Plus agressif, plus expressif, Mannarino renait et s’offre un huitième de finale de gala contre Nadal
Adrian Mannarino est venu à bout d’Aslan Karatsev vendredi pour rallier les huitièmes de finale de l’Open d’Australie pour la première fois de sa carrière. Opposé à Nadal pour une place en quart, le Français de 33 ans n’a jamais semblé si bien sur le court qu’actuellement.
Open d’Australie 2022 | Tableau | Programme | Troisième tour
Personne ne l’avait vu venir. Pas même lui, peut-être. Adrian Mannarino s’est qualifié vendredi pour les huitièmes de finale de l’Open d’Australie. Une première dans la carrière du Parisien de 33 ans, qui s’est défait d’Aslan Karatsev, en quatre manches (7-6, 6-7, 7-5, 6-4). Hurkacz 11e, puis Karatsev, 15e, sacré parcours ! Il sera opposé à Rafael Nadal pour une place en quart.
Mannarino a ce jeu de gaucher si rare de contreur à plat qui propose des balles cotonneuses, sans vie, rasantes, sa préparation courte en coup droit, le cordage de sa raquette tendu à 11-12 kg… Il peut constituer un calvaire pour tout joueur sans confiance ou qui n’arrive pas à le prendre de vitesse. Hubert Hurkacz, tête de série numéro 10, l’a vécu à ses dépens. “Il a été très solide tout au long du match”, avait déclaré le Polonais après avoir pris une correction mercredi.
Aslan Karatsev a lui aussi subi la loi du Français. Le numéro 3 russe, bien moins fringant qu’en 2021, notamment après avoir remporté le titre à Sydney dimanche dernier, n’est pas au top de sa forme. Mais son bras part tellement vite qu’il arrive, même diminué à la jambe gauche comme c’était le cas vendredi, à réaliser des coups gagnants à une vitesse impressionnante. C’est ce qui lui a permis de s’en sortir face à Munar puis McDonald, en lâchant respectivement deux et un set.
Mannarino en pleine forme physique et mentale
Mais il n’avait sans doute plus de jus pour rivaliser pendant près de cinq heures avec Mannarino et la toile qu’il a tissée : 32 coups gagnants, 22 fautes directes seulement. Le 69e mondial est en pleine forme physique, en atteste sa résistance durant ce combat. “J’adore courir, je me sentais en forme aujourd’hui, je regardais parfois l’horloge et je me disais ‘ce n’est pas vrai !'”, a-t-il déclaré sur le court après cette superbe victoire.
Il est en pleine forme au niveau mental, aussi. Il a parfaitement manœuvré le tie-break du premier set, a su se remobiliser après la perte du deuxième au tie-break là aussi, a remonté un handicap de deux jeux (4-2 pour Karatsev) avant de virer en tête. Et il est parvenu à garder son break en faisant preuve d’une grande lucidité pour finalement s’imposer en 4h38 de jeu sur une 86e faute de Karatsev – il a fait 77 coups gagnants. “Je suis assez épuisé, c’était cool, j’étais tellement concentré sur ce que j’avais à faire, je me disais ‘va chercher le point, puis le point suivant.'”
Moi, je suis toujours très content quand il extériorise du positif parce qu’il a l’habitude d’extérioriser beaucoup de négatif. Montrer qu’il est positif, motivé, c’est très bien.
Arnaud Agniel, coach de Mannarino, à L’Equipe
Si Mannarino est plus agressif et tente beaucoup plus sa chance qu’auparavant, le plus grand changement se trouve dans son état d’esprit et son attitude sur le terrain. Introverti et discret, il semblait prendre du plaisir à disputer ces longs rallyes qu’il affectionne, et n’hésitait pas à serrer le point en se tournant vers son clan, que ce soit face à Hurkacz ou Karatsev. Outre Sébastien Grosjean, capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis, et Paul-Henri Mathieu, responsable de haut niveau, se trouvait également son coach depuis juin 2019, Arnaud Agniel, vendredi dans son box.
Ce dernier est satisfait du comportement de son protégé, comme il l’a expliqué à L’Equipe mercredi. “Son ADN, c’est quand même d’être très introverti, renfermé. Mais s’il arrive à faire des gestes comme ça vers l’extérieur, c’est qu’il se sent vraiment bien. Moi, je suis toujours très content quand il extériorise du positif parce qu’il a l’habitude d’extérioriser beaucoup de négatif. Montrer qu’il est positif, motivé, c’est très bien.”
L’an dernier, Mannarino était déprimé à Melbourne
Ce changement d’attitude du Français de 33 ans dénote avec l’Open d’Australie qu’il a disputé l’an dernier. S’il s’était montré performant sur le terrain – troisième tour -, il avait clairement eu du mal avec le confinement à Melbourne et la bulle sanitaire installée durant le mois en Australie. “J’avais surtout envie de me débarrasser de la question car j’ai envie de me barrer“, avait-il déclaré après sa défaite sèche contre Alexander Zverev.
Il était à bout mentalement. “Je distingue l’homme et le joueur, a exposé Mannarino. Le joueur de tennis que je suis est un peu déprimé. L’homme a la chance d’avoir un beau métier, un beau revenu, la chance de pouvoir voyager, et de faire ce qu’il aime. Il faudrait que je sois heureux. Mais c’est difficile. La situation est raide pour tout le monde, au-delà du tennis. Pour nous, ce n’est pas agréable de jouer sur le tour en ce moment.”
Il avait également déclaré. “On parlait de santé mentale récemment, et beaucoup de joueurs sont à bout. S’entraîner enfin normalement et être bien dans sa peau au quotidien ferait du bien à tout le monde. J’espère retrouver ça bientôt.”
Le voir renaître là où, un an auparavant, il n’avait sans doute jamais autant parlé de son mal-être, est une belle surprise. Ce parcours de rêve pourrait être encore plus beau s’il venait à bout de Rafael Nadal, dimanche – il ne sait pas qu’il va affronter l’Espagnol. Ce serait la plus belle victoire de sa carrière.