droits. Seul hic, l’encéphale gangréné par l’enjeu, le bras et les guiboles n’ont pas eu l’engagement et le relâchement suffisant pour fouetter la boule de feutre jaune avec efficacité, et il s’est fait transpercer par les passings.

Face à ses échecs à répétition, sa croyance en lui s’effritant, il a fini, logiquement, par se retrancher dans sa zone de confort : reculer, remettre, pour contrer ou pousser son opposant à la faute. Ce en quoi il s’est toujours senti le plus à l’aise. Son cocon, duquel il devra continuer à se forcer de sortir pour ne plus être chenille clouée au sol en finale de Grand Chelem, mais papillon capable d’atteindre le septième ciel.

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