Shapovalov : “Oui, Rafa a bénéficié d’un traitement de faveur de la part de l’arbitre, à 100%”
En conférence de presse, Denis Shapovalov et Rafael Nadal se sont exprimés sur les épisodes avec l’arbitre et les différentes pauses prises au cours du duel.
Après les échanges sur le court, place aux explications devant les micros. Outre Rafael Nadal, Denis Shapovalov a aussi ferrailler avec Carlos Bernardes, l’arbitre, lors de sa défaite – 6-3, 6-4, 4-6, 3-6, 6-3 en 4h08 – en quarts de finale de l’Open d’Australie. A la fin de la première manche, estimant que l’Espagnol mettait trop de temps à se lever de sa chaise après le “time” signifiant la reprise du jeu, le Canadien s’est un tantinet emporté. “Vous êtes tous corrompus”, a-t-il envoyé en tant qu’algarade à l’homme trônant sur son perchoir.
“Je pense que je me suis mal exprimé en disant qu’il était corrompu, le mot était mal choisi”, a-t-il expliqué en conférence de presse. “J’étais sous le coup de l’émotion, mais je maintiens ma pensée sur le fond. Je pense que c’est injuste, toutes ces fois où Rafa s’en tire à bon compte (par rapport aux dépassement de temps). J’étais totalement prêt à jouer, le temps était écoulé depuis une minute, et il (Carlos Bernardes) me dit qu’il ne lui donnera pas d’avertissement parce que je n’étais pas prêt. Me dire ça, c’est une énorme blague.”
Toute ces fois où Rafa s’en tire à bon compte, c’est injuste.
Denis Shapovalov
Invité à s’exprimer sur le sujet par les journalistes, l’accusé a livré sa version des faits. “Je sais que j’ai pris un peu de temps supplémentaire à la fin de la première manche parce que j’avais besoin de me changer complètement”, a-t-il expliqué. “Dans ce cas-là, normalement, à la fin d’un set, l’arbitre vous accorde un peu plus de temps, surtout dans des conditions aussi humides. A ce moment-là, Denis s’est énervé, parce que l’arbitre avait dit ‘time’ et il me fallait encore 30 secondes. Ne pas être sanctionné par Carlos, je pense que c’était juste, car il avait fait un erreur en annonçant la reprise un peu trop tôt.”
“Selon moi, Denis a eu tort dans cette situation”, a-t-il poursuivi. “Je comprends qu’il voulait jouer vite après avoir perdu le set, mais je pense qu’avec un peu de recul il en prendra conscience qu’on a normalement un peu plus de temps pour se changer (sur le court) en fin de set.” En attendant, à chaud, le Canadien n’en a pas démordu. Pour lui, les meilleurs joueurs de la planète sont avantagés par les arbitres. A 1-0 pour lui dans la deuxième manche, il a même repris sa bisbille avec le patron du jeu, se plaignant du manque d’autorité de celui-ci par rapport au temps, trop important à son goût, pris par son adversaire entre les points. Sans jamais s’emporter contre ce dernier, toutefois.
Selon moi, Denis a eu tort dans cette situation.
Rafael Nadal
“Quand Rafa est venu au filet pendant que je discutais avec l’arbitre ? Il voulait juste savoir ce qu’il se passait, il ne comprenait pas trop”, a confié l’actuel 13e mondial. “Absolument aucun problème avec Rafa.” Ses reproches, il les a envoyés à ceux chargés de faire respecter les règles. “Est-ce qu’il a bénéficié d’un traitement de faveur grâce à son statut ? A 100%”, a-t-il poursuivi. “Tous les autres matchs que j’ai joués, le rythme était bien plus rapide, l’arbitre respectait le chronomètre. Après les deux premiers sets, on en était déjà à 1h30 de jeu parce qu’il (Nadal) traînait entre les points. L’arbitre lui donnait trop de temps.”
Un constat qui relève de la fantasmagorie d’après le gaucher des Baléares. “Non, je pense vraiment que les meilleurs joueurs, le Big 3, n’ont pas de traitement de faveur sur le court”, a-t-il déclaré. “Souvent, les gens croient cela, mais honnêtement, ce n’est pas vrai. Je ne me suis jamais senti avantagé. Je suis désolé pour Denis, il a fait un grand match et les défaites comme celle-ci sont difficiles à encaisser. (…) Mais j’ai un grand respect pour Carlos, c’est un grand arbitre. Et il a souvent été dur avec moi, non ? Donc je ne pense pas avoir été favorisé.”
Où est la limite ? Quand va-t-on dire aux joueurs que ça suffit ?
Denis Shapovalov
A Rio de Janeiro, lors de la demi-finale de l’édition 2015 face à Fabio Fognini, Rafael Nadal était parti au clash avec Carlos Bernardes. Suite à des avertissements de temps qu’il jugeait abusifs, il l’avait alors tancé d’un autoritaire : “Je n’en peux plus de toi, tu es celui qui me mets le plus de pression, je vais demander à ce que tu ne m’arbitres plus jamais.” Malgré cela, le Brésilien était bien présent ce mardi, et n’a pas hésité à lui mettre un ‘time violation warning’ avant la balle de break à 2-1 dans la quatrième manche. Résultat ? Double faute de Nadal. Autre point de discorde de ce mardi, la pause vestiaire prise par le Majorquin à la fin du quatrième set.
“L’an passé, ont m’a refusé un ‘toilet break’ parce que j’avais déjà fait appel au médecin”, a-t-il rappelé. “Et là, alors que lui aussi avait déjà appelé le médecin (pour des maux de ventre), il a été autorisé à le faire. A la fin du quatrième set, il reçu un examen médical, c’est ce que l’arbitre m’a dit, et a pris un une pause vestiaire. Où est la limite ? Quand va-t-on dire aux joueurs que ça suffit ? Je respecte tout ce que Rafa a accompli, il est incroyable. Mais il doit y avoir des règles. C’est tellement frustrant d’avoir l’impression de se battre contre les arbitres en plus de l’adversaire.”
Il est jeune, moi aussi j’ai fait des erreurs dans ma carrière.
Rafael Nadal
Certes, Nadal a bien appelé le médecin à 4-1 dans le quatrième round, mais sans prendre de temps mort médical, le traitement étant reçu le temps d’un changement de côté classique. A la fin du set, comme après le deuxième, il est parti se changer, dans la durée impartie. Entre sa sortie du court et son retour, quatre minutes se sont écoulées. “Cette année, après ce qu’il s’est passé avec Stefanos (Tsitsipas, l’an passé) nous avons de nouvelles règles pour les ‘toilet breaks'”, a rappelé le “taureau de Manacor”. Un modification qui a cependant été mise en place sur le circuit ATP, alors que les tournois du Grand Chelem sont légiférés par l’ITF et eux-mêmes. “Quand nous allons aux vestiaires, un gars nous suit et nous fait le décompte : ‘trois minutes, deux minutes, une minute…’ J’ai respecté le temps imparti.”
Entre deux hommes qui se sont souvent échangés louanges et compliments par le passé, les “piques” sont restées tempérées. Shapovalov, s’en prenant essentiellement aux arbitres, Nadal exposant calmement sa version, tout en en se montrant compréhensif. “Je lui (Shapovalov) souhaite le meilleur”, a-t-il déclaré. “Il est jeune (22 ans), nous faisons tous des erreurs dans nos carrières. J’en ai fait beaucoup moi aussi, et plus tard il comprendra qu’il avait probablement tort et n’a pas réagi de la bonne façon aujourd’hui (mardi).”