Sinner, plus fort que jamais sous l’orage : « Le terrain de tennis est devenu son refuge »

Alors que le TAS (ré)examinera son cas de dopage en avril, Jannik Sinner, qui n’avait déjà plus beaucoup de failles dans son jeu, paraît plus fort que jamais mentalement sur cet Open d’Australie, où il défendra son titre dimanche contre Alexander Zverev.

Jannik Sinner Open d'Australie 2025 poing serré © Imago / Psnewz

Jannik Sinner est-il devenu imbattable, notamment sur dur et à l’Open Australie ? Avant d’aller jusque-là, on va prudemment attendre de voir la finale extrêmement délicate qui l’attend dimanche contre Alexander Zverev, l’un des rares joueurs qui mène dans ses face-à-face avec lui (4-2) et qui paraît lui-même, à 27 ans, dans les meilleures dispositions de sa carrière. Mais quand les superlatifs commencent à manquer pour qualifier la manière dont l’Italien piétine le tennis mondial depuis six mois – une seule défaite depuis Wimbledon , quatre titres plus la coupe Davis entretemps, une série en cours de 20 succès consécutifs -, c’est à peu près le seul mot qui finit par fleurir dans tous les commentaires.

Après sa nouvelle démonstration face à Ben Shelton vendredi en demi-finale de l’Open d’Australie, la question a d’ailleurs été directement posée au principal intéressé qui, bien entendu – vous le connaissez – ne s’est pas égaré dans des déclarations fanfaronnes. « Non, je ne suis pas imbattable », a-t-il répondu depuis la salle de conférence de presse de Melbourne, où il n’a laissé échapper que deux sets depuis le début de la quinzaine, presque par accident. « Je suis juste bien préparé et j’essaie de rester calme, de ne jamais prendre les choses pour acquises. Mais j’ai 23 ans et je ne suis pas parfait. Il y a encore des domaines dans lesquels je peux m’améliorer, et c’est ce sur quoi je travaille dur chaque jour. »

Au-delà de son tennis à haute cadence et de ses coups de fouet supersoniques en coup droit, ce qui commence à se voir de plus en plus chez le numéro 1 mondial, c’est le sang-froid extraordinaire dont il fait preuve dans les moments chauds. Face à Shelton, il a encore été écœurant sur ce plan. Certes, l’Américain a eu le mauvais goût de commettre deux fautes en coup droit sur ses deux balles de premier set. Mais c’est aussi parce que Sinner, dans ces moments-là, n’a plus rien raté à l’échange, cadenassant soudainement tous les verrous de son jeu qui n’avait, jusque-là, pas été particulièrement flamboyant. Une faculté qui est l’apanage des plus grands, et qui n’est évidemment pas sans rappeler celui auquel il est si souvent comparé, Novak Djokovic.

Et c’est comme ça, pour ainsi dire, depuis un an et son premier sacre majeur décroché en 2024, à l’Open d’Australie. Sur les 52 dernières semaines écoulées, l’Italien caracole en tête des statistiques établies par l’ATP sur les « points marqués sous pression », un algorithme mélangeant savamment les balles de break converties et sauvées, ainsi que les tie breaks et les sets décisifs remportés. En sachant que ces statistiques ne prennent pas en compte l’Open d’Australie en cours, lors duquel il aura encore un peu plus enjolivé ses chiffres.

Impressionnant, vraiment, surtout dans le contexte que l’on sait, à savoir déjà sous la pression de devoir défendre un premier titre du Grand Chelem. « Ce n’est vraiment pas évident de revenir défendre un Majeur pour la première fois de sa carrière », souligne l’un de ses deux entraîneurs, Darren Cahill, qui prendra en fin de saison une retraite bien méritée. « Jannik a eu beaucoup de choses à gérer ici, et nous ne pourrions pas être plus fiers de la manière dont il s’est comporté sur et en dehors du terrain. Il n’a que 23 ans mais j’ai parfois l’impression qu’il est beaucoup plus vieux et plus sage que nous. C’est un jeune homme incroyable. »

Le compliment, qu’il a répété plusieurs fois, vaut son pesant d’or de la part d’un homme au pedigree immense, qui a notamment emmené Lleyton Hewitt à la place de n°1 mondial et Andre Agassi à son dernier titre du Grand Chelem, ici-même, en 2003. Mais c’est vrai que la manière dont Sinner parvient à garder ses nerfs et son jeu a quelque chose de fascinant vu l’énorme épée de Damoclès avec laquelle il évolue, alors que le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) l’entendra les 15 et 16 avrils prochains dans le cadre de son contrôle antidopage positif au Clostébol survenu l’an dernier. Contrôle pour lequel il avait été blanchi en première instance au mois d’août par un tribunal indépendant, avant que l’Agence Mondiale Antidopage ne fasse appel auprès du TAS.

la raison pour laquelle il gère aussi bien la pression, c’est en grande partie parce qu’il a la conscience tranquille (darren cahill)

Son image, auparavant extrêmement lisse, en a pris un coup dans l’histoire. Mais sa force mentale, curieusement, semble s’en trouver décuplée depuis. « Il y a des moments où cette histoire nous touche, mais je crois qu’en fait, le terrain de tennis est devenu son refuge », poursuit le coach australien. « C’est en quelque sorte sa maison, là où il se sent en sécurité, là où il peut faire son truc en sachant qu’il le fait très bien. Et la raison pour laquelle il gère aussi bien la pression, c’est en grande partie parce qu’il a la conscience tranquille. Il peut aller sur le court la tête haute, avec cette croyance et cette confiance en lui. »

Presque comme si cette épreuve l’aidait et l’avait rendu d’autant plus fort. Son entraîneur en chef, l’Italien Simone Vagnozzi, rajoute qu’un des secrets de son compatriote réside dans son amour des moments chauds. « Jannik aime ces situations, ces points joués sous pression, ces moments difficiles », fait-il remarquer. « En fait, c’est comme s’il aimait traverser des tempêtes. Quand le score devient vraiment tendu, en général, c’est là qu’il va sortir son meilleur tennis. Contre Shelton, dans le premier set, il n’a pas très bien joué tactiquement. Mais avec sa résilience et son envie de se battre, il a trouvé le moyen de renverser ce set et de jouer son meilleur tennis au tie break. »

A vrai dire, il n’y a plus qu’un seul doute à balayer chez Jannik Sinner : sa capacité à tenir physiquement la distance dans les marathons en cinq sets, lui qui affiche pour l’heure un ratio négatif en la matière (6-9), à l’inverse d’Alexander Zverev (23-13). A charge donc de ce dernier d’instaurer le combat au long cours, mais c’est plus facile à dire qu’à faire : en général, le rouleau compresseur transalpin a déjà tout écrasé avant le gong du money-time.

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